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lundi 3 décembre 2012

Gauche : faut-il assumer ou dénoncer l’austérité ?




L'humanité des débats. Gauche

Gauche : faut-il assumer ou dénoncer l’austérité ?

Le face-à-face de la semaine de l'Humanité des débats entre la sénatrice, présidente du groupe Communiste républicain et citoyen au Sénat, Éliane Assassi et le député, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, Bruno Le Roux.
Les différentes lois 
de finances sont marquées du sceau de l’austérité 
pour, selon le gouvernement, résorber les déficits publics . Est-ce vraiment la priorité absolue ?
Éliane Assassi. Le gouvernement est marqué par le discours en vogue en Europe. Pour le président de la République, le premier ministre et le gouvernement, la résorption du déficit est un préalable à toute politique de changement. Il faut redresser les comptes d’abord. Le bilan de la droite, en dix ans d’exercice du pouvoir, est calamiteux et le discours de la rigueur peut donc être compris. Le problème, c’est que le choix de l’austérité est récessif, qu’il risque de maintenir les déficits au niveau actuel et éloigner le changement comme l’Arlésienne qu’on attend toujours et qu’on ne voit jamais… Aucun des pays d’Europe frappés par l’austérité (Portugal, Espagne, Irlande, Italie, Grèce) ne connaît une amélioration de la situation.
Bruno Le Roux. La priorité absolue, c’est l’emploi. C’est pour l’emploi que nous menons toute notre politique : la réorientation de l’Europe, le redressement des finances publiques et le redressement industriel et économique. Ces trois dimensions de notre action marchent ensemble. Depuis trop longtemps, la dette entame notre souveraineté, ronge nos marges de manœuvre, alimente le désordre de la finance mondiale. Aujourd’hui, le service de la dette est le premier budget de l’État. Ce n’est pas acceptable. Depuis des années, on parle de réduire la dette. Je suis fier d’appartenir à la majorité qui le fait, en respectant les priorités fixées par la majorité : l’emploi, l’éducation, le logement, la sécurité. Ce que nous votons est juste : l’essentiel de l’effort est demandé aux plus riches et aux grandes entreprises. C’est un budget au service de tous les Français, de ceux qui ont tant souffert de la politique de la droite, toujours plus douce avec les privilégiés et plus dure avec tous les autres. C’est un budget qui protège les classes moyennes et populaires. Ce budget n’est pas un budget de rigueur. C’est un budget de combat.

Le budget prévoit la baisse 
de la dépense publique ? N’est-ce pas contradictoire avec toutes idées de relance des investissements et de création d’emplois ?
Éliane Assassi. Si, précisément. Un « choc » fiscal de 30 milliards de recettes attendues, en partie transférée sur le dos des salariés (les pigeons ont gagné 750 millions, les accidentés du travail perdu 170 millions) sans dépenses nouvelles, c’est anti-économique. En 1945, la France était ruinée par la guerre, son industrie sous le niveau des années trente. Qu’a-t-on fait ? Créé la Sécurité sociale, nationalisé les banques, les assurances, l’énergie et investi dans les équipements publics. Ce n’est pas en privant les collectivités locales de ressources, en gelant le salaire des fonctionnaires, en augmentant la TVA (comme on le voit dans le pacte de compétitivité) que les choses iront mieux. En suivant cette piste, la France va exporter son austérité et importer celle des autres. L’Europe est la seule partie du monde où l’on agisse de cette manière. Résultat : récession en zone euro prévue par l’OCDE alors que les USA d’Obama sont donnés à 2,75 % de croissance en 2013, la Russie à 4 % et la Chine, où la croissance ralentit (!) à 7,5 %. L’austérité, c’est le déclin de notre économie, la hausse du chômage, celle des tensions sociales. Nous ne voulons pas de cette France-là.
Bruno Le Roux.Pour retrouver des marges de manœuvres et sortir de notre dépendance envers les marchés financiers, nous menons une politique équilibrée : 10 milliards d’euros de prélèvements pour les grandes entreprises, autant pour les ménages les plus aisés, mais aussi 10 milliards d’économies. L’effort demandé est important, il est juste que l’État y participe. C’est bien pour l’investissement et la création d’emplois que cet effort est demandé : les emplois d’avenir, le contrat de génération, le crédit d’impôt pour la croissance et l’emploi, par exemple, sont des outils utiles et cohérents qui exigent des financements. Et nous créons un nouvel instrument essentiel : la BPI qui financera les entreprises sur tout le territoire. En cohérence, nous menons une réforme bancaire qui permettra de mieux réguler le système bancaire pour favoriser le financement des entreprises. La relance de l’investissement et la création d’emplois sont donc bien au cœur de notre politique.

Vous êtes deux forces de gauche 
et vos votes sur ces budgets 
sont différents. 
Est-ce préjudiciable à la gauche.
Bruno Le Roux. Qu’il y ait une 
diversité à gauche est normal. Mais le vote du budget, surtout quand il est aussi clairement orienté à gauche et fondé sur la justice, est un vote particulier qui fonde un pacte de changement. J’aimerais être sûr que nous avons le même objectif : que la gauche réussisse, non pour elle, mais pour les Français. Je m’interroge sur le sens des choix de ceux qui donnent l’impression de parier sur l’échec de la gauche, en mêlant trop souvent leurs voix à celles de la droite. Je ne comprends d’ailleurs pas bien pourquoi il serait possible de travailler ensemble dans toutes les collectivités, mais pas au niveau national. Les politiques que nous y menons sont cohérentes. Je sais que cette incompréhension est partagée au-delà de nos rangs chez nombre de responsables de gauche, dont de nombreux communistes. J’en appelle donc toujours au rassemblement de toute la gauche au sein de ce grand pacte que nous proposons aux Français.
Éliane Assassi. Non. La gauche est pluraliste. Si nous étions d’accord sur tout, il n’y aurait qu’un seul parti de gauche. Il y a des approches différentes, des propositions diverses, il faut les confronter, accepter ce qui nous différencie et définir ce qui nous rassemble. Être de gauche, ce n’est pas céder à l’appel des « patrons pigeons », véritables rapaces avides de profits rapides ! Le gouvernement l’a pourtant fait et a même réussi, en séance au Sénat, avec une seconde délibération, à supprimer un amendement communiste, pourtant adopté, qui demandait 140 millions d’euros aux banques et un autre, adopté à l’unanimité, qui augmentait de 100 millions l’aide de la France au développement, conformément à un engagement de François Hollande ! Manuel Valls peut toujours critiquer l’attitude des parlementaires communistes, il aurait été mieux inspiré de demander à son collègue Jérôme Cahuzac de les consulter et d’échanger pour parvenir à une loi de finances acceptable, c’est-à-dire résolument à gauche.
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Entretiens réalisés par 
Max Staat

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