PROSTITUTION - Le débat tant attendu sur la prostitution s'est ouvert vendredi 29 novembre à l'Assemblée nationale. Mais alors que la question de la pénalisation des clients a enflammé l'opinion, la discussion s'annonce plus consensuelle dans l'hémicycle. En cause, la présence très limitée des parlementaires. Les partisans du texte n'ont pas manqué de dénoncer "l'hypocrisie" des opposants qui étaient peu représentés.
Avant le déjeuner, à peine une vingtaine de députés ont écouté à la mi-journée la rapporteure Maud Olivier (PS), puis la ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem démonter un à un les arguments de ceux qui défendent la "liberté" des prostituées.
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Et à la reprise des débats, à 15 heures, peu de parlementaires avaient regagné les bancs du Palais Bourbon. Seulement une soixantaine de députés sur 577 ont ainsi discuté d'une motion de renvoi du texte en commission, qui a finalement été rejetée. Co-président du groupe EELV majoritairement contre le texte, François du Rugy, a dénoncé l'organisation des débats qui se tiennent exclusivement le vendredi, jour durant lequel les députés rentrent traditionnellement en circonscription.
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Cela n'a pas empêché une passe d'armes lorsqu'un socialiste a semblé assimiler les opposants à la proposition de loi à la pétition dite de 343 salauds. "Ils disent tout haut touche pas à ma pute mais ils pensent touche pas à mon calbute", a déclaré le socialiste Jean-Marc Germain. Comme il intervenait en réponse à l'écologiste Sergio Coronado, un opposant au texte qui venait de dénoncer une vision "en noir et blanc" de la prostitution, l'élu PS s'est attiré une vive réplique. "Je ne peux pas au titre du calbute passer sur les remarques de Médecins du Monde", lui a répondu l'UDI Jean-Louis Borloo.
La proposition de loi, qui sera votée le 4 décembre et sera ensuite examinée par le Sénat, s'inspire de l'exemple de la Suède où les clients sont pénalisés depuis 1999, ce qui a conduit à une réduction de moitié de la prostitution de rue en dix ans.
Si le groupe socialiste soutient la proposition, quelques-uns de ses membres se sont fait l'écho des inquiétudes de certaines associations soulignant que la surveillance contre les clients allait pousser les prostituées à davantage de clandestinité. Le Front de gauche soutiendra le texte. Mais les écologistes voteront contre, jugeant qu'il ne fait pas la distinction entre prostituées victimes de réseaux et "indépendantes" (15% des prostituées). A l'UMP, où la possibilité de régulariser des personnes qui sortent de la prostitution fait grincer des dents, une majorité de députés devraient s'abstenir. Radicaux de gauche et UDI laisseront la "liberté de vote" aux parlementaires.
Vingt-six sénateurs et députés de toutes tendances (sur 925 parlementaires) ont d'ailleurs signé une pétition lancée à l'initiative d'une sénatrice et d'un député écologistes, Esther Benbassa et Sergio Coronado dans laquelle ils dénoncent "un texte d'inspiration moralisatrice (...) et niant la complexité des situations de prostitution".
Deux manifestations aux abords du Palais Bourbon
Hors de l'Assemblée nationale, le débat a également eu lieu entre partisans et opposants à la proposition de loi. Sur l'esplanade des Invalides, souvent cachées derrière des masques blancs ou rouges, sous des cagoules ou protégées par leur écharpe, environ 150 prostituées ont dit leur opposition à un texte qu'elles qualifient d'"anti-putes".
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"Ils essaient de nous empêcher de travailler", déplore Thierry Schaffauser, militant du Syndicat du travail sexuel (Strass), qui appelait au rassemblement. "On fait un amalgame entre le travail forcé et l'exploitation consentie". "Où, quand, comment, combien je prends, ce choix me revient, mon corps m'appartient", chantaient les travailleur(s)es du sexe, soutenus par des membres des associations Aides, Act up, Médecins du Monde, ou Les Amis du bus des femmes.
A quelques centaines de mètres, le ton était tout autre: une cinquantaine de personnes, pour la plupart issues de mouvements féministes, sont venues soutenir la proposition de loi, derrière une banderole "Ensemble pour l'abolition du système prostitueur". "C'est un changement de société qu'on demande, un changement de société c'est toujours difficile", a reconnu Anne-Cécile Mailfert, porte-parole d'Osez le féminisme. Mais "c'est un changement bénéfique. Cette loi va dire aux clients: vous êtes en train d'alimenter les réseaux de traite".