Un document d'analyse de la CGT
Espace
revendicatif – activité retraite
Montreuil, le 21 décembre 2012
11ème rapport du COR - 16
décembre 2012 - Perspectives 2020, 2040,
2060
Note
de présentation et commentaires
L
|
’objet de ce rapport (le 11ème)
est d’actualiser les perspectives des régimes de retraites obligatoires, à
moyen et long terme (horizons 2020, 2040, 2060), au regard des évolutions
économiques, sociales et démographiques et d’élaborer des projections de leurs
situations financières.
Cet exercice a lieu régulièrement.
Les dernières projections du COR datent d’avril 2010, elles n’avaient consisté
qu’en une actualisation des prévisions économiques précédentes (datant de 2007
donc avant la crise). Le présent rapport est plus complet. Il prend en compte
les réformes intervenues en 2010 et 2011 (base et complémentaires) ; il intègre
davantage de projections, y compris une projection basée sur une productivité
plus élevée à la demande de la CGT.
Enfin , il comporte des prévisions réalisées par les 33
régimes les plus importants (seulement 5 en 2010).
Un second rapport du COR (le 12ème)
sera présenté le 22 janvier 2013, qui aura pour but de « faire un état des
lieux du système français de retraite et de son adéquation à ses objectifs ».
Ces deux rapports constitueront,
du point de vue du gouvernement, la base du diagnostic préalable à l’ouverture
d’une « concertation sur les retraites » programmée pour le premier
semestre 2013.
PRESENTATION DU RAPPORT
Le document comprend quatre
parties :
1 les
hypothèses retenues pour les projections
2 les
perspectives financières
3 les
perspectives pour les assurés (âges et niveau de pension)
4 les
conditions de l’équilibre du système de retraite
1 les hypothèses retenues pour les
projections
Les hypothèses démographiques
Le rapport retient le scénario
central de l’INSEE avec un taux de fécondité de 1,95 enfant par femme, un solde
migratoire de + 100 000 / an et des gains d’espérance de vie à 60 ans de un
trimestre tous les deux ans.
La population active [qui
comprend celle en emploi + celle au chômage] continuerait d’augmenter. Mais le
ratio actifs / inactifs de + de 60 ans passerait de 2,1 en 2010 à 1,5 en 2060.
Les hypothèses et scénarios économiques
Comme cela est le cas dans chacun
des rapports successifs, plusieurs scénarios sont étudiés.
|
Croissance annuelle de la productivité du travail à
long terme
|
Taux de chômage à long terme
|
Scénario
A’
|
2 0 %
|
4,5 %
|
Scénario
A
|
1,8 %
|
4,5 %
|
Scénario
B
|
1,5 %
|
4,5 %
|
Scénario
C
|
1,3 %
|
7,0 %
|
Scénario
C’
|
1,0 %
|
7,0 %
|
Les
scénarios A, B et C correspondent aux prévisions des services de Bercy. Le
scénario A’ répond à une demande de la CGT et le scénario C’ à une demande du Medef.
Remarques concernant ces
hypothèses : le recours à
différentes hypothèses est utile en ce qu’il aide à appréhender la nature et
l’ampleur des mesures à prendre en fonction des évolutions économiques. Mais, à
partir de là, les démarches peuvent être bien différentes. Pour la CGT, il faut
agir sur la conjoncture économique afin d’améliorer la situation à la source. C ’est pourquoi nous avons défendu une
hypothèse (A’) plus volontariste ; pour nous il ne s’agit pas seulement
d’une éventualité mais aussi d’un objectif.
A l’opposé, le Medef a imposé la prise en compte d’une hypothèse (C’)
particulièrement dramatisante. Et il en joue pour appeler au sacrifice. Et
nombre de commentateurs retiendront prioritairement cette vue de l’avenir comme
inéluctable.
La bataille sur les « projections » est donc aussi une
bataille syndicale.
Des hypothèses à législation inchangée
Les projections sont réalisées
« à législation inchangée », seules les évolutions de la
réglementation en cours de mise en œuvre sont prises en compte : allongement de
la durée d’assurance requise pour une retraite à taux plein (166 trimestres en
2020), relèvement progressif des âges légaux de la retraite (jusqu’à 62 et 67
ans), possibilité de partir à la retraite à 60 ans pour certaines personnes
ayant commencé à travailler avant l’âge de 20 ans, relèvements programmés de taux
de cotisation...
