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mercredi 27 février 2013

Hessel de la France libre

                                                         Marianne


Hessel de la France libre

Mercredi 27 Février 2013 à 12:28 | 
JEAN-DOMINIQUE MERCHET - MARIANNE
Loin des tribunes de la gauche indignée, l'ancien résistant était toujours honoré par les services secrets français.

Stéphane Hessel (au centre) avec Daniel Cordier et Gérard Longuet, alors ministre de la Défense, en janvier 2012 aux Invalides.
Stéphane Hessel (au centre) avec Daniel Cordier et Gérard Longuet, alors ministre de la Défense, en janvier 2012 aux Invalides.
Pour l’occasion, la cour d’honneur des Invalides avait été interdite au public. C’était le 17 janvier 2012 et les services secrets français (DGSE) célébraient en grande pompe le 70ème anniversaire du BCRA (Bureau central de renseignement et d’action), les services secrets de la France libre.  Il y avait deux invités d’honneur, deux vieux messieurs emmitouflés dans leur manteau et souriants : Daniel Cordier, le secrétaire de Jean Moulin et Stéphane Hessel – désormais plus coutumier des meetings de la gauche bien pensante que des prises d’armes du Service Action ! Mais tous les présents, fonctionnaires ou militaires de la DGSE,  étaient fiers de la présence de ces deux hommes – deux anciens du BCRA. 

Dans le livre d’entretien avec Jean-Michel Helvig (1), Stéphane Hessel revenait longuement sur « sa » guerre et son rôle dans la Résistance.  S’il ne fut pas Compagnon de la Libération, contrairement à Daniel Cordier, c’est que son rôle ne fut pas exceptionnel. Faut-il, comme le faisait Pierre-André Taguieff,  le juger « secondaire » ?  Hessel a tenu sa place quand d’autres s’accommodaient… C’est déjà beaucoup.  Et il en a payé le prix lourd, avec la torture et la déportation. 

De nationalité allemande, il est naturalisé français en 1937, et il mobilisé en 1939, comme officier dans l'infanterie. La défaite ne l'abat pas: «C'est tout simple. On s'est battus et on a été battus, mais on n'a pas fini la guerre : il faut continuer à se battre», racontait-il à Jean-Michel Helvig. Il rejoint l'Angleterre dès qu'il peut, en mars 1941, pour reprendre le combat. Il a 24 ans. On pense à lui pour devenir navigateur dans l'aviation, mais sitôt sa formation terminée, il est récupéré par les services secrets de la France libre, le BCRA. Pendant deux ans, il organise des réseaux depuis Londres, puis se porte volontaire pour une mission en France occupée, où il arrive fin mars 1944 – débarquant de nuit à bord d’un petit avion Lysander (mission Greco). Il s’agit de mettre en place les réseaux – et notamment les transmissions – en vue du Débarquement de Normandie. 

Il est malheureusement arrêté par la Gestapo, le 10 juillet 1944 à Paris. «Je serai soumis par deux fois à la torture. Les claques, ça fait plus mal qu'on ne le pense. Quand elles pleuvent, on s'irrite, on se sent humilié, et cet homme qui me frappait m'a plus marqué que ceux qui m'ont mis dans la baignoire. A part quelques moments, le reste n'était pas une question de douleur physique mais plutôt une contrainte intellectuelle : Que dire ?» Avec les gestapistes, il dialogue en allemand, leur expliquant qu'ils sont en train de perdre la guerre... Un mois plus tard, Paris est en effet libéré, mais Hessel est déjà déporté, d'abord à Buchenwald puis à Dora.«Un prisonnier ne peut avoir qu'un objectif en tête : s'évader». Il y parvient en avril et regagne finalement Paris le 8 mai 1945. Une autre vie commence alors. A l'heure de vérité, le futur « indigné » a été digne. 
  
(1) Citoyen sans frontière, Fayard 2008.  Réédition en poche en 2011. 

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