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Plan Gallois : chronique d’un gâchis assuré !
Hollande et Ayrault ont décidé de faire un cadeau de 20 milliards d'euros au patronat et aux
actionnaires.
Pour que vous ayez une idée, ces 20 milliards d'euros de "crédit d'impôt compétitivité emploi"
correspondent à plus de la moitié des recettes d'impôts sur les sociétés, l'impôt sur les bénéfices
payé chaque année par les entreprises. En 2011, l'impôt sur les sociétés a rapporté 39 milliards
d'euros. Cette exonération d'impôt s'ajoutera aux 28 milliards d'euros d'exonération de cotisations
sociales déjà accordés chaque année aux entreprises sans contrepartie.
La compétitivité est un prétexte. J’ai dit que je ne lâcherai pas l’argumentation contre le plan
Gallois et sa déclinaison en mesures gouvernementales. J'y reviens. Le nouveau crédit d'impôt ne
défend pas la compétitivité mais la profitabilité des entreprises. L'argument de la compétitivité
ne tient pas puisque le crédit d'impôt concernera "toutes les entreprises" comme l'a dit Ayrault
lui-même. Il ne bénéficiera donc pas seulement aux entreprises qui sont confrontées à
la concurrence internationale ou qui exportent. Ce point est dorénavant totalement avéré.
L’institut patronal Rexecode lui-même en convient. Dans une note d'analyse du crédit d'impôt
compétitivité emploi, Rexecode conclut que "les secteurs pour lesquels le Crédit d'impôt
compétitivité emploi aurait l’impact le plus élevé en termes de réduction du coût salarial
seraient les services aux particuliers puis le commerce et la construction". Rien avoir avec
l’industrie, prétexte du départ !
De plus, il s'agit de trois secteurs qui dépendent quasi-uniquement de
la consommation intérieure.
Selon les calculs de ce centre d'études patronal, le "coût" du travail serait réduit de 4% dans les
services aux particuliers et de 3,3% dans le commerce et la construction alors qu'il ne serait
réduit que de 2,4% dans l'industrie ! De son côté, la banque Natixis arrive aux mêmes conclusions.
Elle a calculé que les quatre plus gros bénéficiaires du crédit d'impôt Ayrault seraient dans l'ordre:
GDF, EDF, Vinci et Carrefour.
Là encore, ce sont des entreprises exerçant des activités non-délocalisables, notamment dans
la construction et le commerce pour les deux dernières. On retrouve les mêmes secteurs que dans
l'analyse de Rexecode. Selon Natixis, au total, ces quatre entreprises gagneraient à elles-seules
au moins 386 millions d'euros ! Je dis "au moins" car les détails de calcul du crédit d'impôt ne
sont pas tous connus. Ça pourrait donc être plus !
Ce projet est finalement très mal ficelé.
Du moins quand on fait le crédit de croire que le gouvernement est de bonne foi. C’est le cas
du député PS Christian Eckert, rapporteur de la commission des finances, pourtant favorable au
crédit d'impôt. Il a listé plusieurs points très problématiques. Lui aussi relève que "le futur
CICE embrasse beaucoup de cibles : environ 20% des 20 Milliards du CICE iront à l'industrie.
C'est peu pour doper la compétitivité". Il relève que "certains secteurs économiques sont
oubliés : le secteur associatif et le champ de l'économie sociale et solidaire pourraient ne pas
être éligible. Une vraie difficulté en terme d'équité, surtout pour un secteur cher à la gauche".
Il pointe aussi un danger majeur pour l'hôpital public : "le CICE pourra amplifier des
différences dans des secteurs sensibles : l'exemple du secteur médical est emblématique. Les
cliniques privées toucheraient le CICE. L'Hôpital public ou associatif n'en bénéficierait pas. C'est
inacceptable" écrit ce député PS. Enfin, lui aussi relève l'absence de contrepartie : "le CICE pourra
servir à tout : certes pour investir, embaucher, former des salariés, développer la recherche ou
l'exportation. Mais aussi pour augmenter certaines rémunérations excessives ou des dividendes
pas toujours décents".
Ce plan est une gabegie d'argent public.
Ce crédit d'impôt Ayrault va fonctionner comme une prime aux licencieurs. Carrefour serait
le quatrième bénéficiaire du crédit d'impôt avec 75 millions d'euros gagné chaque année. Pourtant,
le 12 octobre dernier, le groupe a annoncé 533 suppressions d'emplois. Après Carrefour,
le cinquième bénéficiaire serait PSA-Peugeot-Citroën avec un gain de 72 millions d'euros annuel.
Le groupe a annoncé le 12 juillet dernier, 8 000 suppressions d'emplois et la fermeture de l'usine
d'Aulnay. Ce scandale met en lumière l'absence totale de contreparties exigées des entreprises
pour bénéficier du crédit d'impôt. En effet, le gouvernement entend seulement introduire
"au moins deux représentants des salariés au sein du conseil d'administration ou de
surveillance comme membres délibérants dans les grandes entreprises". Le rapport Gallois
propose d'appliquer cette mesure dans les entreprises de plus de 5000 salariés. Cela ne
concernerait donc qu'une centaine d'entreprises. Et bien sûr, dans les conseils d'administration,
les salariés seront toujours minoritaires : ils ne pourront jamais empêcher une décision.
