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vendredi 30 novembre 2018

La longue marche des migrants vers les États-Unis - le 5.11.2018


La longue marche des migrants vers les États-Unis
Le passage de la rivière Suchiate, frontière naturelle entre le Guatemala et le Mexique, le 2 novembre. CARLOSGARCIA RAWLINS/REUTERS
 Des milliers de personnes en provenance d’Amérique centrale
traversent le Mexique en direction du nord
 A la veille des élections de mi-mandat, où le vote latino pourrait être décisif, Donald Trump attise la peur d’une « invasion »
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LES ÉLECTIONS DE MI-MANDAT AUX ÉTATS-UNIS
A Las Vegas, les Latinos contre l’abstention
Les attaques de Donald Trump sur l’immigration pourraient accroître la mobilisation de la communauté hispanique lors des « midterms »
REPORTAGELAS VEGAS (NEVADA) - envoyée spéciale
Les affiches électorales en espagnol sont empilées au milieu des araignées en peluche et autres décorations d’Halloween. Comme tous les matins, la brigade du Culinary Workers Union, le puissant syndicat des employés de l’hôtellerie de Las Vegas, se prépare à partir en campagne. Au local 226 du syndicat, loin des casinos, les militants plient les brochures qu’ils vont aller distribuer dans les quartiers latinos. Tous sont vêtus tee-shirts rouges : « We vote, we win »(« si nous votons, nous gagnons »).
Le syndicat, qui compte 57 000 membres, a constitué une équipe de près de 300 employés des casinos pour faire du porte-à-porte. Depuis le 7 septembre, ces femmes de chambre, croupiers, cuisiniers et serveurs sont en congé de leur emploi habituel. Le syndicat les indemnise et paie leur assurance santé, en vertu d’une clause de détachement inscrite dans le contrat négocié avec les employeurs.
Harry Grill, le directeur des affaires politiques pour le Culinary Union, annonce les performances de la veille : « Cinquante-six sorties, notre record. » Soit cinquante-six trajets effectués par les syndicalistes pour amener des électeurs aux bureaux de vote anticipé qui ont été ouverts dans toute la ville pour éviter les files d’attente lors des élections de mi-mandat, le 6 novembre. Plus de 570 000 électeurs ont déjà voté dans l’Etat du Nevada, soit un tiers des inscrits. Le nombre de votants enregistrés démocrates est légèrement plus élevé que celui des républicains.

« Si ça, ça ne révolte pas… »

Quelques heures plus tôt, le président américain a annoncé qu’il veut revenir sur le droit du sol, l’un des principes fondamentaux de la citoyenneté américaine. « Trump veut faire en sorte que les enfants qui sont nés ici ne puissent pas devenir citoyens américains si leurs parents sont arrivés sans papiers, dénonce Harry Grill. C’est une insulte. Une ignominie. » La salle reste silencieuse, incrédule. Le droit du sol est inscrit dans le 14e amendement de la Constitution. « Je suis en colère, réagit Yvanna Cancela, 31 ans, qui siège au Sénat du Nevada depuis deux ans. Et triste. Ce matin, j’ai pleuré. » Plutôt que de céder à l’abattement, le syndicaliste appelle la troupe à diffuser largement l’information pendant leur tournée : « Si ça, ça ne révolte pas le vote latino, je ne sais pas ce qu’il faut. »
S’il avait voulu mobiliser davantage la communauté hispanique, Donald Trump ne s’y serait pas pris autrement. Depuis son élection, les Latinos ont l’impression de s’enfoncer chaque jour un peu plus dans l’incertitude et la précarité. « Cela fait deux ans que nous sommes les boucs émissaires », dit Leo Murrieta, de l’association Make the Road Nevada. Lui-même a une peur constante : « Me réveiller et apprendre que mon frère a disparu. Et il faut que je me batte pour savoir où ils l’ont emmené. » La liste des mesures hostiles ne cesse de s’allonger : suspension du statut des « dreamers » – ceux qui sont arrivés sans papiers aux Etats-Unis lorsqu’ils étaient enfants –, séparation des familles de migrants à la frontière, annulation des protections temporaires accordées aux ressortissants de pays en crise. Et l’armée, maintenant, à la frontière – 5 000 soldats, voire 15 000, promet Trump –, pour faire barrage à quelques centaines de civils, demandeurs d’asile d’Amérique centrale qui se dirigent à pied vers les Etats-Unis.
A cela s’ajoute la peine ordinaire des familles aux revenus modestes. Leo Murrieta prend l’exemple de sa mère âgée, en longue maladie : elle choisit chaque mois, dans son traitement, les médicaments qu’elle peut s’offrir. Selon le Pew Research Center, 50 % des Hispaniques déclarent que leur situation s’est détériorée depuis un an. Et 57 % de ceux qui sont nés à l’étranger sont « très inquiets » pour leur place dans la société américaine.