2 les perspectives financières
Les perspectives du COR
s’appuient sur des projections réalisées par chacun des régimes obligatoires.
Les effectifs de cotisants et de retraités évolueraient dans les
conditions suivantes, en fonction des différents scénarios économiques :
|
Cotisants
|
Retraités de droit direct
|
Rapport démographique
|
2011
|
25,7
|
15,1
|
1,65
|
2020
|
27
|
|
1,65
|
2030
|
de 27,7 à 28,4
|
|
|
2040
|
|
|
1,40
|
2060
|
de 28,8 à 29,5
|
21,8
|
1,35
|
Nombre
de cotisants et de retraités en millions
Perspectives financières selon les scénarios :
|
Hypothèses favorables
|
Hypothèses défavorables
|
Point de part de PIB
|
2011
|
-14,0
|
+ 0,7
|
|
2017
|
-18,8
|
+ 0,9
|
|
2020
|
-20,8
|
-24,9
|
de + 0,9 à + 1
|
2050
|
équilibre
|
déficit
|
+ 1,50
|
2060
|
+ 93, 0
|
- 105, 0
|
De – 2,9 à +1,7
|
Perspectives
financières, selon les hypothèses, en milliards d’€
Remarques : le COR lui-même appelle à la mesure
concernant les projections au-delà de 2020 et souligne la grande sensibilité
sur le long terme des hypothèses démographiques et économiques. On peut
observer ainsi que l’hypothèse mise à l’étude sur proposition CGT aboutit à un
excédent de 93 milliards alors que celle du Medef produit un déficit de 105
milliards.
Seconde remarque : pour les années 2012 à 2017, le COR se contente
de reprendre les prévisions inscrites dans le PLFSS. Il est important de noter
que celles-ci s’inscrivent dans la procédure dite du semestre européen,
c’est-à-dire les projections destinées à montrer à la Commission européenne que
les finances publiques et sociales françaises seront à l’équilibre en 2017.
Troisième remarque : les perspectives à court et moyen terme
apparaissent dans les projections de ce rapport, plus favorables que celles
publiées en 2010.
3 Les perspectives de retraite pour les
assurés
Les âges de départ
Les comportements de départ à la
retraite ont évolué récemment et continueront à évoluer dans le sens d’un
report de l’âge.
Dans le régime général, l’âge
moyen effectif de départ était de 61,5 ans en 2010 (62 ans en 2011). La
prévision est une augmentation jusqu’à 64 ans en 2035 avec une stabilité jusqu’en
2060. A noter
une réduction de l’écart entre hommes et femmes.
Dans la Fonction publique
d’Etat : de 57,1 ans en 2010 (du fait des militaires, des catégories
« actives » et de la possibilité de départ anticipé des parents de 3
enfants) l’âge de départ passerait à 58,7 ans. L’évolution à la CNRACL
(Fonction publique territoriale et hospitalière) serait un passage de 58,4 ans
62,4 en 2025.
Les niveaux de pension
A court et moyen terme, on
enregistrerait une progression de la pension moyenne au fil des générations.
Mais il s’agit là d’un effet purement mécanique (appelé effet noria) qui traduit le fait que la
pension des nouveaux retraités est supérieure à celle des retraités qui
décèdent. En réalité, le taux de remplacement va baisser.
Remarques :
- Le niveau de l’augmentation
moyenne des retraites du régime général est très lié à l’hypothèse de
rendements des régimes complémentaires Agirc et Arrco. Or, ces régimes (par
points) sont aujourd’hui confrontés à une forte demande du Medef de réduction
des rendements.
- L’indexation
actuelle des pensions sur les prix (et non pas sur les salaires comme le
demande la CGT) produit une augmentation de toute façon inférieure à celle des
revenus d’activité. Le COR estime que la pension moyenne, rapportée au revenu
moyen d’activité va perdre entre 10 % et 28 % selon les scénarios économiques.
- La
perte sera même de 14 % à 35 % si le Medef trouve des alliés pour imposer des
rendements décroissants dans les complémentaires.
