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samedi 30 novembre 2013

Pour Marc Crapez*, chercheur en sciences politiques, le mouvement Bonnets rouges est une allégorie du village gaulois.

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Sébastien Le Fol





Pour Marc Crapez*, chercheur en sciences politiques, le mouvement Bonnets rouges est une allégorie du village gaulois.

                            Le 5 novembre, des manifestants bloquent la RN 12 entre Morlaix et Saint-Brieuc.
           Le 5 novembre, des manifestants bloquent la RN 12 entre Morlaix et Saint-Brieuc. © Damien Meyer / AFP

Le mouvement des Bonnets rouges n'est pas un sécessionnisme de type chouan. Il représente une allégorie du village gaulois qui résiste encore et toujours à l'envahisseur : Bruxelles, la désindustrialisation et la ponction fiscale. En face, tremble le gouvernement retranché de Petibonum, commandé par le Décurion Marcus Ayraultus et le Centurion Caïus Hollandus. Celui-ci fut couvert de décorations au Mali, mais à vaincre sans péril on triomphe sans gloire. Les irréductibles Bretons ont souvent un beau panoramix, mais leur climat rude et l'âpreté de la vie les ont façonnés en durs à cuire. Ils sont prêts à envoyer valser les patrouilles de CRS (Compagnies romaines de sécurité) commandés par Manuellus Vallsus.

Ne pas se contenter de l'assurance tous risques des "allocs"

Ces irréductibles Bretons ont une idée fixe : que l'État ne les lâche pas en rase campagne, en les laissant se débrouiller avec leurs plans sociaux, tout en les ponctionnant de plus belle avec des portiques d'écotaxe. Ils ne veulent pas se contenter de l'assurance tous risques des "allocs". Ils ont le sang chaud, un peu comme à l'est de la Gaule où l'on manifeste contre les fermetures dans la sidérurgix. Contrairement au Nord et au Sud, où les régions sinistrées de Roubaix et Perpignan se contentent, pour l'instant, de toucher leurs allocs sans broncher. 
Le village breton est plus résistant que celui de Roubaix, car sa potion magique contient trois ingrédients : du bon sens, une structure familiale qui perdure et de la bonne conscience politique. L'idéal des Bretons reste de se marier, fonder une famille, l'élever dans un petit pavillon et lui transmettre valeurs et traditions. Aussi défendent-ils leur gagne-pain pour nourrir leur famille. 

Un fort particularisme dans le giron de la République

En outre, ils ne sont pas culpabilisés politiquement. On l'a vu à Quimper, avec la scission entre le trotskiste Philippe Poutou, qui y manifestait, et le front-de-gauchiste Mélenchonus, refusant de se mêler avec le "grand capital" et le "fachisme". Certains ont bien tenté de déconsidérer les Bonnets rouges en discernant dans leurs rangs des chemises noires, mais les Bretons ne se sont pas laissé intimider. Ils ne sont pas culpabilisés par la présence éventuelle de manifestants du Front national dans leurs rangs à Quimper, car là n'est pas la question. 
La Bretagne est d'ailleurs la région qui vote le moins FN et le plus PS. Le glissement vers la gauche s'est opéré en deux temps, fin XIXe(observé par le politologue André Siegfried) puis fin XXe. Ils cultivent ainsi un fort particularisme tout en restant dans le giron de la République. Ils ne veulent pas être accusés d'être des enfants gâtés. Ni abandonnés par le pouvoir central qui leur doit sa couronne. Ils veulent qu'on s'occupe d'eux pour l'emploi. Tout en les laissant tranquilles pour l'impôt.
* Auteur de "Un besoin de certitudes" et "Naissance de la gauche", aux éditions Michalon.
Blog : marccrapez.net

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