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mardi 28 mai 2013

Travail : les ruptures conventionnelles toujours en vogue. (25.05)


Un article de libération.fr du 24 mai 2013

Travail : les ruptures conventionnelles toujours en vogue. (25.05)

Cinq ans après sa création, le succès de la rupture conventionnelle ne se dément pas : selon une étude de la Dares publiée ce vendredi, 320 000 de ces accords, qui permettent à un employeur et à un salarié de se quitter bons amis, ont été signés en 2012 – soit 11 % de plus que l’année précédente. L’avantage du dispositif varie cependant selon la taille de l’entreprise et le niveau de rémunération du salarié.
A l’origine, la rupture conventionnelle visait à offrir une alternative à la démission et au licenciement pour motif économique ou personnel : un simple accord suffit entre les deux parties. Il est ensuite homologué par l’administration, qui s’assure notamment du bon niveau de l’indemnité de rupture, du respect du délai de rétractation ou encore de la liberté de consentement des intéressés. Pour le patron, cette solution est moins risquée juridiquement qu’un licenciement – et donc potentiellement moins coûteuse; pour le salarié, elle offre l’avantage d’ouvrir des droits à l’assurance-chômage, à la différence d’une démission.
Les hauts salaires avantagés
Sitôt lancé, le dispositif a connu une forte croissance, atteignant 28 400 demandes d’homologation par mois, en moyenne, l’année dernière. Surtout populaire dans les établissements de petite taille, la rupture conventionnelle représente désormais 16 % des fins de CDI (contre 27 % de licenciements et 57 % de démissions). Le taux d’homologation des demandes, quant à lui, est stabilisé entre 90 % et 95 % depuis la fin 2009. Les refus sont motivés, dans 40 % des cas, par une indemnité de rupture inférieure au plancher légal (un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, plus deux quinzièmes au-delà de dix ans) ou conventionnel.
Même lorsque ces indemnités sont homologuées – pour un montant moyen de 6 660 euros –, d’importantes disparités existent entre les salariés. Ainsi, 10 % de ceux qui recourent à une rupture conventionnelle reçoivent moins de 240 euros, 50 % moins de 1 400 euros, 25 % plus de 4000 euros, et 10 % plus de 14 000 euros. Le montant dépend bien sûr de l’ancienneté, mais d’autres facteurs entrent en jeu, comme le niveau de salaire.
En effet, selon l’étude, les salariés dont la rémunération est inférieure à 2 000 euros touchent une indemnité moyenne équivalente à 0,21 mois de salaire par année d’ancienneté. Ce ratio est de 0,41 pour les rémunérations supérieures à 3 000 euros. De plus, l’avantage financier d’une rupture conventionnelle par rapport à un licenciement s’accroît pour les plus hauts salaires. Alors que les deux indemnités sont très comparables en bas de l’échelle des revenus, l’écart peut atteindre 50 % à 60 % pour les rémunérations supérieures à 2 500 euros. Toutefois, 95 % des salariés ayant conclu une rupture conventionnelle dans l’année suivant leur arrivée ont perçu une indemnité d’au moins 0,2 mois de salaire, sans que cela soit légalement obligatoire.
Des risques de détournements
Pour certains analystes, le succès des ruptures conventionnelles reste suspect : comment s’assurer du libre consentement du salarié ? Certains ne sont-ils pas fortement incités à conclure une rupture conventionnelle pour éviter à leur employeur de passer par un licenciement, plus complexe et risqué ? Dès 2010, une note du Centre d’analyse stratégique, rattaché à Matignon, s’inquiétait de «nouveaux comportements frauduleux», «suffisamment cités par l’échantillon de services interrogés pour illustrer certains risques». En juillet 2012, sur la base d’une étude de cas, le Centre d’études sur l’emploi (CEE), rattaché au ministère du Travail, estimait qu'«à peine un quart des cas» de l’échantillon correspondait à une «mobilité vraiment choisie» par les salariés.
Ces soupçons pourront être entretenus par plusieurs données de l’étude Dares. Comme le fait que le taux de ruptures conventionnelles parmi les fins de CDI soit au plus haut chez les 58-60 ans (26 %). Des mises en retraite anticipées ? Selon l'étude elle-même, «il est vraisemblable qu'un certain nombre de ces salariés ne parviendront pas à trouver un nouvel emploi avant la liquidation de leur pension de retraite, mais pourront (...) être indemnisés par l'assurance-chômage jusqu'à cette liquidation». Reste que, chez les 55-60 ans, l'ampleur du surcroît de licenciements et de ruptures conventionnelles est d'ampleur comparable en 2007 – avant la création de ces dernières – et 2012 (voir le graphique ci-dessous).
Selon Bernard Gomel, chercheur au CEE, «il est possible que les ruptures conventionnelles aient remplacé de faux licenciements que les employeurs accordaient à leurs salariés seniors désireux de se retirer, pour qu’ils aient des droits au chômage courant jusqu’à l’âge de départ à la retraite». Reste à voir si le succès des ruptures conventionnelles se confirmera en 2013 : depuis le début de l'année, une partie des indemnités de départ du salarié est soumise à un forfait social rendant le dispositif moins avantageux financièrement.

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