4 les conditions de l’équilibre selon le COR
Le COR présente différents
« choix possibles », à partir des trois « leviers » que
sont :
- le rapport
entre la pension moyenne nette et le revenu moyen net d’activité (le taux de
remplacement) ;
-
le niveau des ressources (les cotisations) ;
-
l’âge effectif moyen de départ (combinaison critères d’âge et durée exigée).
A l’horizon 2020, si
l’ajustement se faisait sur un seul des trois leviers, en supposant acquise
la hausse projetée d’environ 1 an de l’âge effectif moyen de départ à la
retraite par rapport à 2011, il faudrait pour atteindre l’équilibre annuel en
2020 :
- soit une hausse du taux de prélèvement moyen
[cotisations] de 1,1 point par rapport au taux moyen atteint en 2020 ;
- soit une baisse du rapport entre la pension moyenne
nette et le revenu moyen net d’activité [taux de remplacement] de 5 % par
rapport à 2011 ;
- soit un décalage supplémentaire de l’âge effectif
moyen de départ d’environ 6 mois, c’est-à-dire un décalage au total d’environ
un an et demi par rapport à 2011 [donc un passage de 62 à 63,5 ans].
En 2040 et 2060,
toujours dans l’hypothèse où un seul des leviers serait utilisé et en supposant
acquise la hausse projetée de deux ans de l’âge effectif moyen de départ à la
retraite par rapport à 2011, il faudrait pour atteindre l’équilibre annuel :
- soit une hausse du taux de prélèvement moyen
[cotisations] de respectivement 5 et 6,2 points ;
- soit une baisse du rapport entre la pension moyenne
nette et le revenu moyen net d’activité [taux de remplacement] de
respectivement 20 et 25,3 % par rapport à 2011 ;
- soit un décalage supplémentaire de l’âge effectif
moyen de départ à la retraite d’un peu plus de 4 ans en 2040, soit au total un
peu plus de 6 ans par rapport à 2011 [donc 68 ans !] et de près de 5 ans
en 2060, soit un décalage total de près de 7 ans par rapport à 2011 [donc 69
ans !].
ELEMENTS D’ANALYSE
L
|
e chiffrage des besoins de financement du système de
retraite réalisé par le COR est sans surprise. Le contexte économique ne s’est
pas amélioré depuis 2010. Il se confirme que la variable principale à court
terme comme à long terme est l’emploi.
La faible croissance de la masse salariale réduit relativement les recettes des
régimes. Les besoins de financement des régimes de retraite à horizon 2020 sont
compris dans une fourchette de 21 à 25 milliards d’€.
Sans surprise également, la réaction du patronat et de la
droite, qui se saisissent de ce constat pour réclamer de nouveaux sacrifices
aux retraités comme aux actifs. La présidente du Medef réclame déjà un nouveau
recul de l’âge de départ à la
retraite. Alors que l’on a trouvé des centaines de milliards
pour « sauver le système financier » on ne trouverait pas les
ressources indispensables pour pérenniser notre système de retraite ? En
2017, le VOR prévoit un déficit de 18 milliards, c’est moins que les 20
milliards du crédit d’impôts « compétitivité » décidé par le
gouvernement.
Les nouvelles projections du COR, plus complètes que celles
de 2010, justifient que l’on sorte d’une vision réductrice dans laquelle le
recul de l’âge de la retraite, la baisse du niveau des pensions ou
l’augmentation du taux de cotisation sont les trois seuls leviers d’action
possibles pour rééquilibrer les régimes de pensions.
Les cinq scénarios du COR mettent en valeur le
fait que coexistent deux problèmes différents de financement des retraites.
- A un horizon de long terme (au-delà de 2020) c’est
l’évolution respective de la démographie, de la population réellement active et
de la croissance structurelle de l’économie qui commande l’équilibre des régimes
de retraite.
Au demeurant, le long terme est beaucoup moins inquiétant
pour les retraites que l’on a bien voulu le dire jusqu’à présent. Le nombre de
retraités continue à croître fortement jusqu’en 2035, puis plus modérément une
fois passé le pic qui correspond, avec un décalage de 80 ans, au baby-boom
d’après-guerre. Les ressources dépendent quant à elles, du taux de croissance
de l’économie. Financer à l’horizon 2060 les 3 puis 5 points de PIB
indispensables pour ouvrir un droit à la retraite pour tous à soixante ans avec
un taux de remplacement du revenu d’activité par celui de la pension d’au moins
75 %, – aucune pension ne devant par ailleurs être inférieure au SMIC –
est tout à fait crédible.
