Par Daniel Gluckstein •
Il y a à peine quarante ans, la mobilisation du prolétariat brésilien débouchait sur la formation de puissantes organisations de classe – le Parti des travailleurs (PT), puis la Centrale unique des travailleurs (CUT) et d’autres organisations populaires – et abattait la dictature militaire.
Quarante ans plus tard, les travailleurs brésiliens sont saisis d’effroi: élu président, un nostalgique de la dictature promet de déchaîner la réaction anti-ouvrière et antidémocratique; comment est-ce possible?
Bolsonaro a, certes, bénéficié de l’alliance de l’armée, des banquiers, des multinationales, des Eglises, des grands propriétaires terriens et des institutions héritées de la dictature . Appuyée par Trump, cette alliance a déchaîné l’intoxication médiatique et la violence, jusqu’à jeter en prison le candidat choisi par le PT et lui interdire de se présenter.
Mais Bolsonaro aurait-il été élu si le PT, au gouvernement durant treize ans, avait décrété la réforme agraire, arrêté les privatisations et abrogé les institutions? Au lieu de quoi ses dirigeants ont plié devant les capitalistes, les grands propriétaires terriens et les institutions, livrant la classe ouvrière et la nation opprimée à une défaite sans combat.
En France, ce n’est pas un Bolsonaro mais un Macron que la « gauche » au pouvoir a produit, après avoir, durant des années, servi les exigences de déréglementation et de privatisation de l’Union européenne et du capital financier. Résultat : un régime toujours plus autoritaire, brutal et répressif, travaillant sans relâche à détruire droits ouvriers et conquêtes démocratiques. Retraites, Sécurité sociale, instruction publique, fonction publique… la liste ne cesse de s’allonger.
Comment bloquer cette machine à tout détruire?
Un syndicat de fonctionnaires – affilié à l’une des deux confédérations syndicales historiquement issues de la vieille CGT – propose à ses membres « un véritable plan d’actions » avec une journée de grève en janvier précédée et suivie d’actions diverses et dispersées afin, écrit-il, « de ne pas répéter les actions saute-moutons« . Dans l’autre confédération syndicale de même origine, les responsables d’un syndicat confronté à un plan de 4000 suppressions d’emplois écrivent: « Si les cheminots tout seuls n’ont pas réussi à faire reculer le gouvernement, comment les agents de Pôle emploi le pourraient-ils? »
Certes… Reste une question: ces dirigeants qui condamnent les journées saute-moutons ou mettent en garde contre l’isolement par secteur, que proposent-ils pour contraindre le gouvernement à reculer?
Le 20 octobre, les délégués des comités pour l’unité, réunis en rencontre nationale, ont lancé un appel « aux collègues de travail, aux jeunes, aux femmes travailleuses, aux militants et aux responsables des organisations ouvrières« . Appel qui se connue ainsi: « Unissez-vous! Unissons-nous! Constituons le front commun des travailleurs et des organisations! Partout, préparons l’action unie à tous les niveaux, la mobilisation et la grève générale si le gouvernement ne nous laisse pas d’autre choix! » Laisse-t-il un autre choix en vérité?