"Taper sur les journalistes fait partie de la partition de Mélenchon"
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La journaliste Nathalie Saint-Cricq a interviewé Jean-Luc Mélenchon jeudi soir lors de l'émission "Des paroles et des actes". Elle revient sur cet échange drôle et tendu à la fois.
Mots-clés : Des Paroles et Des Actes
Votre échange avec Jean-Luc Mélenchon a alterné entre tension et traits d’humour. Quel en a été votre ressenti ?
- Je n'ai pas du tout été surprise par ses propos. Je connais Jean-Luc Mélenchon depuis au moins vingt ans. Je savais pertinemment qu’il réagirait comme ça. Taper sur les journalistes fait partie de sa partition. Mais avant et après l'émission, il se montre tout à fait charmant. On a d'ailleurs bien vu que l’extrait du documentaire de Canal+ sur les coulisses de France Inter dans lequel il détaille sa stratégie vis-à-vis des médias ne lui a pas plu. C'est sa mise en scène.
Comment vous êtes-vous préparée ?
- J’ai regardé toutes les dernières émissions auxquelles il a participé. J’ai vu son vocabulaire évoluer. Il avait parlé de "purification éthique" et décrit le ministre Pierre Moscovici comme un "salopard". Il a un peu rétropédalé. Il a dû sentir qu’il était allé un peu loin. Tout ça donne peut-être l'impression d'une pièce de théâtre. Mais cela relève en fait plutôt de la psychologie. Mélenchon est un homme politique très particulier. C’est un cas. Il se met en colère. Il a du répondant. Il faut bien sûr veiller à ce que ça ne tourne pas au combat de catch. Mais interviewer Mélenchon est quelque chose de très stimulant. Ce qui m’a énervé, c’est son numéro "ah ma pauvre chérie, gnagnagna. Vous dites que je suis violent", et, comme il est très malin, il choisit après de s'attarder davantage sur l'expression "coup de balai" que sur celle de "salopard".
Durant la campagne présidentielle, vous aviez mené le même type d'entretien avec Jean-Luc Mélenchon. Etant donné qu'il abuse des petites phrases, ne craignez-vous pas que le format de votre entretien finisse par tourner en rond ?
- En janvier 2012, beaucoup de gens ne le connaissaient pas. On s’était donc concentré sur sa vie, son origine, ses rapports avec les journalistes aussi. C’était davantage un portrait. Là, je me suis plutôt focalisé sur l’année écoulée et ses dernières sorties. Après, il fait des réponses très longues. J’avais prévu d’évoquer Marine Le Pen, ses relations avec Hollande. Mais je n'ai pas eu le temps. C’est vrai qu’au bout d’un moment, ça peut tourner en rond. L’émission s’use plus vite qu’avant. Nous allons y être attentif.
Jean-Luc Mélenchon a une stratégie particulière vis-à-vis des médias, entre coup de sang et victimisation ? Pensez-vous qu'elle est efficace ?
- C’est difficile à dire. Mais personne n’est dupe. Ses sorties virent peut-être eu peu trop au show. Mais il a un vrai tempérament, il ne laisse pas indifférent. Et c'est plutôt agréable. Avec lui, c’est une histoire de tension. Il nous pousse à être vifs. Je préfère ça à la langue de bois derrière laquelle beaucoup d’hommes politiques se cachent. Il a sa langue de bois, mais elle n’a pas l’air d’en être une. Jeudi, nous avons réalisé la meilleure audience depuis la campagne présidentielle. L'émission a très bien marché. Près de 3 millions de personnes l'ont regardé. Mais ça ne veut pas dire qu'ils adhèrent à ses idées.
Propos recueillis par Rémy Dodet - Le Nouvel Observateur
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