L’avenir suspendu des « dreamers »

« Les gens pensent que nous sommes découragés, ou effrayés, ou malheureux, dit le militant. Nous sommes tout ça, mais nous sommes aussi des électeurs. » Lui-même se souvient de la date exacte de son inscription sur les listes électorales : le 23 janvier 2010 à 14 h 30. « Aux yeux de Trump, on ne compte pas, assure-t-il, mais nous allons lui montrer que notre vote, lui, compte. »
Comme le Culinary Workers Union, Make the Road a lancé une campagne de sensibilisation des électeurs. Elle est dirigée par Lalo Montoya, 31 ans, l’un des dreamers dont l’avenir est suspendu aux ordres et contrordres de l’administration Trump. Son autorisation de travail de deux ans expire en septembre 2019. « Pas facile de vivre par tranche de deux ans quand on a habité toute sa vie ici », raconte-t-il. Lui qui réside aux Etats-Unis depuis l’âge de 2 ans mais n’a pas le droit de vote fait du porte-à-porte depuis des semaines avec une équipe d’une trentaine de jeunes. Les dreamers demandent aux électeurs de voter en leur nom. « Voter pour nous donner un jour la possibilité d’en faire autant, dit Lalo. Cette élection est plus importante que celle d’Obama. Il faut envoyer au Congrès des gens qui luttent pour que notre communauté soit respectée. »
Reste à amener les électeurs aux urnes. Selon le Pew Center, les Latinos en âge de voter sont 29,1 millions aux Etats-Unis (soit 13 % du corps électoral et 4 millions de plus qu’en 2014). Un poids susceptible de faire basculer les élections dans les Etats du Sud-Ouest américain, où ils sont concentrés (ils représentent 28 % de la population dans le Nevada, 31 % en Arizona, 39 % en Californie et au Texas).
Mais Les Latinos sont connus pour leur faible taux de participation, notamment aux élections de mi-mandat. Le record a été atteint en 2014 : 27 % de participation chez les Hispaniques, contre 45,8 % chez les Blancs et 40,6 % chez les Noirs. « Les Hispaniques sont plus jeunes, issus de milieux moins favorisés, et originaires de pays où existent beaucoup de frustrations par rapport aux institutions politiques »,justifie David Ayon, chercheur à la Loyola Marymount University à Los Angeles, et membre de l’institut d’enquêtes d’opinion Latino Decisions. Pour Leo Murrieta, les démocrates ont aussi leur part de responsabilités : « Ils ont beaucoup déçu. »
A chaque scrutin, les politologues annoncent le réveil du « géant endormi ». Mais même en 2016, après une campagne centrée sur la promesse de Donald Trump de construire un « mur » à la frontière, le résultat a été mitigé. La participation a augmenté, mais moins qu’escompté. Cette année sera différente, affirment les experts. « 70 % des inscrits latinos se déclarent presque certains d’aller aux urnes. On va voir un niveau de participation historique dans tout le pays », prévoit David Ayon.

