Un communiqué du Syndicat des Avocats de France (SAF)
34 rue St Lazare 75009
PARIS
Le MEDEF revendique l’immunité judiciaire pour les Entreprises !
Ce n’est pas
de sécurisation de l’emploi dont il est question à chaque ligne du projet d’accord
national interprofessionnel élaboré par le MEDEF.
La sécurisation
n’y est conçue qu’au profit des entreprises, pour se prémunir de toute obligation de transparence et de justification, et se constituer
une véritable immunité judiciaire.
La revendication n’est pas neuve ; elle a déjà servi de fil rouge à l’ensemble des positions patronales des 15 dernières années et a connu déjà plusieurs succès,
avec le mécanisme de la rupture conventionnelle obtenue des partenaires
sociaux puis du législateur en 2008, ou la pratique des plans de départs volontaires
qui se répand elle aussi sans aucun contrôle judiciaire possible.
Mais le MEDEF
n’entend pas s’en contenter, et réclame désormais le droit :
- de museler
les représentants du personnel en leur imposant
la confidentialité sur
les informations
qu’ils reçoivent, et des délais préfix pour entendre leur expert et rendre leur
avis ;
- de subordonner
le maintien du CDI à la réalisation d’un projet, transformant ainsi le
CDI en CDD
;
- de licencier
sans avoir à justifier d’un motif économique le salarié qui aura refusé une modification
de son poste ou de son lieu de travail dans le cadre d’une réorganisation, et de
s’exonérer par là même de toute mise en place d’un plan de sauvegarde
de l’emploi et des règles encadrant le licenciement économique ;
- de licencier sans contrôle les salariés
refusant les modifications de leur rémunération ou de leur temps de travail issues
des accords dits « de maintien dans l’emploi »,
en se libérant là aussi de toutes les règles propres au licenciement pour motif économique
;
- lorsque l’obligation de mettre en
œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi n’aura pu être contournée,
de s’affranchir par accord collectif de toutes les règles encadrant sa présentation,
ou de se prémunir de tout contrôle judiciaire sur ce plan par le jeu d’une homologation
de l’administration du travail pouvant être simplement implicite ;
- de se prémunir de toute contestation
quant à la validité ou la justification de leurs décisions,
en tous domaines, en cas de violation des règles de procédure et de formalisme
édictées par le code du travail pour encadrer le pouvoir de décision des employeurs
(Exit la requalification de nombre de CDD pour absence de motif, exit la requalification
des temps partiels pour absence de fixation de l’horaire, exit la nullité
des licenciements
économiques pour défaut de plan social, exit les garanties procédurales conventionnelles
spécifiques, etc…) ;
- de compenser a
posteriori l’indigence de la motivation des lettres de licenciement ;
- de plafonner le
risque financier des litiges par une barémisation des indemnités en cas de
licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- d’échapper encore et
enfin à tout contrôle judiciaire et risque de sanction par des
délais de prescription
exceptionnellement brefs.
Il ne s’agit là que d’une brève synthèse des
réformes réclamées par le MEDEF pour
aboutir à une destruction
majeure du droit des salariés au respect de leur contrat de
travail et de leur droit
à l’emploi, quitte à bafouer ouvertement les principes fondamentaux de la réparation intégrale des préjudices
et de l’obligation de motivation des licenciements…
Rien n’arrête le MEDEF
dans ses prétentions à remettre en cause 40 ans d’évolutions législatives et surtout
jurisprudentielles, résultat de combats judiciaires auxquels les avocats du SAF ont largement contribué, en
s’assurant qu’à l’avenir les Juges seront bien empêchés de venir rétablir les droits
des salariés.
En guise de contreparties,
le MEDEF ne propose aux syndicats que des mesures qui ont en réalité l’objectif
de créer un véritable statut de la précarité, pour mieux développer ce marché du travail précaire qui désespère
tant les salariés.
La véritable sécurité pour
le salarié, c’est celle de conserver son emploi, ou d’en retrouver un, pérenne et
digne, dans des délais très brefs, et non celle consistant à obtenir des droits sociaux
maintenus en cas de perte d’emploi en contrepartie de la possibilité de perdre plus
facilement celui-ci. Il paraît illusoire d’obtenir
des droits nouveaux potentiels pour les salariés les plus précaires si cela se fait en contrepartie d’une précarisation
générale de l’ensemble des salariés.
Quant au prétendu contrôle
par la négociation collective dans les entreprises, il se limite, en l’état actuel
de la représentation des salariés et du rapport de force dans la majorité des entreprises,
à un vœu que l’on peut partager mais qui
ne sera d’aucune efficacité immédiate et ne bénéficiera pas d’une contribution loyale
des
entreprises au dialogue
social dès lors que les employeurs se sauront à l’abri de tout contrôle effectif
de leurs agissements.
Le MEDEF qui pourfendait
l’autorisation administrative de licenciement, dont il a obtenu la suppression en
1986, préconise désormais l’homologation
des PSE par l’administration du travail,
pour mieux mépriser les intérêts des salariés
et le rôle des représentants du personnel,
ce qui ne peut qu’alarmer lorsque l’on sait
le peu de moyens dont dispose l’administration du travail, et les statistiques
relatives à l’homologation des ruptures
conventionnelles. C’est dire s’il est temps de s’indigner et de résister. Les avocats du SAF ne peuvent
que dénoncer avec force les desseins d’un patronat qui se revendique tout
puissant et seul Juge dans son Etat.De telles perspectives
de réforme doivent être très fermement bannies.Les entreprises sont des
sujets de droit qui ne peuvent prétendre échappe à la démocratie du contrôle judiciaire et à l’exigence de la transparence.
Paris, le 9 janvier 2013
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