La Sociale
Analyses et débats pour le renouveau d'une pensée de l'émancipation
Mettre une chemise propreEn finir avec le clivage droite-gauche
Quand Lénine proposa l’abandon du terme social-démocrate au profit de celui de communiste,
il justifiait cette décision par le fait que le terme de social-démocrate avait été définitivement sali par la grande trahison de 1914[1]. En changeant ce qui doit être changé, les partisans d’une politique d’émancipation sociale et politique, ceux qui n’ont pas renoncé à la transformation sociale absolument nécessaire en cette période de crise structurelle du mode de production capitaliste, doivent se défaire de leur chemise sale, s’ils veulent être entendus de la multitude de ceux qui souffrent d’une crise dont on ne voit pas la fin. Et cette chemise sale a un nom : « gauche ».
Nous avons de longtemps montré pourquoi les termes « droite/gauche » étaient devenus des catégories
inutilisables.
Dans ses derniers ouvrages et notamment Les mystères de la gauche, Jean-Claude Michéa a très bien
montré ce qu’il en était[2]. La première faute de Jean-Luc Mélenchon et ses amis fondateurs du « Parti de Gauche » fut précisément de garder comme drapeau la « gauche », la « vraie gauche ». Il s’agissait alors de copier jusque dans l’intitulé ce qui s’était fait en Allemagne avec la création de « Die Linke », un parti rassemblant le socialiste Oskar Lafontaine, quelques petits partis plus ou moins trotskystes et les débris de feu le SED, le parti dirigeant de l’ex-RDA. Ce « parti de gauche » tout naturellement développa avec le PCF, quelques minoritaires du NPA et plusieurs groupuscules issus de la « gauche alternative », la stratégie dite du « front de gauche ». Ne discutons pas ici des positions politiques précises et des ambiguïtés, pour rester modéré, de ce bloc aujourd’hui bien fissuré.
L’essentiel est dans le terme « gauche » : il s’agit de marquer qu’il y a bien toujours une grande famille
« de gauche » et que le clivage droite/gauche reste le critère pertinent pour définir orientation et stratégie
politique.
Si le « front de gauche » ne ménage pas ses critiques à l’encontre du PS (que les amis de Mélenchon
nomment maintenant « parti solférinien »), il s’agit de dire que le PS n’est pas assez à gauche et qu’on pourrait faire pression sur lui pour l’infléchir vers la gauche – Mélenchon a même posé sa candidature pour être premier ministre de Hollande.
Mais cette manière d’aborder la situation présente est radicalement fausse parce qu’elle se contente de
prolonger, presque comme si rien ne s’était passé, la configuration des années 70, de l’époque bénie (?) de l’Union de la Gauche, ce bloc des aspirations sociales ouvrières et populaires et de celles de la nouvelle petite bourgeoise surtout préoccupée de revendications sociétales. Mais entre temps, deux processus fondamentaux et complémentaires ont miné les bases de l’Union de la Gauche.
Premier grand changement : le PS, parti réformiste qui voulait aménager de meilleures conditions pour les
classes populaires à l’intérieur d’un capitalisme régulé, s’est transformé en un parti des élites transnationales et d’une classe moyenne supérieure pour lesquelles les notions mêmes d’égalité n’ont plus aucun sens. À la place, c’est la non-discrimination qui devient le mot d’ordre utilisé à toutes les sauces, non pour dénoncer la « discrimination » dont sont victimes les travailleurs exploités et rejetés par le capital, les prétendues discriminations dont seraient victimes les « minorités sexuelles ». De ce point de vue, le PS reste un « parti de gauche » et d’ailleurs on a vu le front de gauche se réaliser autour du fameux mariage pour tous , pseudonyme tartuffesque pour parler du mariage homosexuel. Mais c’est un parti de gauche parfaitement adapté à les gestions des affaires du grand capital, non seulement en général, mais dans le détail de la politique dicté par la « classe capitaliste transnationale »[3]. Un parti qui, comme ses partis frères allemand, grec, portugais ou espagnol, s’engage de toute son âme dans le traitement de choc de la politique européenne, traitement de choc qui vise à pulvériser le « modèle social » européen, c’est-à-dire les acquis sociaux d’un siècle et demi de luttes ouvrières. Blum avait certes déjà dit qu’il s’était comporté en « gérant loyal du capitalisme » et le congrès du PS de 1991 avait voté une résolution indiquant que le capitalisme bornait l’horizon. Mais il y a une différence essentielle entre gérer le capitalisme tout en défendant les congés payés et la sécurité sociale et gérer le capitalisme en privatisant à tout va, en taillant dans les retraites et les salaires et en développant la flexibilité au profit du patronat comme dans l’accord national interprofessionnel que le gouvernement va inscrire dans la loi ! Que Gérard Filoche et autres porte-parole de la « gauche » du PS ne le voient pas, cela ne peut qu’interroger…
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