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mercredi 5 décembre 2012

Mittal divise le gouvernement et le PS


 Lu dans du Monde ( le 6.12.2012)

Mittal divise le gouvernement et le PS

Les syndicats de Florange sont reçus le 5 décembre à Matignon. M.Hollande évite de prendre position publiquement

Pour Jean-MarcAyrault , la partie est d’autant plus délicate que ses propres troupes, c’est le moins que l’on puisse dire, ne débordent pas d’enthousiasme pour le outenir.
La journée de mardi avait, de ce point de vue, valeur de test. En fin de matinée, le
premier ministre avait donné rendez-vous au groupe socialiste de l’Assemblée pour
lui présenter l’accord conclu avec ArcelorMittal. Il était flanqué d’Arnaud Montebourg. Le message était clair: après les passes d’armes du week-end entre les deux hommes, il s’agissait de montrer que le temps de la réconciliation était revenu. Las. Les participants sont sortis de la réunion convaincus du contraire. «On s’attendait à un séminaire de remotivation des députés avec une belle photo de famille, mais à la place on a eu la confirmation par le premier ministredes divergences au sein du gouvernement», confie un élu dont l’agacement tranche avec la bienveillance dont il fait souvent preuve à l’égard du gouvernement.

«C’est dommage ! Le PS a une fois de plus loupé l’occasion de passer à l’offensive»
Emmanuel Maurel leader de l’aile gauche du PS

Chacun a ainsi remarqué le petit jeu de l’un et de l’autre. Celui de M. Montebourg qui a serré ostensiblement les mains de plusieurs participants et tout aussi ostensiblement oublié de serrer celle du premier ministre.  Celui de M.Ayrault qui, assis à la tribune au côté de son ministre, a répété que l’idée chère à ce dernier ’une
nationalisation du site de Florange ne lui paraissait pas opportune.
«Ayrault a fait un petit signe amical à Montebourg, puis a développé la ligne du gouvernement. Il l’a totalement humilié», raconte un élu. Le ministre du redressement
productif s’est offert une petite revanche l’après-midi dans l’Hémicycle: quand Michel Liebgott, député PS de Moselle, a prononcé son nom lors d’une question posée à Jean-Marc Ayrault, les socialistes l’ont applaudi.
Palpables au Palais-Bourbon dans la journée, les tensions entre socialistes l’ont été davantage encore en fin d’après-midi, lors du bureau national hebdomadaire organisé rue de Solférino, au siège du parti. Sans surprise, le dossier Florange a occupé l’ensemble des débats. Et, là encore,les divergences se sont largement manifestées.
D’un côté, l’aile gauche du parti, emmenée par Emmanuel Maurel, Jérôme Guedj et Marie-Noëlle Lienemann, a exigé que le PS prenne position en faveur de la «nationalisation temporaire» en cas de non respect de ses engagements par le
numéro un mondial de l’acier. De l’autre, la direction, incarnée par son premier secrétaire, Harlem Désir, a rejeté mordicus l’expression,alors même que dans un communiqué daté du 26 novembre, le patron des socialistes soutenait encore «la solution d’une prise de contrôle public temporaire [par] l’Etat» de Florange.
Au final , le PS s’est rangé derrière  son numéro deux, Guillaume  Bachelay, appuyé par Jean-Christophe
Cambadélis, pour reprendre dans son communiqué les mots de François Hollande,et indiquer que «toutes les options légales et les outils publics pourraient être activés
en cas de manquement aux engagements pris» par Mittal…
Finalement, face au casse-tête mosellan, le pouvoir semble n’apparaître uni que dans la contorsion sémantique.
Marie-Noëlle Lienemann le déplore: «On dit outil public pour ne pas dire nationalisation. Je ne vois pas pourquoi on n’appelle pas un chat un chat »,
s’agace la sénatrice de Paris.
A travers cette controverse, c’est au fond toute la question du rôle du PS face à l’exécutif qui est posée, entre instrument de soutien au gouvernement et aiguillon de la majorité. Pour Emmanuel Maurel, la direction du parti a clairement choisi la première option. «C’est dommage, le PS a une fois de plus loupé l’occasion de passer  à l’offensive sur l’utilisation d’un outil, la nationalisation temporaire, qui
semble convaincre une majorité de Français», regrette le leader de l’aile gauche, qui fait référence au récent sondage OpinionWay, publié le 29novembre, dans lequel
59%des Français se disent favorables à une prise de contrôle temporaire du site de Florange.
D’une telle attitude, jugée trop frondeuse, la direction du parti ne veut pas. «On défend la cohésion gouvernementale: Montebourg a fait un travail formidable, Ayrault
a tranché, à nous d’appliquer la culture de gouvernement », répond le député de l’Essonne,Carlos da Silva, proche de Manuel Valls et soutien d’HarlemDésir,invitant au passage l’aile gauche du parti à «dépasser son surmoi marxiste». Un autre membre de la direction est du même avis : «On passe un temps fou à violenter les
mouches sur nationalisation ou pas nationalisation, oubliant qu’ on a quand même sauvé des centaines d’emplois. C’est surréaliste!»
Face à ces crispations, l’Elysée,pour l’heure, garde un silence prudent.Sur l’opportunité d’une nationalisation temporaire autant que sur la gestion du dossier par
MM .Ayrault et Montebourg, plusieurs lignes sont défendues au
Sein même de l’ entourage de François Hollande qui, lui-même, prend soin de ne pas intervenir publiquement dans les débats.

Bastien Bonnefous,
David Revault d’Allonnes
et Thomas Wieder

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