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vendredi 29 mars 2013

Intervention de François Hollande : le décryptage en 5 points

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POLITIQUE -  le 29 Mars 2013
Elysée

Intervention de François Hollande : le décryptage en 5 points

        
Hier soir sur France 2, le président de la République a confirmé le cap austéritaire que les Français contestent majoritairement. Voici les cinq raisons du décrochage d’avec les classes populaires décryptées par la rédaction de l'Humanité.
1. L’emploi au cœur 
des préoccupations des Français
François Hollande en avait fait une promesse de campagne, il a réaffirmé son objectif d’inverser la courbe du chômage d’ici la fin de l’année. Les Français ne s’y trompent pas. Déçus à 81 % par la politique gouvernementale en matière de lutte contre le chômage, ils ne sont que 15 % à se déclarer satisfaits des mesures prises en faveur de l’emploi (contrats de génération, emplois d’avenir, crédit d’impôt, mesures de compétitivité…), selon un sondage LH2 pour le Nouvel Observateur. Le mois de février a enregistré la 22e hausse consécutive du chômage. Selon les chiffres du ministère du Travail, 18 400 chômeurs de plus en catégorie A (qui n’ont pas travaillé du tout) ont été recensés, soit une hausse de 0,6 % sur un mois. Un total de 3 187 700 chômeurs en France métropolitaine (10,2 % de la population active au sens du Bureau international du travail), qui frise le record de 3 195 500, établi en 1997. Malgré la confiance affichée du pouvoir, la conjoncture économique ne permet guerre l’optimisme. Car si seule une reprise de la croissance permettrait, comme en 1997, de voir baisser les chiffres du chômage, les prévisionnistes tablent non seulement sur une croissance française quasi nulle pour 2013 mais également sur une hausse du chômage pour les deux prochaines années. Parallèlement, l’Insee a indiqué mercredi une diminution du pouvoir d’achat des Français de l’ordre de 0,4 % en moyenne sur l’année 2012. Un recul record depuis près de trente ans, qui n’augure rien de bon en matière de croissance, et donc d’emploi. Les objectifs gouvernementaux en matière de chômage semblent pour le moins irréalisables.
2. Pacte de compétitivité, flexibilité tournent le dos aux attentes
S’il est un domaine où les attentes de changement étaient pressantes, et où la déception est grande, c’est bien celui-ci : le redressement de l’industrie. La très symbolique mise en place d’un ministère du Redressement productif, le volontarisme affiché par son titulaire au verbe haut n’ont pas longtemps fait illusion. Quoi qu’en dise Arnaud Montebourg, on compte bien plus de dossiers d’entreprises menacées ou sacrifiées sur l’autel de la rentabilité financière, sur lesquels le gouvernement a montré son impuissance, que l’inverse. Le cas d’ArcelorMittal, dont le compte a été réglé via un accord gouvernement-Mittal, contre l’avis des syndicats, et après que Montebourg ait fait miroiter l’espoir d’une nationalisation, restera comme un marqueur négatif du quinquennat, à l’image de la trahison par Sarkozy des sidérurgistes de Gandrange. Le pacte de compétitivité et l’octroi de 20 milliards d’aides publiques aux entreprises sous forme de crédit d’impôt, sans contrepartie, sont encore plus lourd de sens. Il s’inscrit dans le droit fil des politiques d’exonération de charges et de cadeaux fiscaux menées par les précédents gouvernements de droite, alors qu’elles n’ont, en rien, prouvé leur efficacité contre la désindustrialisation et les pertes d’emplois. Le projet de loi transposant l’accord de flexibilisation de l’emploi (ANI) signé par le patronat et des syndicats minoritaires est l’autre grand symbole du renoncement de l’équipe Hollande-Ayrault. Contrairement à l’objectif de sécurisation de l’emploi initialement affiché par le gouvernement, ce projet n’apporte, en effet, satisfaction réellement qu’au patronat, en facilitant les licenciements.
3. Sur l’impôt, le président 
manque encore de crédit