Course plus serrée que prévu

Grâce au syndicat, le Nevada fait figure de champion du vote latino. La « culinary machine » s’est déployée pour Barack Obama en 2008. Elle a épargné une défaite au sénateur Harry Reid, talonné par le Tea Party en 2010. Six ans plus tard, Hillary Clinton a recueilli ici 81 % du vote hispanique. Cette année, la candidate démocrate au Sénat, Jacky Rosen, 61 ans, une ancienne informaticienne et présidente de synagogue élue en 2016 à la Chambre des représentants, espère bénéficier du modèle. Mais son adversaire, Dean Heller, un républicain qui se disait « à 99 % opposé à Trump » avant de le qualifier de « grand dirigeant », bénéficie de l’avantage du sortant.
Pour les démocrates, qui comptaient sur ce siège – le seul tenu par un républicain dans un Etat conquis par Hillary Clinton –, la course est plus serrée que prévu. Et les Latinos plus courtisés que jamais.
Parmi les fantassins de l’armée rouge du Culinary Union qui arpentent la banlieue nord de Las Vegas, Dora Arizmendi, 46 ans, et Ana Castaneda, 30 ans. D’habitude, Dora s’occupe du linge dans les chambres du Caesars Palace. Ana est barista au Starbucks du casino MGM. Leur stratégie est de vérifier que l’électeur qui figure sur leur liste « a un plan » pour se rendre au bureau de vote. « On veut être sûres que les gens aient toutes les informations, explique Dora. S’ils ne vont pas voter, ça va refaire comme en 2016. C’est pour ça qu’on a Trump maintenant. »
Une femme à l’air fatigué entrouvre la porte. Dora engage la conversation en espagnol. La mère déclare que l’un de ses deux fils est républicain. « Il faut lui expliquer que Trump détruit les familles, sermonne la militante. C’est votre rôle de parent. » A la maison d’à côté, c’est un grand type qui ouvre la porte, torse nu. « Je ne peux pas voter, dit-il, j’ai fait dix ans [de prison] ». « Parlez-en autour de vous, insiste Dora. Il faut absolument arrêter Trump. » « Oui, oui », promet-il.
Danielle Jones, 41 ans, est l’une des rares personnes à pied, de retour de l’école avec ses deux enfants. Sans voiture, il y a peu de chances qu’elle aille voter, explique-t-elle. Qu’à cela ne tienne. Le bureau le plus proche est à vingt minutes de voiture, dans une remorque installée sur le parking de l’église Canyon Ridge. Dora et Ana vont faire l’aller-retour, et occuper les enfants pendant que Danielle remplit son bulletin. A ce stade du combat, une voix est une voix.

A la veille du vote, l’obsession croissante de Donald Trump sur l’immigration
Le président américain multiplie les effets d’annonce sans obtenir de résultats
WASHINGTON - correspondant
Aux abords de lieux arpentés par Donald Trump à la veille des élections de mi-mandat comme à Columbia (Missouri), jeudi 1er novembre, les vendeurs de tee-shirts et de casquettes ont déjà une élection d’avance, celle de 2020, que le président ne cesse de mentionner. L’un des thèmes principaux est également identifié : l’immigration. Comme en 2016. Comme pour ces élections intermédiaires du 6 novembre.
Donald Trump a choisi de le marteler jusqu’à la veille du vote. Il a accompagné cette semaine ses descriptions alarmistes truffées de contre-vérités à propos des groupes de migrants d’Amérique centrale qui veulent demander l’asile aux Etats-Unis, d’un feu roulant d’annonces. Le président des Etats-Unis a ordonné le déploiement de milliers de soldats à la frontière, évoquant tantôt 5 000 soldats, tantôt 15 000, soit plus qu’en Afghanistan. Il a également estimé qu’il pouvait supprimer le droit du sol, pour l’obtention de la citoyenneté américaine, par le biais d’un simple décret, puis suggéré une refonte drastique du droit d’asile.
Les mises en garde répétées du président à propos de « l’invasion » qui menacerait les Etats-Unis sont contredites par les chiffres. Les arrestations de sans-papiers par la police des frontières, qui donnent une idée d’un phénomène par définition difficile à quantifier, sont parmi les plus basses de ces vingt dernières années, même si elles sont en 2018 supérieures à celles de 2017. Mécaniquement, les expulsions sont aussi en forte baisse. La seule inflation en la matière concerne les contentieux en souffrance devant la justice (demandes d’asile, expulsions) dont le nombre a augmenté de plus de 70 % depuis que Donald Trump est arrivé à la Maison Blanche.
La cascade de mesures des jours derniers ne répond donc pas à une poussée migratoire comparable à celles constatées du début des années 2000. Elle s’inscrit plutôt dans le cadre d’une anxiété exprimée par l’électorat de Donald Trump et que ce dernier entretient tout en donnant l’illusion d’apporter des réponses. Le président a en effet enregistré des échecs cuisants sur l’immigration malgré un Sénat et une Chambre tenus par les républicains.

