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mardi 26 mars 2013

Accord entre l'Europe et Chypre: qui va vraiment payer ?

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Accord entre l'Europe et Chypre: qui va vraiment payer ?

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DECRYPTAGE L'accord signé lundi entre les autorités chypriotes et la troïka (UE-BCE-FMI) tient sur une seule page. Mais ses conséquences dépassent les frontières de cette petite île.

L'accord concerne au premier chef les titulaires de comptes bancaires qui détiennent plus de 100.000 euros. Mais les conséquences de l'accord sont bien plus larges. (Petros Karadjias/AP/SIPA)
L'accord concerne au premier chef les titulaires de comptes bancaires qui détiennent plus de 100.000 euros. Mais les conséquences de l'accord sont bien plus larges. (Petros Karadjias/AP/SIPA)
1. Les banques chypriotes
Les deux principales banques de l’île, Bank of Cyprus et Laiki Bank sont concernés par l’accord du 25 mars qui tient en 1.581 signes……Le traitement est violent. Laïki Bank est liquidée. L’adage "too small to be saved", autre formulation de "too big to fail", est donc appliqué. La garantie des dépôts entre en jeu: tous les déposants qui ont moins de 100.000 euros sont  "sauvés" et transférés à la Bank of Cyprus. Celle-ci, bien que très malade, n’est pas mise en faillite. Comme à elles deux, ces banques réunissent près de 80% des 68 milliards de dépôts de île, les liquider ensemble aurait tout simplement fait exploser le système bancaire de l’île. "Cet accord est beaucoup plus sain économiquement que le précédent (taxation de tous les déposants, ndlr), on restructure deux banques qui avaient besoin de fonds propres, comme cela a été fait par exemple au Danemak à plusieurs reprises.", juge Jérôme Legras, associé et directeur de la recherche à Axiom AI. 
2. Ceux qui y ont placé leur épargne
Ceux  qui ont plus de 100.000 euros à la Laiki Bank ont toutes les chances de tout perdre. Ces dépôts  serviront, au cours de la liquidation de la banque, à rembourser toutes les dettes de celles-ci…Le reliquat risque d’être maigre. Du côté de Bank of Cyprus, l’avenir est un peu plus prometteur. Les dépôts de plus de 100.000 euros seront transformés en actions (fonds propres) jusqu’à que la banque atteigne un ratio de fonds propres sur risques pondérés de 9%. Pour l’instant, on ne sait pas combien il manque de fonds propres pour combler cet écart, ni combien il y a de dépôts de plus de 100.000 euros chez Bank of Cyprus. Des rumeurs font en effet état de "fuites" sur certains comptes détenus par Russes ayant opéré des retraits dans des succursales des banques chypriotes à Londres qui elles, n’étaient pas fermées… Résultat : les gros déposants ne savent pas encore à quelle sauce ils vont être mangés. Un peu stressant.
3. Les citoyens chypriotes
C’est pour la population chypriote que l’avenir est le plus sombre. "On peut comparer la situation deChypre à celle de l’Islande, si l’on exclut l’aspect géopolitique beaucoup plus sensible pour la première", explique Jérôme Legras. Un système bancaire hypertrophié qui fait sombrer le pays et une cure d’austérité qui se traduit par une baisse de près de 25% du PIB. "Les Islandais qui étaient banquiers sont parfois redevenus pêcheurs", raconte Jérôme Legras. Un retour à l’économie réelle un peu brutal que risque de connaître les salariés de banques licenciés, notamment ceux de Laïki Bank… Olli Rehn le commissaire européen chargé de l’Economie a ainsi promis au peuple chypriote "un avenir proche très difficile."
Quant aux Russes et autres touristes, ils seront certainement refroidis par le plan de sauvetage décidé par Bruxelles "Au total on peut attendre un ralentissement économique pendant plusieurs années", estiment les économistes de TAC, société d’analyse économique et financière.
4. Les dirigeants de la Zone Euro
Le prix à payer est avant tout politique. Certes l’accord décidé le 25 mars est un moindre mal. Mais "les 10 derniers jours sont un nouvel exemple de crise mal gérée au niveau européen et une nouvelle démonstration que dans une union monétaire incomplète, le pouvoir de nuisance d’un Etat n’est pas forcément proportionnel à la taille de son PIB (Chypre représentant 0.2% du PIB de l’Eurozone)", jugent les économistes de TAC.  Ensuite, la contribution des déposants de plus de 100.000 euros au sauvetage d’une banque  (ceux de Bank of Cyprus) est inédite. Et elle risque d'influencer les pratiques des épargnants des autres pays.
"Si j’avais un compte en banque supérieur à 100.000 euros, je m’empresserais de le vider" confie ce gérant de fonds britannique. On risque donc de voir des dépôts "s’échapper" des banques italiennes, grecques, ou espagnoles. "Les dépôts devraient rester intouchables si on ne veut pas se tirer une balle dans le pied, estime Christophe Nijdam, analyste chez Alpha Value. Ils financent en effet près d’un tiers des actifs des 38 grandes banques européennes cotées." 
Le plan chypriote peut rendre les gros dépôts beaucoup plus volatiles, ce qui va compliquer le refinancement des banques. Ceci explique peut-être pourquoi elles sont sanctionnées en Bourse. Sinon, compte tenu du fait que l’exposition du système financier international aux banques chypriotes est minuscule, elles ne devraient pas être malmenées sur les marchés.

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