A cet horizon de très long terme, le PIB augmente de 80%
soit 1600 milliards dans l’hypothèse très pessimiste retenue par le COR. Il est
multiplié par 1,7 et augmente de 3400 milliards dans le scénario le plus
favorable. De quoi trouver les ressources suffisantes pour couvrir les 105
milliards de besoin de financement dans le scénario pessimiste. Dans le
scénario le plus favorable il y aurait un excédent de 90 milliards. Encore
faut-il créer les conditions de cette croissance !
- Mais, à court terme, (d’ici à 2020) le
problème est différent. C’est l’emprise de la logique financière qui
déstabilise les retraites en plombant l’activité. Dans les dix ans à venir,
seul un partage de la richesse plus favorable aux salariés permettra de
financer les retraites.
En effet, les chiffres rendus publics démontrent qu’à
l’horizon 2020 la retraite est d’abord malade de la crise, de la réduction des
emplois et de la stagnation des salaires. Dans l’immédiat il faut donc dégager
des ressources supplémentaires. D’où la proposition que nous faisons, d’une
réforme du financement du système de retraite.
- La priorité est la
sortie de la politique d’exonération de cotisations patronales qui va
coûter plus de 50 milliards d’€ aux finances publiques. Il faut étendre,
au-delà du relèvement du forfait social, les cotisations pour la retraite à
tous les éléments de rémunération, primes, intéressement, participation soit 120 Milliards
d’€ de rémunérations para-salariales qui échappent aujourd’hui totalement ou
partiellement aux cotisations sociales si l’on en croit la Cour des Comptes.
C’est au bas mot 10 à 15 Milliards d’€ qui pourraient revenir aux régimes
de retraites.
- Il s’agit en second lieu de mettre
à contribution des revenus financiers des entreprises au moins à
hauteur de la cotisation des salariés. Seuls les revenus tirés des placements
financiers des personnes physiques sont imposés. Il s’agirait d’instaurer un
prélèvement spécifique pour les sociétés de capitaux qui perçoivent bon an mal
an 250 Milliards de revenus financiers. Un prélèvement voisin du niveau de
la cotisation patronale retraite rapporterait chaque année 20 Milliards
d’euros ;
-
Enfin, une réforme du mode de contribution
sociale des entreprises est indispensable. Il faut sortir d’une pure
logique d’assurance qui permet aux employeurs les moins vertueux de reporter
sur les autres les coûts liés à leur comportement. En effet plus l’entreprise
réduit ses effectifs et ses salaires plus elle réduit ses contributions aux
régimes sociaux, dont les régimes de retraite. Nous proposons de transformer la
contribution patronale aux institutions sociales sur la base d’une modulation
des cotisations permettant notamment de tenir compte de leur gestion de
l’emploi et du travail.
Un second rapport du COR traitera en
Janvier du fonctionnement du système de retraite.
La CGT plaidera
pour que le rapport mette clairement en valeur en quoi le durcissement continu
des conditions d’acquisition des droits à la retraite, depuis la première
réforme de 1993, a
accru les injustices du système et a fait structurellement baisser le niveau
des pensions sans pour autant résoudre les problèmes de financement. La CGT
refusera qu’il se limite à examiner les dispositifs de redistribution du
système en faisant l’impasse sur les reculs enregistrés depuis vingt ans.
Ce n’est pas en continuant, une
fois de plus, dans cette voie que l’on dégagera les solutions indispensables et
urgentes.
Aucune réforme sérieuse et
durable, garantissant l’avenir et redonnant confiance aux jeunes générations,
ne peut écarter une révision en profondeur et une augmentation du financement.
Ce qui implique que la question du partage des richesses, telle qu’il s’opère
aujourd’hui, soit clairement affrontée.
C’est bien le problème essentiel
que pose l'idée d’une « réforme systémique », qui parait en réalité comme
une fuite face à la question d'un nouveau partage des richesses.
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