François Kalfon : "Hollande doit répondre à la France qui décroche"
-
Le conseiller régional PS d’Ile-de-France, co-fondateur de la "Gauche populaire" tire les conséquences du coup de semonce électoral de l’Oise. Interview.
Mots-clés : français, France 2, attente, classes moyennes, François Kalfon
En quoi le score de 48% obtenu par la candidate du Front National dans l’élection partielle de la deuxième circonscription de l’Oise constitue-t-il un signal d’alerte ?
- Dans une élection locale, il y a toujours des déterminants locaux. Mais la majorité, pas plus que l’opposition ne sauraient se contenter d’invoquer des circonstances locales pour expliquer le résultat de dimanche dernier. Répondre par un "circulez, il n’y a rien à voir !" constituerait un grave déni. Ce serait une insulte et une grossière erreur politique que d’ignorer le cri de colère lancé par les électeurs de la deuxième circonscription de l’Oise. Là comme ailleurs, la politique rigoureuse pratiquée depuis de longs mois est perçue comme une politique d’austérité qui provoque une souffrance sociale. L’incompréhension qui en résulte doit être entendue.
En Europe, le ralentissement économique et la réduction des dépenses publiques provoquent un rejet de la classe gouvernante et alimente la montée du populisme. En France, il n’y a rien d’étonnant à ce que cette défiance s’exprime dans un département comme l’Oise, qui subit les effets de la désindustrialisation depuis plusieurs décennies. Ce territoire représente un concentré des difficultés que rencontre notre pays et préfigure ce que pourrait être, si nous n’y prenons garde, la réaction politique d'une France qui décroche.
A ces difficultés structurelles se sont ajoutés les effets d’un climat politique délétère. La démission de Jérôme Cahuzac, la mise en examen de Nicolas Sarkozy et les fausses disputes entre le Parti de gauche et le PS donnent le sentiment d’une classe politique nombriliste, toujours plus préoccupée d’elle-même que d’apporter une vraie réponse aux difficultés des Français. Les élus de la Nation doivent prendre en compte ce scrutin et se ressaisir.
Estimez-vous, comme certains observateurs l’affirment, que des électeurs socialistes ont pu opter pour le vote Front National ?
- Il faut cesser de croire, une bonne fois pour toute, que les électeurs dans leur grande diversité appartiendraient à un camp ou à un autre. Cette lecture est dépassée. Que des électeurs de François Hollande en mai 2012 aient pu voter en faveur de la candidate du Front National lors de ce scrutin partiel est une évidence. Ce vote sanction est caractéristique de l’électorat populaire. Les citoyens les plus victimes de la crise économique sont aussi les plus sceptiques à l’égard de la classe politique et les plus enclins à s’abstenir ou à opter pour le vote protestataire.
Que peut faire le gouvernement socialiste pour éviter une généralisation de la défiance des catégories populaires ?
Les socialistes doivent prendre conscience collectivement qu’il ne saurait y avoir deux phases dans le quinquennat : l’une consacrée aux efforts d’assainissement et de réforme et l’autre, bien hypothétique, privilégiant la redistribution. Cette répartition est intenable. Pour éviter un décrochage populaire, les deux mouvements doivent être menés simultanément. Cela passe notamment par la mise en œuvre d’une véritable réforme fiscale redistributive promise durant la campagne présidentielle. Comme l’a bien perçu François Hollande le redressement et ses douloureuses conséquences ne peuvent être acceptés qu’en échange d’un supplément de justice sociale.
Il y a aussi urgence à rééquilibrer notre politique européenne. François Hollande devrait fournir une illustration concrète du pacte de croissance de 120 milliards d’euros qu’il a su obtenir de ses partenaires au mois de juin 2012. Les Français n’en ont pas encore vu la moindre expression concrète. Or le salut ne peut venir, à l’échelle de l’Europe, que de mesures de relance ciblées susceptibles de remédier à la panne de croissance et développer l’emploi.
Lors de son intervention télévisée de jeudi, François Hollande a promis une séance d’explication de sa politique. Est-ce suffisant à vos yeux ?
- Le gouvernement et sa majorité ont su programmer un choc de compétitivité qui était indispensable. Mais il faut désormais provoquer un choc de confiance à destination des catégories populaires. Hollande doit répondre à la France qui décroche. Le plan d’urgence consacré au logement est un début. Mais le président pourrait le compléter par un ensemble de mesures favorables au pouvoir d’achat.
Ce nouveau plan pourrait porter sur la redistribution fiscale, l’accès simplifié et aidé à l’énergie et une réforme de la consommation qui permettrait de lutter contre toutes les ententes illicites contribuant à maintenir des prix artificiellement élevés dans la grande distribution, la téléphonie ou le commerce des matières premières. Il faudrait aussi prolonger la réforme du marché de l’emploi en utilisant la manne des fonds de la formation professionnelles pour proposer des centaines de milliers de contrats de reconversion aux chômeurs et régionaliser l’organisation de Pôle emploi afin d’adapter l’offre de main d’œuvre aux besoins réels des territoires. François Hollande ne peut gagner la confiance des classes populaires et moyennes qu’en agissant sur le concret et le quotidien.
Propos de François Kalfon, conseiller régional PS d’Ile-de-France, recueillis par Sylvain Courage - Le Nouvel Observateur
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire