Croissance: la CFDT signe avec le Medef puis avec… la CGT
un article de Michel Noblecourt dans “Le Monde”... très intéréssant !
Un coup avec le Medef, un coup avec la CGT, dans les deux cas la CFDT met en avant la nécessité d'une croissance durable. Mardi 28 mai, la CFDT a signé avec le Medef, la CGPME et l'UPA côté patronal, et la CFTC et la CFE-CGC, côté syndical, - soit les mêmes signataires qu'un précédent texte, en juin 2011, sur une "approche de la compétitivité française"- un livre de 165 pages dont le titre indique la finalité: "réinventer la croissance". Laurence Parisot et Laurent Berger ont célébré, mardi, ce nouveau "cap" du dialogue social, la présidente du Medef rappelant, en pleine campagne pour sa succession, que ce dernier a des adversaires tant chez les syndicats que dans le patronat... Mercredi 29 mai, la CFDT a signé avec la CGT, la CFTC et l'UNSA, une déclaration commune, en vue du conseil européen des 27 et 28 juin qui leur vaudra d'être reçues, avec en plus FO, le 19 juin par François Hollande. Les quatre syndicats se prononcent "en faveur d'une politique d'investissements favorisant une croissance et des emplois durables".
Au terme de leur diagnostic économique partagé, le patronat et les trois syndicats réformistes ont voulu "établir des priorités consensuelles", jugeant que le modèle des "Trente glorieuses est révolu" et que "la croissance est donc une condition essentielle pour contribuer à restaurer l'équilibre des comptes publics et pérenniser notre système de protection sociale". "Inventer un nouveau contrat social est nécessaire", affirment-ils en dessinant "un nouveau paradigme de croissance". Celui-ci devrait répondre à quatre nécessités: "promouvoir un développement durable" - conjuguant notamment "compétitivité des entreprises et solidarité" -; rendre "compatibles" les logiques de développement des entreprises et des territoires "de plus en plus antinomiques"; "développer largement une offre combinées biens-services" ; "renforcer considérablement les logiques de coopération et de mutualisation entre PME et grands groupes".
Le patronat et les syndicats réformistes adoubent l'idée d'une "véritable gouvernance économique européenne, à l'intérieur de la zone euro" et veulent "franchir le pas d'une convergence sociale, qui repose d'abord sur le dialogue des partenaires sociaux et qui traite en priorité les questions touchant l'ensemble des salariés et les citoyens européens : emploi, formation, marché du travail". Ils identifient sept domaines où il y a "des gisements de croissance à valoriser": les nouvelles technologies; l'économie verte; l'énergie; la mobilité (transports) ; les activités liées au patrimoine et aux savoir-faire français; les besoins nouveaux liés à l'allongement de la vie; la demande de solutions de santé. Au passage, ils estiment que "toute décision de fermeture de centrale" nucléaire doit être précédée par "une réflexion et une concertation approfondies" et que les réflexions en cours sur la politique énergétique "ne sauraient exclure le gaz de schiste".
L'aspect le plus novateur du livre concerne le plaidoyer pour "une nouvelle gouvernance économique". "La réussite d'une stratégie de croissance, soulignent-ils, implique non seulement une action très volontariste des responsables économiques, sociaux et politiques, mais aussi une adhésion la plus large possible de l'ensemble des citoyens". Cet Etat stratège devra "favoriser des modes plus participatifs d'élaboration des politiques publiques". Il s'agira surtout d'"instituer une véritable dialogue économique entre tous les acteurs, entre tous les partenaires sociaux d'abord, entre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics ensuite mais aussi entre les partenaires économiques eux-mêmes".
La déclaration commune entre les quatre syndicats membres de la Confédération européenne des syndicats (CES) s'inscrit dans un registre plus classique. Si elle affirme que "les politiques d'austérité font la démonstration de leur inefficacité" et que "l'Europe doit changer de cap", elle reconnaît que "les politiques économiques coordonnées et l'objectif d'assainissement des finances publiques sont nécessaires". Mais elle prévient qu'il est "urgent de mettre fin à des coupes injustes dans les dépenses publiques qui contribuent à augmenter le chômage, les inégalités, la pauvreté, dégradent les services publics et aggravent la récession". La déclaration évoque aussi un "contrat social" pour l'Europe et souligne - même si la CGT et la CFDT n'en ont sans doute pas la même conception - que "le dialogue social doit permettre d'apporter des solutions justes aux problèmes auxquels sont confrontés les salariés". En défendant la croissance durable avec le Medef le mardi et avec la CGT le mercredi, la CFDT s'est livrée à un exercice assez acrobatique. Mais elle a réussi, en apparence, d'un texte à l'autre, à ne pas se mettre en contradiction avec elle-même.
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