SOCIAL-ECO - le 28 Février 2013
Indignés, à nous de jouer!
Indignés à Madrid
MORT DE STEPHANE HESSEL. "Les mots de Stéphane Hessel, même quand ils se teintaient de candeur, constituaient un remède contre le fatalisme et la résignation à une pensée unique", estime Patrick Apel-Muller dans l'édito de l'Humanité de ce jeudi.
« Il n’y a point de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage », proclamait Périclès. Stéphane Hessel aura été libre, courageux
et heureux. Il a fait de l’humanité
sa boussole, s’installant délibérément à la confluence
de ses douleurs, là « où notre siècle saigne »: la Résistance au nazisme, la déclaration des Droits de l’homme,
le soutien à la décolonisation, aux sans-papiers,
avec les Palestiniens privés de leurs droits et de leur terre ou les printemps arabes, contre l’armement nucléaire,
aux côtés de tous les peuples broyés par le capitalisme…
Les fleurs artificielles que ses adversaires politiques déposent aujourd’hui, les petites ignominies que lâche le Crif, les louanges bien-pensantes ne peuvent plus assourdir l’écho de sa voix. Elle résonne dans les parages de Wall Street, elle a pris l’accent espagnol et a crié la rage des Grecs, elle court au fil des pages de ce petit livre vendu à des millions d’exemplaires, devenu
un manifeste contre
la lassitude et l’indifférence. J’ai le souvenir d’un soir glacé au Panthéon
où l’éternel jeune homme scandaleux s’était planté un bonnet phrygien sur
la tête pour dire
sa solidarité avec
la Palestine, et où tous nous craignions pour lui les assauts de la bise. Il unissait tout à la fois la France avec son goût têtu pour
la Révolution et l’universalité des droits humains, l’histoire dont il était un passeur légitime avec
la Résistance dont il proclamait les valeurs intactes (avec Georges Séguy et Raymond Aubrac) et l’actualité palpitante du monde.
N’en déplaise aux puissants de ce monde,
à ceux qui s’échinent à «lessiver les mots», la charge de ses apostrophes est toujours explosive. Ces jours-ci encore les millions de manifestants espagnols contre l’austérité ou le vote de colère et de désarroi
des Italiens, humiliant dans les urnes le favori
des marchés financiers, Mario Monti, témoignent
d’une recherche transfrontière – même quand elle est polluée de relents nationalistes – d’une issue aux impasses dans lesquelles nous jette ce système économique
où les marchés priment sur le droit, la loi du profit
sur la survie de l’humanité, la concurrence libre et non faussée sur l’épanouissement des êtres humains.
Les mots de Stéphane Hessel, même quand ils se teintaient de candeur, constituaient un remède contre le fatalisme et la résignation à une pensée unique. Son parcours témoigne pour la formule de Marx: «L’histoire ne fait rien; c’est l’homme réel et vivant qui fait tout.» L’ancien déporté de Buchenwald a fait beaucoup, sans désespérer de ses frères humains. Son prochain livre à paraître cette année s’intitule À nous de jouer ! Appel aux indignés de cette terre. Un beau legs pour nous tous.
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