Introuvable accord

En dépit des pancartes distribuées au public de ses meetings qui demandent de « finir le mur » promis sur la frontière avec le Mexique, ce dernier n’a pas avancé d’un pouce, faute de financement du Congrès. Et il n’est plus jamais question de l’engagement repris naguère par les sympathisants du président selon lequel ce mur serait « payé par le Mexique ».
Donald Trump a bien réduit drastiquement le nombre de réfugiés acceptés aux Etats-Unis et interdit l’accès du territoire américain aux ressortissants de sept pays, principalement du Moyen-Orient. Il a de même abrogé un statut temporaire créé par décret par Barack Obama au profit des sans-papiers arrivés enfants aux Etats-Unis (les « Dreamers »), qui jouissent d’un réel soutien dans l’opinion américaine. Mais il a empêché les républicains et les démocrates de trouver un compromis acceptable à leur sujet en imposant ses propres conditions. Les démocrates lui avaient proposé un marché : le financement du « mur » en échange d’un statut pour ces sans-papiers. En vain.
Tout porte à croire qu’un introuvable accord au Congrès pour une réforme globale de l’immigration deviendra encore plus chimérique après les élections de mi-mandat. La dernière tentative, partie d’un compromis bipartisan au Sénat alors contrôlé par les démocrates, avait été mise en échec en 2013 par les républicains, majoritaires à la Chambre, qui avaient refusé de l’examiner. Et en cinq ans, les différences entre les deux grands partis sur ce dossier se sont profondément creusées.
Publié le 29 octobre, le baromètre annuel du Politic Religion Research Institute, un cercle de réflexion de Washington consacré aux « valeurs américaines », met en évidence un écart moyen de quarante points entre démocrates et républicains sur des questions liées à l’immigration. Il s’agit de l’interdiction de l’accès au territoire américain pour des ressortissants de pays musulmans, de la construction du « mur », de la limitation du nombre de réfugiés, ou encore de la légitimité des séparations des familles entrées illégalement aux Etats-Unis. Donald Trump a dû renoncer à cette mesure face au tollé, après avoir tenté de l’imposer.
Alors que les réponses des démocrates sur ces points sont restées stables en 2018 par rapport à 2016, les républicains ont évolué vers une plus grande dureté. Tandis que les démocrates prônent dans les mêmes proportions qu’en 2016 (75 %) la régularisation des sans-papiers – présents parfois depuis des décennies sur le territoire et qui généralement intégrés –, les républicains, qui étaient majoritairement favorables à cette solution (55 %), sont devenus minoritaires (39 %).
Une majorité relative (42 %) des conservateurs veut désormais leur expulsion : seulement 28 % des républicains la soutenaient il y a deux ans. Donald Trump a joué une nouvelle fois sur la peur en répétant cette semaine, comme il l’avait déjà fait avant son élection, et sans jamais avancer la moindre donnée statistique, que cette population estimée à 11 millions de personnes pourrait être en fait trois fois plus nombreuse. Les démocrates se sont gardés de réagir à ces annonces à répétition. « C’est un piège. Ne tombons pas dedans », a ainsi estimé jeudi sur son compte Twitter le sénateur du Connecticut Chris Murphy.

