Laurent Bouvet: « La gauche est totalement schizophrène »
Mercredi 27 Mars 2013 à 05:00 |
PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE PETIT
Politologue, Laurent Bouvet analyse le risque représenté par l'extrême droite au regard de montée des insécurités économiques, sociales et culturelles ainsi que du flou de la politique menée par le président de la République.
La présidente du Front National Marine Le Pen à La Rochefoucauld pendant son "tour de France des oubliés", février 2013 - NOSSANT/SIPA
Marianne : Si François Hollande échoue, pensez-vous que l'extrême droite pourrait occuper la place centrale en 2017 ?
Laurent Bouvet : Tout à fait d'accord ! La réussite de la majorité actuelle et du président s'appréciera à sa manière de répondre, au moins en partie, à la fois matériellement et symboliquement, aux «insécurités». Celle liée à la délinquance et celle liée à la situation économique et sociale, et une troisième que j'appelle faute de mieux «insécurité culturelle». Ces dernières années, elle s'est fortement cristallisée autour de la question de l'islam, en raison du contexte de l'actualité internationale comme des évolutions et des manipulations dont il a été l'objet dans notre pays.
Il ne me semble pas que les Français attendent des miracles, mais, plus prosaïquement, qu'on leur indique où l'on va. Une parole solennelle du président de la République, des «réformes»annoncées, un ordre de priorité affiché, etc. Tout cela contribuera à indiquer le sens de l'action publique. Or, depuis l'arrivée de François Hollande au pouvoir, un certain flou règne dans ce domaine. Ce n'est pas une bonne nouvelle, car, avec son discours caricatural mais clair et déterminé, une Marine Le Pen attire bien évidemment l'attention. Elle joue sur du velours.
Pensez-vous aussi que la bataille contre le néolibéralisme a été perdue ?
L.B. : La «bataille culturelle» contre le néo-libéralisme a été en partie perdue, ça, oui. Et les conséquences de cette défaite sont en partie ce repli identitaire que l'on constate partout aujourd'hui. Simplement, la gauche a sa responsabilité là-dedans. Celle de n'avoir pas vu - ou compris - que le libéralisme était un tout, une idéologie cohérente et puissante qui lie étroitement toutes les dimensions de l'individu. La liberté individuelle ne se partage pas. Ainsi, par exemple, libéralisme économique et libéralisme culturel vont-ils de pair.
On ne peut pas se vouloir régulateur et vigilant face au libéralisme économique et financier (et encore, à condition de le vouloir vraiment...) et être ultralibéral concernant les valeurs des individus. Qu'il s'agisse des mœurs ou du rapport à l'identité collective ou encore de la manière de «vivre» sa religion, par exemple. A mes yeux, sur cette question fondamentale du libéralisme, du rapport à l'idéologie dominante, des conséquences de ce que l'on pense et croit sur la vie quotidienne, une grande partie de la gauche est totalement schizophrène. La célèbre citation de Bossuet prend ici tout son sens : «Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu'ils en chérissent les causes.»
Laurent Bouvet : Tout à fait d'accord ! La réussite de la majorité actuelle et du président s'appréciera à sa manière de répondre, au moins en partie, à la fois matériellement et symboliquement, aux «insécurités». Celle liée à la délinquance et celle liée à la situation économique et sociale, et une troisième que j'appelle faute de mieux «insécurité culturelle». Ces dernières années, elle s'est fortement cristallisée autour de la question de l'islam, en raison du contexte de l'actualité internationale comme des évolutions et des manipulations dont il a été l'objet dans notre pays.
Il ne me semble pas que les Français attendent des miracles, mais, plus prosaïquement, qu'on leur indique où l'on va. Une parole solennelle du président de la République, des «réformes»annoncées, un ordre de priorité affiché, etc. Tout cela contribuera à indiquer le sens de l'action publique. Or, depuis l'arrivée de François Hollande au pouvoir, un certain flou règne dans ce domaine. Ce n'est pas une bonne nouvelle, car, avec son discours caricatural mais clair et déterminé, une Marine Le Pen attire bien évidemment l'attention. Elle joue sur du velours.
Pensez-vous aussi que la bataille contre le néolibéralisme a été perdue ?
L.B. : La «bataille culturelle» contre le néo-libéralisme a été en partie perdue, ça, oui. Et les conséquences de cette défaite sont en partie ce repli identitaire que l'on constate partout aujourd'hui. Simplement, la gauche a sa responsabilité là-dedans. Celle de n'avoir pas vu - ou compris - que le libéralisme était un tout, une idéologie cohérente et puissante qui lie étroitement toutes les dimensions de l'individu. La liberté individuelle ne se partage pas. Ainsi, par exemple, libéralisme économique et libéralisme culturel vont-ils de pair.
On ne peut pas se vouloir régulateur et vigilant face au libéralisme économique et financier (et encore, à condition de le vouloir vraiment...) et être ultralibéral concernant les valeurs des individus. Qu'il s'agisse des mœurs ou du rapport à l'identité collective ou encore de la manière de «vivre» sa religion, par exemple. A mes yeux, sur cette question fondamentale du libéralisme, du rapport à l'idéologie dominante, des conséquences de ce que l'on pense et croit sur la vie quotidienne, une grande partie de la gauche est totalement schizophrène. La célèbre citation de Bossuet prend ici tout son sens : «Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu'ils en chérissent les causes.»
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