DEBAT AU SENAT :
POURQUOI NOUS REFUSONS L’AUSTERITE !
LETTRE
OUVERTE DES SENATEURS
DU GROUPE
COMMUNISTE REPUBLICAIN ET CITOYEN (CRC)
Depuis plusieurs semaines, les sénatrices et sénateurs du groupe
communiste républicain et citoyen ont travaillé sur des textes fondamentaux et
structurants pour l’avenir de notre pays.
Parmi ces textes, le Traité sur la stabilité, la coordination et la
gouvernance (TSCG), la règle d’or, le projet de loi de financement de la
sécurité sociale (PLFSS) et le projet loi de Finances (PLF) pour 2013, sont
sans doute les plus emblématiques.
Nos votes sur ces textes ne relèvent pas d’une posture circonstancielle.
Ce sont des votes responsables qui prennent appui sur la volonté de changement
qui s’est majoritairement exprimée dans notre pays en mai et juin derniers.
Ils portent les combats du Front de gauche contre la droite et l’extrême
droite, mais sont aussi exigeants pour que cette volonté de changement se
concrétise par des décisions et des actes forts du gouvernement, attendus par
nos concitoyens pour répondre à leurs besoins.
En n’approuvant pas ces textes, notre groupe a provoqué leur rejet par
le Sénat.
Faut-il le rappeler ? Il n’y a pas de majorité de gauche au Sénat
sans les 20 membres du groupe CRC.
Dès les premiers jours de la session extraordinaire de juillet, notre
groupe qui souhaite la réussite de la gauche, c’est-à-dire du changement, a
manifesté sa disponibilité pour travailler à la préparation de textes
législatifs.
Le gouvernement n’a pas vu ou plutôt, n’a pas voulu voir le rôle
charnière de notre groupe.
Nos propositions n’ont été examinées, et encore moins
prises en compte, ni en amont de la présentation des projets de loi, ni durant
leur examen en commission, comme en séance publique.
Les textes étaient à prendre ou à laisser. Nous n’avons pu à aucun
moment, véritablement discuter, ni de l’orientation ni de leur contenu.
Nous l’affirmons avec force : nous sommes acteurs du changement.
Notre seule ambition est de répondre aux attentes et exigences de notre peuple.
Le Front de gauche, nous avons soutenu au second tour de l’élection
présidentielle le candidat François Hollande. Nous avons ainsi permis la
défaite de la droite à laquelle nous nous sommes opposés hier comme
aujourd’hui, et comme nous le ferons demain.
Fort de ses 4 millions de voix, soit 11% des votes, le Front de gauche
est une composante essentielle de la majorité politique actuelle.
Avec le Front de gauche, comme le Parti communiste en son sein, ont fait
le choix de ne pas participer au gouvernement qui a, d’entrée, annoncer des
orientations trop éloignées d’une politique de progrès et de justice sociale.
L’absence de rupture avec les politiques libérales qui ont prévalu
depuis tant d’années, a justifié l’abstention de nos camarades du groupe GDR à
l’Assemblée nationale lors de la déclaration de politique générale du Premier
Ministre le 3 juillet dernier, position que nous avons soutenue et fait nôtre
au Sénat où ce débat se déroulait sans vote.
Notre désaccord avec un certain nombre d’orientations de la majorité
gouvernementale, celle qui a voté la confiance au Premier Ministre, est connu
et nos votes d’aujourd’hui ne peuvent constituer une surprise.
Avec le Front de gauche, nous avons rejeté le traité Sarkozy-Merkel qui
devait être réorienté, comme le nouveau Président de la République s’y était
engagé quand il était candidat, et qui fut finalement soumis à la ratification
des parlementaires tel quel, sans qu’aucune virgule ne soit modifiée.
Ce recul face aux libéraux européens et les marchés
est malheureusement un acte fondateur du quinquennat.
De cet acte découle les insuffisances, les contre-sens, la fausse route
actuelle.
Alors que le peuple a voté pour « un changement maintenant »,
ce sont les dogmes libéraux qui, au-delà de quelques mesures positives,
perdurent. Ils ont pour nom : compétitivité, réduction des dépenses
publiques et coût du travail.
L’annonce du pacte de compétitivité, avec la hausse d’une TVA, pourtant
dénoncée hier, a confirmé et renforcé nos craintes d’un refus d’affronter le
monde de la finance, qualifié d’ennemi sans visage par le candidat François
Hollande.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 n’a pas
rompu avec la terrible logique de la maîtrise des dépenses de santé qui
signifie toujours moins de soins pour une part croissante de la population et
toujours plus d’inégalités face à la vieillesse.
Nous avons décidé, comme les député(e)s du groupe GDR à l’Assemblée
nationale, de voter contre un texte sans ambition, ne se donnant pas les moyens
de revenir sur les mesures les plus régressives des « années »
Sarkozy. Nous avons maintenu ce vote quitte à provoquer le rejet par le Sénat.
C’est une question de cohérence, c’est une question de respect.
