"La cote de popularité de François Hollande ne va pas s'inverser"
Le Monde.fr | • Mis à jour leFrançois Hollande, au plus bas dans les sondages, était l'invité du journal télévisé de France 2, jeudi 28 avril. Interrogé par David Pujadas, le chef de l'Etat a essayé d'éclairer la politique menée par son gouvernement. L'occasion pour lui de faire de la pédagogie sur les principales mesures, et également de faire quelques annonces.
Françoise Fressoz, éditorialiste au Monde, a répondu aux questions des internautes du Monde.fr sur l'intervention du président.
Dolam : Hollande devait faire cette intervention pour rassurer les Français sur la situation et sur l'avenir, y est-il arrivé selon vous ?
Françoise Fressoz : L'exercice était compliqué pour lui, dans la mesure où il n'avait aucun "tournant" politique ou économique à annoncer. Il devait justeessayer de convaincre les Français que le cap est le bon, alors qu'il est très impopulaire et que des indicateurs économiques sont mauvais.
Le début de l'émission a été poussif. La fin, plus convaincante. Reste à savoir si les téléspectateurs sont bien restés 1h15 devant leur écran...
Max : Mais y a-t-il quelque chose à retenir de cet entretien ?
François Hollande a essayé de démontrer qu'il avait les qualités de chef, qu'il savait où il allait. "J'ai un cap, la croissance, et une priorité : l'emploi" a-t-il déclaré. Il avait aussi à prouver qu'il était bien un chef de guerre dans la bataille économique. Sans arrêt il a utilisé un vocabulaire guerrier : "Je suis en ordre de bataille, c'est une bataille que je mène...", en parlant de l'emploi et de la croissance.
Sur ce registre, il est apparu plus convaincant à la fin de l'émission. Lorsqu'il a reconnu qu'il était l'objet de beaucoup de critiques, mais qu'il avait "le cuir solide"et "les nerfs froids", il a rappelé que ce genre de critiques l'avaient accompagné tout au long de sa carrière politique et que cela ne l'avait pas empêché d'être élu président.
Eric : Quelle est la marge de manœuvre du président par rapport aux contraintes européennes, mondiales et surtout banquières ?
François Hollande n'a pas voulu se laisser coincer dans un discours d'austérité. Il veut bien assumer le sérieux, mais pas l'austérité. Il a fortement plaidé pour une réorientation de l'Europe, avec des mots fermes : "Je ne ferai pas une politique qui mène l'Europe à l'austérité. L'austérité, c'est condamner l'Europe non pas à être en récession, mais à l'explosion."
Ce qu'il a dit était un avertissement à Angela Merkel, alors que le populisme monte partout en Europe. François Hollande a très clairement dit qu'il n'atteindra pas la réduction du déficit à 3% cette année, en expliquant que cela risquait decompromettre tout espoir de reprise. Aux yeux des Français, il veut apparaître comme le président de la croissance, et ne veut pas assumer l'austérité, tout en estimant que la crise qui frappe le pays a été trop longue et que son objectif doit être d'en sortir.
Nicolas F. : Combien de temps M Hollande peut-il tenir dans cette impopularité constante, vous en conviendrez ce n'est pas l'émission de ce soir qui va arranger les choses...
Il lui faut des résultats rapides. Il l'a d'ailleurs lui-même reconnu en s'engageant sur une reprise de la croissance et sur une inversion de la courbe du chômage à la fin de l'année. S'il reste uniquement dans le registre de la parole, il aura du mal àconvaincre car il l'a aussi reconnu lui-même : il a épuisé l'essentiel de ses munitions au début du quinquennat. "Tous les outils sont là" a-t-il déclaré, encore faut-il qu'il parvienne à mobiliser le pays.
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Eric : Peut-être le président est-il trop "intelligent" pour communiquerpédagogiquement avec les Français qui appellent au secours ?