« La réforme fiscale est (…) l’acte premier, la condition préalable à la formation d’un cercle vertueux. » Le candidat à l’élection présidentielle qui prononça cette phrase visait un triple objectif ambitieux : améliorer les comptes publics, la « compétitivité » des PME et, surtout, la justice sociale. Le candidat disait : « Le temps sera compté, c’est dans les premiers mois d’un quinquennat que beaucoup se joue. » Élu président de la République, François Hollande prendra bien des mesures fiscales : une nouvelle tranche marginale de l’impôt à 45 % pour les revenus les plus importants, une réforme de l’impôt sur la fortune, un alignement partiel de la fiscalité du capital sur celle du travail… Mais, dans le même temps, 20 milliards d’euros de crédit d’impôt étaient offerts aux entreprises sans condition, au prétexte d’un manque de compétitivité, et une TVA dite sociale était réinstaurée pour compenser le manque à gagner. Enfin, la plus symbolique des mesures, une taxe annoncée à 75 % sur les plus hauts revenus a été retoquée par le Conseil constitutionnel, et sa deuxième version transformée en son contraire, c’est-à-dire en un nouveau bouclier fiscal, par le Conseil d’État. La réforme fiscale a déjà eu lieu, se félicitait pourtant face à Jean-Luc Mélenchon, sur France 2, l’ex-ministre délégué au Budget, Jérôme Cahuzac, le 7 janvier. Ce dernier ayant dû démissionner du gouvernement, son successeur à Bercy reprendra-t-il le dossier là où il a été laissé pour impulser, enfin, la grande réforme redistributive attendue à gauche ?
4. L’austérité budgétaire 
plombe la croissance et le moral
Le 31 août 2012, trois mois à peine après la victoire de la gauche, « le changement, c’est maintenant » du candidat Hollande est déjà loin. À Châlons-en-Champagne, le président de la République annonce le tournant de la rigueur, autrement dit l’austérité. L’objectif affiché, « réduire à zéro les déficits en 2017 et relancer la compétitivité ». Pour ce faire, l’objectif pour Hollande est de « réaliser, sur cinq ans, 60 milliards d’euros d’économies dans les dépenses publiques ». Une purge jamais vue sous la Ve République. Cette politique d’austérité se traduit non seulement dans le budget de l’État dès 2013, avec des coupes sombres dans nombre de ministères (Affaires sociales, Santé, Transports, Culture... et même dans ceux jugés prioritaires comme l’Éducation), mais aussi dans les finances des collectivités territoriales. Moins 4,5 milliards d’euros de dotations d’État d’ici 2015 pour ces dernières avec, à la clé, une remise en cause des services publics de proximité et, alors qu’elles réalisent 70 % des investissements publics, une diminution de leurs capacités financières. Bien que cette politique d’austérité soit contre-productive, tant du point de vue des déficits que de la relance économique, les prévisions de croissance sont revues à la baisse (atone en 2012, elle pourrait être de 0,2 % en 2013), elles s’opposent à la satisfaction des besoins populaires. Et le gouvernement s’entête avec le projet de réforme des retraites qui pourrait prévoir l’allongement de la durée de cotisation et de nouvelles ponctions sur les pensions, ou la mise en cause des politiques familiales. Et pourtant, nulle part, les politiques d’austérité n’ont permis de sortir de la crise.
5 Le traité européen 
qui ne fut jamais renégocié
« Je proposerai à nos partenaires un pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance pour sortir de la crise et de la spirale d’austérité qui l’aggrave. Je renégocierai le traité européen issu de l’accord du 9 décembre 2011 en privilégiant la croissance et l’emploi, et en réorientant le rôle de la Banque centrale européenne dans cette direction. » Cette phrase d’accroche de la proposition numéro 11 du candidat François Hollande à la présidence de la République permet de saisir immédiatement l’ampleur du décalage avec la réalité de la politique conduite depuis par l’hôte de l’Élysée. Et donc la dimension du malaise de ceux qui avaient voté pour cette réorientation de la construction européenne qui, plus le temps passe, apparaît pourtant si vitale. Loin de « renégocier le traité budgétaire », Paris l’a signé tel quel, se soumettant à des normes qui constituent un cadre coercitif et restrictif supplémentaire. Pour lequel l’annexe en faveur de la croissance sur laquelle l’Élysée a beaucoup communiqué s’est révélée vide et sans autre objet que de faire avaler une potion bien amère à l’opinion. Le plongeon de Hollande, le président, dans la « spirale de l’austérité » si chère à Angela Merkel, n’a eu d’autre effet que d’aggraver la crise. Comme le relevait, à juste titre, Hollande, le candidat. Et comme le prouvent les ultimes prolongements chypriotes du syndrome congénital qui ronge l’euro, l’incroyable saignée que l’on veut administrer une fois encore à tout un peuple, n’obeissant qu’à une seule consigne : garder le cap désigné par les marchés financiers et un capitalisme allemand dominant.
Décryptage réalisé par Marion d’Allard, Yves Housson, Bruno Odent, Adrien Rouchaleou et Max Staat.

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