La stratégie de Hollande pour reconquérir l'estime des Français
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Par Challenges.fr
Malgré quelques initiatives audacieuses, le chef de l'Etat ne parvient pas à rassurer l'opinion sur sa capacité à endiguer la crise. Son intervention ce soir sur France 2 lui permettra-t-elle de clarifier son message?
Mots-clés : Retraites
Un "chef de guerre face à la crise". C'est l'image de François Hollande que ses conseillers espèrent véhiculer lors de son interview sur France 2 ce jeudi 28 mars. Un rendez-vous crucial, minutieusement préparé par le chef de l'Etat, qui a reçu six ministres en deux jours, et par l'ex-journaliste Claude Sérillon, qui a rejoint l'équipe de communication de l'Elysée. "Dans la crise la plus grave depuis l'après-guerre, il faut décliner une présidence de combat, assène un proche du chef de l'Etat. Et tous les ministres vont devoir enfiler la même tenue militaire." Il est grand temps.
Les derniers sondages ne révèlent pas seulement une chute de la cote de popularité, qui place François Hollande au plus bas parmi les présidents de la Ve République dix mois après son élection. Selon des enquêtes confidentielles de l'exécutif, les Français expriment une peur du "déclassement personnel" et, surtout, un fort discrédit de la parole politique. Ils attendent un "urgentiste" dans la crise, qui donne un cap clair.
Des mesures audacieuses ont été annoncées...
Pour l'instant, ils ont le sentiment d'avoir un président hésitant. Seuls 8% des sondés pensent que le gouvernement "sait où il va et qu'il le dit aux Français" concernant sa politique économique et sociale, selon un récent sondage CSA. Les derniers événements, de la démission de Jérôme Cahuzac à la remise en cause de la taxe à 75% par le Conseil d'Etat, n'ont rien arrangé. Pourtant, sur le fond, une telle descente aux enfers peut sembler injuste. D'abord, François Hollande a mis en musique une grande partie de ses promesses de campagne (impôts, retraites, contrats aidés...). Ensuite, il a osé prendre des mesures audacieuses qui n'étaient pas dans son programme, saluées par de nombreux observateurs.
"Il a fait le choix clair d'une politique de l'offre, estime Gilles Moëc, économiste à la Deutsche Bank. Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi [CICE] revient à faire la "TVA sociale" sans le dire. C'est une rupture culturelle pour la gauche." Ce dispositif, qui permet de réduire le coût du travail de 4% en moyenne, a été adoubé par l'OCDE, tout comme l'accord sur le marché du travail, qui "pourrait constituer une première étape importante sur la voie de la suppression des rigidités du marché du travail", souligne cette institution.
...mais elles sont souvent perçus comme illisibles
Pour l'heure, ces audaces sont mal récompensées. Certes, la popularité du président est traditionnellement liée à la courbe du chômage, qui se maintient à un niveau historique. Les mesures, souvent techniques, sont difficiles à expliquer: seuls 33% des patrons de TPE considèrent que le CICE "va dans le bon sens", à cause d'une méconnaissance d'un mécanisme apportant 20 milliards d'euros aux entreprises. Le message a surtout été brouillé par la multiplication des couacs, de l'épisode de Florange, marqué par les heurts entre Matignon et Arnaud Montebourg, à l'affaire de la fiscalité du diesel, qui a vu quatre ministres prendre le même jour des positions parfois contradictoires.
L'Elysée peine à remettre de l'ordre dans la communication. "Le président n'a jamais tranché entre le modèle Mitterrand, adepte de la rareté et de la solennité de la parole présidentielle, et celui de Nicolas Sarkozy, basé sur l'abondance et la désacralisation, observe Bernard Sananès, PDG de l'institut CSA. Aujourd'hui, François Hollande a abandonné la rareté, mais la parole présidentielle reste dispersée."
En témoigne son déplacement à Dijon, où il n'a dégagé aucun message fort, même s'il a scandé sa volonté de combattre les "blocages" et les "lourdeurs" de notre pays, un bref passage noyé dans un discours très général. "A l'inverse de Nicolas Sarkozy, la personnalité de François Hollande reste appréciée des Français, mais l'image d'autorité présidentielle est écornée, renchérit le communicant Robert Zarader, proche du président. Il faut regagner la confiance des sympathisants qui ne voient pas de cap politique clair."
Clarifier le cap. Ils sont nombreux à pousser François Hollande à choisir son camp de socialiste réformateur. "Il y a un manque de lisibilité du projet de modernisation de l'économie, regrette Thierry Mandon, porte-parole des députés socialistes. Certains dossiers symboliques, comme Florange ou PSA, ont pu laisser croire que l'on défendait uniquement des secteurs du passé. Il faut afficher un discours global pro-entreprises plus prononcé." Même son de cloche du côté des économistes qui ont soutenu François Hollande pendant la campagne. Philippe Aghion l'appelle à ne plus tergiverser et à "engager des réformes radicales de l'Etat, de la Sécurité sociale, des retraites et de la fiscalité".
Et selon Gilbert Cette (université d'Aix-Marseille), "personne n'imaginait que la croissance serait aussi faible en Europe. La seule solution, c'est d'aller la chercher en multipliant les réformes". Sous pression, y compris de ses amis, le chef de l'Etat n'a plus le droit de décevoir. Le nouveau "chef de guerre" est attendu de pied ferme.
David Bensoussan et Thierry Fabre
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