SOCIAL-ECO - le 30 Avril 2013
Mobilisation
Jean-Marie Pernot "Le 1er Mai est l’occasion de remettre à jour les questions sociales"
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Chercheur à l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires), Jean-Marie Pernot analyse le mouvement social en France dans un contexte où la plus grande défiance à l’égard du gouvernement porte sur l’emploi.
À la veille de ce premier 1er Mai après l’élection
de François Hollande,
comment analyser le mouvement social en France, dans un contexte
de crise politique profonde ?
Jean-Marie Pernot. Traditionnellement, le 1er Mai
est l’occasion de remettre à jour
les questions sociales.
Et aujourd’hui, au cœur de
la conjoncture politique actuelle, il est assez clair que la question sociale est cardinale. La plus grande défiance à l’égard
du gouvernement porte sur
sa politique en matière d’emploi.
La déception est énorme.
Le gouvernement est calé sur
une politique de réduction trop rapide des déficits dictée par l’Europe mais totalement contre-productive. Les gens attendaient évidemment autre chose.
Par ailleurs, les mouvements sociaux sont toujours sous-tendus par l’idée d’un changement politique. C’est ce qui a nourri, par exemple, le grand nombre de manifestations durant la période Sarkozy. Mais aujourd’hui, que signifie l’attente du « gouvernement d’après » ? Certains pensent
à une réorientation «à gauche», mais si cette idée n’aboutit pas,
le «gouvernement d’après»
serait très, très à droite…
Ce n’est paslà un support très positif pour les mobilisations sociales.
Les syndicats apparaissent aujourd’hui pour le moins divisés. S’agit-il de divergences temporaires sur des sujets précis, ou, au contraire, d’une division profonde et durable ?
Jean-Marie Pernot. Les divisions syndicales sont en effet particulièrement affichées,
mais en réalité, on ne fait que redécouvrir des divergences qui ne datent pas d’hier. Aujourd’hui, l’ANI du 11 janvier pèse lourd. Il y a un désaccord profond entre les deux plus importantes confédérations (CGT, CFDT–NDLR), sur un sujet important.
La CFDT a montré des convergences avec le gouvernement et le patronat, mais elle est dans l’air du temps, elle reflète aussi l’état d’esprit d’un grand nombre de salariés qui sont dans une logique défensive, et défaitiste.
La CGT se veut plus volontariste, le désaccord est donc cohérent. Quant à savoir si le clivage
va durer, il y a plusieurs facteurs à prendre en compte. D’abord, le changement des deux premiers dirigeants va peut être libérer un peu l’espace par rapport
à d’anciens contentieux. Mais ça
ne jouera qu’à la marge. L’évolution des politiques économiques et sociales ou une catastrophe aux élections municipales qui verraient une montée de radicalisation
à droite peuvent être des éléments déterminants qui pousseraient
les syndicats à se rapprocher. Peut-être aussi les syndicats vont-ils
se pencher sur les résultats du sondage CSA que vous publiez
et qui montre, tout de même,
une confiance en berne des salariés vis-à-vis du mouvement syndical.
À quoi diriez-vous que cette baisse
de confiance est liée ?
Jean-Marie Pernot. En premier lieu à la situation économique et sociale. Les salariés font moins confiance aux syndicats car le mouvement syndical ne parvient pas à entraver la perte des emplois,et le recul des conditions de vie. Sur l’ANI par exemple, nous avons d’un côté
des syndicats signataires qui accompagnent la dégradation
du marché du travail et de l’autre, des syndicats qui ne l’ont pas signé mais qui n’ont pas été capables d’empêcher quoi que soit. L’absence de résultats, le manque de prise des syndicats dans la réalité leur reviennent en boomerang. D’autant que les deux premières centrales ont accompagné le changement politique. Il est certes difficile d’imaginer
un syndicalisme en bonne santé dans un pays qui connaît trois millions de chômeurs depuis trente ans, mais s’afficher un peu plus souvent ensemble ne ferait tout de même pas de mal.
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