Je crois comprendre dans votre question qu'il s'exprime un peu trop comme un énarque, ou comme un ancien conseiller de la cour des comptes. C'est vrai. Son vocabulaire est parfois très technique. Mais cela lui permet en même temps demontrer qu'il maîtrise les dossiers économiques et sociaux. De toute façon, l'exercice auquel il s'est livré était très compliqué. Il l'obligeait sans arrêt à évoluer entre la contrainte (l'obligation de réduire les déficits, la baisse des dépenses, les hausses d'impôt...) et son envie de croire malgré tout au destin français.
"J'ai confiance dans la France", "Non l'Allemagne n'est pas plus forte que nous"n'a-t-il cessé de répéter alors que la réalité fait douter de ses paroles.
Visiteur : Les gens ont peut être été tellement habitués à l'hystérie de Sarkozy qu'avec Hollande ils confondent mollesse et apaisement...
Oui, vous avez en partie raison. D'ailleurs François Hollande sans arrêt a tenu àfaire la différence avec Nicolas Sarkozy sur ce point. Il a réaffirmé sa volonté de rassemblement et d'apaisement, il a annoncé que sur la laïcité, il essayerait d'obtenir un texte qui fasse consensus. Comme en outre, il sent que la droite est en train d'évoluer vers une opposition radicale, il a essayé d'apporter des gestes d'apaisement à la fois vis-à-vis des entrepreneurs qui se sentent trop taxés, et vis-à-vis des partisans du mariage pour tous.
Il a ainsi répété que la PMA ne faisait pas partie du projet de loi actuellement en cours d'examen au Parlement. Il a assuré que la gestation pour autrui resterait interdite en France tant qu'il serait président. Sur la PMA, en revanche, il a préféré s'en remettre à l'avis du comité national d'éthique.
amandine : "Je ne serais pas jugé sur le Mali ", n'aurait-il pas été dans son intérêt de mettre en avant cet engagement militaire plutôt populaire ?
C'est sûr que François Hollande est actuellement plus crédible sur le front militaire qu'en tant que chef de guerre économique. Mais il est même temps très lucide quand il reconnait que ce n'est pas sur le Mali que les Français le jugeront. Il est attendu sur la situation économique et sociale, il doit impérativement prouver qu'il peut sortir la France de l'ornière et rendre confiance au pays. Or sur ce terrain, ses cartouches sont faibles...
amandine : Je suis un peu perdue sur la ligne directrice de Hollande. Pendant la campagne il évoquait le besoin d'investir pour relancer la croissance. Lors de l'entretien, il parlait plutôt de faire des économies de éviter d'augmenter les impôts. Change-t-il de direction ? Les deux sont-ils compatibles ?
François Hollande a un impératif qui est de réduire les déficits. Mais il s'aperçoit en cours de route que la potion fiscale qu'il a imposée au pays a créé des dégats. Donc, il cherche à rééquilibrer sa politique. Il promet plus d'économies que d'impôts nouveaux. En même temps, la situation des comptes sociaux et de l'Etat est telle qu'il ne parvient pas vraiment à être clair sur ce sujet. Il promet une sorte de pause fiscale en 2014, tout en reconnaissant que certains taux de TVA vontaugmenter et qu'il faudra prendre des mesures en matière de retraites et d'assurance maladie.
Autre ambiguité, il promet un allègement de la fiscalité sur les transmissions d'entreprises, mais annonce que le prélèvement de 75 % sur les hauts revenus sera institué pendant 2 ans... Seule différence par rapport à son annonce de campagne : ce ne sont pas les particuliers mais les entreprises qui paieront cette taxation.
Invité : Pensez-vous que François Hollande a convaincu les Français ce soir ?
Je ne pense pas que sa cote de popularité va s'inverser, car il était très difficile pour lui de convaincre. Disons qu'il a essayé de répondre aux interrogations les plus récurrentes sur la conduite de son action. Il assure qu'il a un cap, il sait qu'il a 5 ans pour l'atteindre : cette durée est sa seule chance.
Au début de son quinquennat il avait tendance à dire que la croissance reviendrait mécaniquement. Là, il a compris qu'il devrait mettre beaucoup plus de volontarisme dans son plaidoyer, quitte à se servir de l'Europe comme un bouc émissaire. Dans sa critique contre l'austérité, on sentait un fort ressentiment à l'égard de l'Allemagne.
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