Nous ne pouvons accepter - car c’est une mesure importante et symbolique
- le renforcement de la taxation des retraites pour le financement de la
protection sociale.
Le gouvernement connaissait notre hostilité de principe à cette mesure
comme à l’absence de remise en cause des exonérations de cotisations sociales patronales.
Il n’a pas bougé d’un iota sur ces points. Plus généralement, un seul de
nos 50 amendements a été accepté par la majorité gouvernementale et un seul
autre a été repris par le Rapporteur général. Nous avons donc maintenu le vote
contre.
Concernant le projet de loi de Finances dont le débat a commencé le 23
novembre, nous préconisons pour l’instant, tant sur les recettes que sur les
dépenses, une abstention, car même si sur le plan des recettes un effort de
rééquilibrage a été effectué, l’amendement « pigeons » a réduit la
portée de cette avancée en retirant 750 millions de recettes sur la taxation
des plus-values en matière de cession d’entreprise. Par ailleurs, nous
constatons que les dépenses sont toujours marquées par le dogme libéral de
réduction coûte que coûte des dépenses publiques.
Pierre Laurent, Secrétaire national du Parti communiste français, André
Chassaigne, président du groupe GDR à l’Assemblée nationale, Eliane Assassi,
présidente de notre groupe au Sénat, ont été reçus par le Premier Ministre.
Une liste d’amendements adoptés l’an dernier par la majorité de gauche
du Sénat lui a été remise. Ces amendements ne relèvent pas de la surenchère.
Ils marquent une inflexion significative vers plus de justice sociale et
fiscale.
Jusqu’à ce jour, le gouvernement maintient l’affirmation du Premier
Ministre sur l’absence de marge de manœuvre et le refus de nos propositions.
De toute évidence, le carcan européen, les premières conséquences du
pacte budgétaire et de sa règle d’or se font sentir.
Le changement est-il encore à
l’ordre du jour ? La question mérite d’être posée.
Notre abstention sur le budget entraînera sans doute le rejet du projet
de budget par le Sénat.
Nous avons toujours dit que nous voterions les mesures qui vont dans le
bon sens : ainsi, nous avons voté et voteront le projet de loi relatif au
logement.
Nous avons voté en juillet le collectif budgétaire qui, alors, marquait
un infléchissement net par rapport à la politique de Nicolas Sarkozy.
Nous avons pleinement participé à l’élaboration de la loi contre le
harcèlement sexuel et l’avons bien entendu votée.
Nous nous engageons pleinement pour le vote dans les meilleurs délais du
projet de loi instaurant le mariage pour tous.
Nous ne votons pas pour ce qui nous paraît contraire à nos engagements
et aux chances de réussite de la gauche.
Outre les projets clefs de ratification du traité budgétaire européen,
de l’instauration de la règle d’or, ou de loi de finances ou de financement de
la sécurité sociale, nous n’avons pas voté le texte relatif au statut des
étrangers qui prolonge la stigmatisation d’hier.
Nous avons vivement rejeté un texte relatif à l’énergie qui engageait le
démantèlement du service public, mettait en danger le principe d’égalité et
aurait abouti à faire payer, à terme, plus cher l’énergie aux plus démunis.
Nous exigeons par contre dans l’urgence, l’adoption de mesures sociales
dans ce domaine. Nous avons déposé une proposition de loi en ce sens qui peut
être adoptée par toute la gauche dès demain.
En décembre, si rien ne bouge, nous nous opposerons au projet de loi de
finances rectificative. En effet, il doit, pour l’essentiel, intégrer les
dispositions du pacte de compétitivité, qui prennent à contre-pied la gauche,
en allant à l’encontre des intérêts populaires.
On nous dit : « attention ! Vous vous alliez avec la
droite. C’est une alliance contre nature, vous trahissez la gauche ».
C’est oublier bien vite que tant sur la ratification du traité, la loi
organique portant règle d’or, le texte relatif aux étrangers (instaurant une
garde à vue spécifique) que sur la reconduction des mesures sarkozistes
relatives au terrorisme, seuls les renforts des voix de l’UMP et de l’UDI, ont
permis au gouvernement de faire adopter ces textes par le Sénat.
Les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen
ne sont pas figés dans une attitude de refus systématique et stérile. Nous
avons des propositions, en particulier pour la justice sociale, pour une lutte
déterminée contre le chômage avec la mesure emblématique d’interdiction des
licenciements boursiers pour une nouvelle répartition des richesses dans notre
pays. Nous agissons avec détermination pour que ces propositions soient
entendues et prises en compte.
Nous ne sommes pas dans l’opposition, fûsse-t-elle de gauche, car nous
revendiquons haut et fort notre appartenance à cette majorité politique qui le
6 mai a permis de chasser la droite du pouvoir.
Mais ne pas nous entendre est sans nul doute prendre le risque de
renoncer à cette majorité du changement, et décevoir cruellement les
aspirations populaires.
Paris, le 28 novembre 2012
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