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Démocratie
totalitaire
par Patrick Hébert, secrétaire de l’UD CGT-FO 44
jeudi 28 mars 2013
Dans tous les pays de l’Union européenne, la
Troïka prétend imposer sa loi. Elle le fait avec la complicité active de tous
les gouvernements qui, quelle que soit leur couleur politique, multiplient les
plans de rigueur.
Dernier pays touché, Chypre, où les mesures
annoncées ont provoqué des manifestations d’une telle ampleur que le Parlement
a dû voter contre le (premier) plan concocté par la Troïka.
C’est pourquoi d’ailleurs un second plan vient
d’être décidé, qui lui n’a pas besoin d’être présenté devant le Parlement...
Sans doute n’est-il pas "présentable".
Comme disait Bertolt Brecht :
"Puisque le peuple vote contre le gouvernement, il faut dissoudre le
peuple."
S’il vivait encore, il pourrait ajouter :
"Quand il n’est pas assez docile, il faut aussi dissoudre le
Parlement".
Et pour plagier Michel Audiard :
"Comme les cons, les dictateurs, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les
reconnaît".
Dans tous les pays atteints par cette fureur
assassine, la révolte gronde, et l’Union européenne fait l’objet d’un rejet
massif, qui souvent prend une tournure anti-allemande, notamment dans les pays,
qui, comme la Grèce, ont subi une occupation particulièrement impitoyable
pendant la deuxième guerre mondiale.
Certes le gouvernement allemand, compte tenu
de son poids économique, a une responsabilité incontestable dans l’élaboration
de cette politique. Mais ce procès est finalement injuste, car, en réalité,
tous les gouvernements sont complices ; et le plus souvent ces plans
d’austérité sont adoptés à l’unanimité des pays-membres.
A des degrés divers, dans tous ces pays la
classe ouvrière, et plus largement la population rejettent ces mesures et
cherchent à s’y opposer, mais elles se heurtent à une véritable dictature.
Dans ce contexte, à l’initiative de militants
syndicalistes espagnols, une conférence regroupant des délégations venues de
treize pays s’est tenue à Tarragone les 16 et 17 mars. Cette réunion a permis
de constater que, si les pays du Sud de l’Europe sont les plus touchés, ceux
du Nord ne sont pas pour autant épargnés. C’est d’ailleurs un militant venu du
Danemark qui a expliqué qu’il n’est plus nécessaire, du moins pour l’instant,
d’utiliser les chars pour imposer ces plans de rigueur, car avec l’Union
européenne nous sommes confrontés à une « démocratie totalitaire ».
Nous faisons donc face à une situation
contradictoire. D’un côté une "soft dictature", qui, en dernière
analyse, impose ses décisions. De l’autre la classe ouvrière qui, dans chacun
des pays, cherche les voies de la résistance.
Dans une véritable démocratie, nous pourrions
espérer un « changement » à l’occasion d’une alternance à la tête
du pouvoir. Mais comme nous pouvons le constater en France, les majorités changent
mais l’austérité reste.
C’est ce que note le journaliste des Echos à
propos du tout récent débat sur la motion de censure : "Jean-François
Copé et Jean-Marc Ayrault ont bien échangé les attaques d’usage, mais ils se
sont aussi livrés à une analyse assez proche de la situation économique… leur
vocabulaire est identique. Et lorsqu’un mot est trop connoté, on cherche un
synonyme… des propos courageux, au regard de la culture de la gauche."
Alors, plus que jamais, reste le rapport de
force.
Comme l’annonce le dernier rapport de l’OCDE,
le gouvernement s’apprête à imposer un plan de rigueur drastique.
Dans certains pays, les directions des
syndicats ont accepté de s’impliquer dans des pactes sociaux. Elles ont failli
rapidement être débordées. En France, il y a bien la CFDT et son annexe l’UNSA
pour jouer ce rôle, mais le gouvernement sait bien que cet appui n’est pas
suffisant.
La CGT vient de tenir son congrès. Nous savons
bien comment ses congrès sont « préparés » et les délégués triés.
