Insultes contre Taubira: des manifestations antiracistes en demi-teinte
Par Charlotte PLANTIVE
Les
manifestations contre le racisme samedi dans toute la France, après les
attaques contre la garde des Sceaux Christiane Taubira, n'ont pas rassemblé les
foules, malgré l'unité affichée par les organisateurs, associatifs et
syndicaux.
A Paris, le principal
cortège a rassemblé 25.000 personnes selon les coordinateurs, mais moins de
4.000 pour la police. Ils étaient 1.700 à Nantes, 1.100 à Bordeaux, 600 à
Toulouse, Lille et Marseille.
"Je suis déçu et
n'arrive pas à comprendre pourquoi nous sommes si peu", a commenté Steevy
Gustave en marchant dans la capitale, où les manifestants ont défilé dans le
calme sans bannière ni pancarte, sauf celles de leurs organisations
respectives.
Cet Antillais, élu à
Brétigny-sur-Orge (Essonne), est à l'origine d'une pétition "France
ressaisis-toi", publiée après les insultes contre Christiane Taubira, qui
a recueilli 120.000 signatures.
"La participation
ne pouvait de toute façon qu'être insuffisante face à la gravité de la
situation", a nuancé le président de la Ligue des droits de l'Homme (LDH),
Pierre Tartakowsky. Selon lui, "le poison raciste a pénétré la
société" et la lutte antiraciste n'est plus à la mode.
La marche avait été
initiée par des associations d'Outre-Mer (CollectifDom et CM 98) après les attaques
répétées contre la ministre guyanaise.
"En voyant des
enfants la comparer à une guenon, nous avons ressenti une souffrance
insupportable", a expliqué le président de CM 98 Serge Romana, tout en
déplorant que "la lutte antiraciste soit un peu en panne."
Pourtant, tous les
acteurs du secteur avaient rallié l'initiative des Ultra-Marins, dans un rare
front commun qui a vu défiler côte à côte les responsables des quatre grandes
associations antiracistes (SOS Racisme, LDH, Mrap et Licra) et des grandes centrales
syndicales (CFDT, CFTC, CGT, FSU, Solidaires, Unsa).
"Nous sommes ici
pour dire ensemble, j'insiste ensemble, que nous sommes unis contre le cancer
du racisme", a ainsi martelé Bernadette Hétier, co-présidente du Mouvement
contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples.
"On est tous
pareils"
Récemment réconciliés,
Thierry Lepaon (CGT) et Laurent Berger (CFDT), se sont aussi "rassemblés
autour de valeurs fondamentales". "Quand les gens se lâchent en
disant des choses horribles, eh bien il faut dire stop", a lancé Laurent
Berger.
Plusieurs formations
politiques, dont le Parti socialiste et le Parti de gauche, soutenaient la
marche et certains de leurs élus ont défilé avec leurs écharpes tricolores.
Seule membre du
gouvernement dans le cortège, la ministre déléguée chargée de la Réussite
éducative, George Pau-Langevin, a jugé "inimaginable" pour elle,
ex-présidente du Mrap, de ne pas être là.
Dans Le Monde, le
dirigeant socialiste Julien Dray, un des fondateurs de SOS Racisme, a toutefois
jugé que le PS n'était "pas à la pointe du combat contre les
discriminations".
Ailleurs, des
manifestations ont été organisées dans plus de 80 villes de métropole et
d'Outre-Mer.
"On est tous
pareils!", "Nous sommes tous des immigrés!", pouvait-on lire sur
des pancartes brandies à Bordeaux.
Dans le centre de
Toulouse, 600 personnes ont bravé une pluie glaciale pour "reprendre en
main la République".
Du Vieux-Port en
remontant la Canebière, le défilé marseillais qui a réuni entre 550 et 1.000
personnes, a particulièrement visé le FN, décrit par la présidente du Mrap
Bouches-du-Rhône, Horiya Mekrelouf, comme le "terreau majeur sur lequel se
greffe le racisme le plus abject".
Il y avait également
600 manifestants à Rennes, autour de 300 à Grenoble, Lyon, Montpellier, Rouen,
Mulhouse, 150 au Mans, etc.
"Il est assez
incroyable qu'au 21e Siècle, nous soyons encore obligés de battre le pavé pour
combattre la banalisation du racisme", regrettait Fabrice, un professeur
d'anglais dans le cortège grenoblois. "C'est le signe que la démocratie
est encore fragile."
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