La deuxième "contrepartie" serait d'obliger les employeurs à présenter à leur comité d'entreprise
un rapport sur "l'utilisation des marges ainsi créées par ce crédit d'impôt pour investir ou
embaucher". Seules les entreprises de plus de 50 salariés sont concernées puisque les autres
n'ont pas de comité d'entreprise. Au total, cela ne concernera que 31 000 entreprises sur
les 2,6 millions existantes. Et là encore, les comités d'entreprise seront seulement informés. Ils
n'auront pas de nouveaux pouvoirs. Enfin, le gouvernement entend instaurer au niveau national
"un comité de suivi avec les partenaires sociaux chargé de dresser à intervalle régulier un constat
partagé sur le bon fonctionnement du dispositif". Là encore, il n'y aucune contrainte pour le
patronat sur l'utilisation de l'argent. Au final, les salariés et les syndicats n'auront aucun pouvoir
de contrôle et encore moins de décision sur l'utilisation de l'argent donné aux entreprises.
Aucune contrepartie n'est demandée en termes de création d'emplois, de lutte contre la précarité,
de formation professionnelle, d'investissement productif.
Au-delà de ces effets d'aubaine incroyables, le crédit d'impôt Ayrault reflète une très
mauvaise gestion de l'argent public. En effet, Ayrault espère la création de 300 000 emplois
grâce à ce dispositif. Ce chiffre parait très fantaisiste. Mais j'accepte de partir de l'hypothèse
de Jean-Marc Ayrault. Si 300 000 emplois sont effectivement créés par ce crédit d'impôt de
20 milliards d'euros, cela signifie qu'un emploi coûtera 67 000 euros d'argent public !
C'est 50% de plus qu'un emploi de professeur payé sur une année. Il y a donc une possibilité
de créer plus d'emplois avec autant d'argent.
L'objectif de Ayrault n’est pas crédible. Nous avons au contraire de bonnes raisons de
croire que ce "pacte de compétitivité" va aggraver la crise. En effet, pour financer ce cadeau
aux patrons, le "pacte de compétitivité" prévoit 10 milliards de baisses des dépenses publiques
et 10 milliards de hausses d'impôts. Les 10 milliards de baisses des dépenses publiques vont
s'ajouter aux 50 milliards d'euros de baisses déjà prévues dans la loi de programmation budgétaire
2012-2017. Au total, Hollande et Ayrault entendent retirer 60 milliards d'euros des budgets
publics et sociaux d'ici 2017. C'est très injuste : ce sont des services publics et de la
protection sociale en moins. Mais en plus, cela va aggraver la récession. Les baisses de
dépenses publiques aggravent la crise en contractant l'activité. Ce cercle vicieux est à
l'œuvre en Grèce, Espagne, Portugal etc. Le FMI et l'OFCE estiment que le retrait d'un euro
des dépenses publiques peut entrainer un recul de l'activité allant jusqu'à 1,60 euro.
C'est-à-dire que la contraction de l'activité est supérieure à l'économie espérée au départ.
Les soixante milliards d'euros que Hollande veut "économiser" en cinq ans dans les budgets
publics et sociaux pourraient donc se traduire par un recul de l'activité de l'ordre de 100 milliards
d'euros !
Et c'est sans compter la chute de la consommation populaire que va produire
la hausse de la TVA.
C'est là, une deuxième bêtise de ce pauvre Ayrault. La TVA est l'impôt le plus injuste. Les 10%
des ménages les plus pauvres consacrent 8,1% de leur revenu à la TVA contre seulement 3,4%
pour les 10% les plus riches. En effet, les ménages les plus pauvres consomment tout leur
revenu. Ils payent donc la TVA sur 100% de leur revenu. Alors que les ménages les plus riches
ne consomment pas la totalité de leur revenu, ils en épargnent une grande partie. La part de
TVA est donc moins grande. Pour présenter la hausse de la TVA comme "juste", le gouvernement
baisse le taux réduit de 5,5% à 5% pendant que le taux intermédiaire passera de 7% à 10% et
le taux normal de 19,6% à 20%. Mais cela ne trompe personne. La baisse du taux réduit ne
devrait coûter que moins d'un milliard d'euros en perte de recettes pour l'Etat. Pendant ce temps,
la hausse des taux intermédiaire et normal devrait rapporter plus de 7 milliards d'euros. Au total,
les ménages, c'est-à-dire le peuple, payeront près de 7 milliards d'euros de TVA en plus !
Et ce n'est pas fini, le patronat gagne une deuxième fois.
Les économistes s'accordent sur deux points. Premièrement, les petites baisses de TVA
ne sont jamais répercutées pleinement sur les prix par les entreprises. Deuxièmement, les hausses
de TVA sont systématiquement répercutées sur les prix par les entreprises. La combinaison
des deux signifie que le grand gagnant de la hausse de la TVA sera encore le patronat. Il ne
répercutera pas totalement la baisse de TVA sur les produits de première nécessité.
Mais il répercutera totalement la hausse des deux autres taux de TVA. Dans les deux cas, les
entreprises vont donc augmenter leur marge et donc le bénéfice reversé à leurs
actionnaires-propriétaires.
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