Pourtant, à plusieurs reprises, les militants
CGT ont manifesté leur volonté d’en découdre. Ce fut le cas, en particulier,
sur la question du projet de loi de transposition de l’ANI… Certes la nouvelle
direction confédérale est parvenue, avec difficulté, à faire adopter à mains
levées sa version de la résolution. Mais il est significatif qu’une partie du
congrès se soit levée pour scander « retrait ! ,
retrait ! » , et qu’une partie non négligeable des délégués aient
finalement voté contre le texte, parce qu’il ne comportait pas l’exigence du
"retrait".
Dans cette situation, le gouvernement et le
patronat s’accrochent à la moindre bouée. C’est ainsi qu’ils ont cru devoir se
féliciter de la signature par notre confédération de l’accord AGIRC-ARRCO à
propos des retraites complémentaires.
Dans un communiqué le Premier ministre
« salue l’esprit de responsabilité des partenaires sociaux. Il se
félicite que les bases d’un accord aient pu être trouvées... » Puis il
ajoute : « de son côté, le gouvernement poursuit la démarche qu’il a
engagée sur les retraites de base"
Futé ! Non ?
Que le gouvernement tente ainsi de nous
compromettre, de nous "mouiller", au moment où il s’apprête à prendre
de nouvelles et importantes mesures de rigueur, est ridicule mais aussi, d’une
certaine manière, l’expression de sa faiblesse.
Certes, nous pouvons discuter entre nous (et
nous ne nous en privons pas) de l’opportunité de signer l’accord AGIRC-ARRCO.
Il en va d’ailleurs de même pour toute signature.
Certains parmi nous peuvent même considérer
que cet accord n’est pas bon et qu’il n’aurait pas fallu le signer. Mais
imaginer, une seule seconde, que cette signature pourrait nous conduire à
accepter la politique de rigueur est une grave erreur, et c’est bien mal nous
connaître.
Le gouvernement espère peut-être que nous
allons rendre les armes, et que les grèves et les manifestations du 5 mars
contre l’ANI resteront sans lendemain. Une fois encore, il se berce
d’illusions. Dès le 9 avril, avec la CGT et tous ceux qui voudront bien s’y
associer, nous allons poursuivre le combat. Nous appelons tous les salariés à
se mobiliser massivement pour exiger le retrait du projet de loi de
transposition de l’ANI ; et s’il est voté, nous continuerons à en exiger
l’abrogation.
Nous sommes définitivement contre toute forme
d’austérité. Partisans du progrès social, opposés à toutes ces conceptions
moyen-âgeuses qui usent d’un vocabulaire moderniste pour prêcher une sorte
d’idéologie de la pauvreté, jamais nous n’accepterons la liquidation de nos
conquêtes sociales.
Le vent peut bien parfois nous être contraire,
nous savons qu’à un moment ou à un autre, il tourne. C’est l’honneur des
militants, des résistants de nager contre le courant quand nécessaire. Il n’y
a pas d’avenir, pas d’Histoire pour ceux qui pratiquent la politique du chien
crevé au fil de l’eau. Nous savons que ce système, le système capitaliste, si
l’on ne se bat pas, conduit inéluctablement à la barbarie. Alors, une fois
pour toutes, nous avons choisi notre camp. Nous savons que la classe ouvrière,
malgré les coups reçus, est debout. Elle le démontre chaque jour, que ce soit
en Tunisie, en Espagne, au Portugal, ou plus récemment dans cette petite
île : Chypre.
Que le gouvernement et le patronat ne s’y
trompent pas. Ils peuvent bien tenter toutes sortes de manoeuvres pour nous
intégrer, pour nous amadouer. C’est peine perdue, car nous sommes par la
raison, mais aussi viscéralement, attachés à l’indépendance, à la liberté et à
la démocratie.
Notre décision est déjà prise. Si le
gouvernement veut imposer un nouveau plan de rigueur, comme en 2010 contre le
Plan Fillon, nous n’hésiterons pas une seule seconde à appeler à bloquer le
pays, à appeler à la grève.
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