Le dilemme mexicain face aux cortèges de migrants
Le président Peña Nieto est tiraillé entre les menaces de Trump et les exigences humanitaires
MEXICO - correspondance
Ils sont maintenant plus de 8 000 sur les routes mexicaines. Plus de 2 000 migrants, fuyant la criminalité et la misère au Honduras, au Salvador et au Guatemala ont traversé, vendredi 2 novembre, la frontière entre le Guatemala et le Mexique, dans le sillon de deux précédentes « caravanes » en route vers les Etats-Unis. « C’est un exode inédit », a souligné le président mexicain sortant, Enrique Peña Nieto. Pris en tenaille entre les menaces de Donald Trump et les exigences humanitaires, le chef de l’Etat, qui cédera le pouvoir le 1er décembre à Andrés Manuel Lopez Obrador (« AMLO »), opte pour des mesures migratoires contradictoires.
« Le double jeu de Peña Nieto, entre répression et laisser-faire, met en danger la vie de milliers d’enfants et de femmes enceintes », dénonce Magui Nuñez, une des porte-parole de la première « caravane », entrée dix-huit jours plus tôt au Mexique. Ces 5 000 migrants, la plupart honduriens, ont fait halte, vendredi, dans l’Etat de Veracruz (sud-ouest). Plus au sud, un deuxième cortège de 1 500 Centraméricains lui emboîte le pas, à pied ou accrochés à des camions. Mardi 30 octobre, 450 autres Salvadoriens se sont livrés, aux services migratoires et à l’armée déployés à la frontière sud du Mexique. Une décision rejetée par les représentants d’une troisième « caravane » de plus de 1 500 migrants qui ont passé, vendredi, le fleuve séparant le Guatemala du Mexique, devant des policiers dépassés.
Donald Trump, qui dénonce « une invasion », somme Mexico de stopper ces marées humaines, menaçant à demi-mot son voisin du Sud de ne pas ratifier leur nouvel accord de libre-échange. Il a aussi brandi une possible fermeture de leur frontière commune. Un enjeu de taille pour le Mexique, dont 80 % des exportations vont aux Etats-Unis. « Peña Nieto tente, à la fois, de ne pas irriter Trump et d’éviter une crise humanitaire », commente Adolfo Laborde, spécialiste des relations internationales à l’université Anahuac.
L‘ONU et les organisations de défense des droits de l’homme, dont Amnesty International, appellent son gouvernement à éviter le recours à la force. « Le Mexique respectera l’intégrité physique des migrants », a assuré M. Peña Nieto, tout en précisant que « les lois migratoires imposent des entrées ordonnées et régulées sur le territoire ». Le 26 octobre, le président a annoncé la mise en place d’un plan, « Tu es chez toi », qui propose emplois temporaires, assistance médicale et services éducatifs. Le tout à condition que migrants restent dans les Etats de Oaxaca et du Chiapas (sud-est) pour déposer des demandes d’asile ou de visa de transit leur permettant de traverser le pays sans être expulsés. Depuis, 2 200 migrants ont accepté cette offre, selon le gouvernement. Les autres l’ont refusée, bien décidés à passer aux Etats-Unis. Le 28 octobre, des heurts violents avec les forces de l’ordre ont fait un mort et une vingtaine de blessés parmi les migrants, qui ont traversé le fleuve entre le Guatemala et le Mexique. Le lendemain, le ministre de l’intérieur, Alfonso Navarrete, assurait que « les policiers n’étaient pas armés ». Il annonçait néanmoins l’arrestation de deux Honduriens, présumés délinquants, qui auraient infiltré cette caravane. Sa déclaration a apporté du crédit aux accusations sans preuve de M. Trump sur la présence de « criminels » dans les cortèges.

« Des gens épuisés »

Une ambiguïté révélatrice du dilemme dans lequel est plongé le gouvernement mexicain. Chaque année, plus de 500 000 migrants, la plupart centraméricains, passent par le pays pour rejoindre les Etats-Unis, selon l’ONU. « Leur traversée était clandestine mais, maintenant, elle se fait au grand jour et massivement », remarque M. Laborde. « Le gouvernement fait le minimum face à des gens épuisés avec des enfants déshydratés, certains atteints de maladies respiratoires, et qui sont plutôt aidés par des associations humanitaires », déplore Magui Nuñez. Mercredi, une migrante a accouché lors d’une halte de la première caravane.
Pour la politologue et journaliste Ana Francisca Vega, « cette crise a pris de court le gouvernement en pleine transition politique depuis l’élection présidentielle du 1er juillet, marquée par la victoire écrasante d’Andres Manuel Lopez Obrador ». Celui-ci a promis des visas de travail aux migrants pour les intégrer à son grand projet agraire du sud du Mexique. Le président élu espère « convaincre » M. Trump de financer un plan de développement incluant le Mexique et les pays d’Amérique centrale pour s’attaquer à la pauvreté, une des principales causes de l’émigration.
Entre-temps, la confusion règne : vendredi soir, le gouverneur de Veracruz, Miguel Angel Yunes, issu de l’opposition, avait accepté d’affréter des bus pour transporter les migrants de la première caravane jusqu’à Mexico, avant de revenir, au dernier moment, sur sa décision. « Yunes a subi la pression de Peña Nieto, qui cherche à freiner notre avancée pour gagner du temps et passer la patate chaude à AMLO” », accuse Mme Nuñez, qui confirme le souhait des migrants d’aller dans la capitale pour rencontrer M. Peña Nieto et « AMLO ». Les deux intéressés ne leur ont pas encore répondu, se gardant bien de provoquer le courroux de leur puissant voisin du Nord.

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