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vendredi 26 avril 2013

"François Hollande est, de fait, en train de perdre la main"


"François Hollande est, de fait, en train de perdre la main"

LE MONDE  • Mis à jour le 
Propos recueillis par 

Pour Gérard Grunberg, directeur de recherche du CNRS à Sciences Po, les divisions au sein de la majorité pourraient déboucher sur
 "une crise politique grave".
Que pensez-vous de la position de M. Bartolone, qui plaide pour une "confrontation"avec l'Allemagne ?
Gérard Grunberg : Comme on pouvait s'y attendre, les socialistes se positionnent en dépit de la réalité ! Le but de M. Bartolone est d'en revenir, en France et en Europe, au clivage gauche-droite, et de plaider pour des réformes qui permettraient de ressouder la gauche jusqu'aux communistes. Mais cela impliquerait d'abandonner une grande partie du programme défendu par M. Hollande, fondé sur la politique de l'offre. Avec, en plus, une contradiction gigantesque : se réconcilier avec les entrepreneurs ! Une fois de plus, les socialistes refusent de choisir entre les lignes politiques.
M. Bartolone ne dit-il pas tout haut ce que les responsables de l'exécutif ne peuvent pas dire ?
Mais quand il plaide la confrontation avec l'Allemagne, cela n'a aucun sens ! C'est grave. On ne peut à la fois vouloir se rapprocher de l'Espagne, de l'Italie, du Portugal et de la Grèce, des pays gérés par la droite ou par une coalition, et expliquer qu'on va faire un front de gauche contre les droites ! Tous ces pays, y compris la France, ont signé le pacte de stabilité, aboutissant à un pouvoir de contrôle des institutions européennes. Si M. Bartolone pense qu'on peut régler les problèmes européens en faisant un front gauche-droite, il se trompe.
Comment interprétez-vous cette pression de la majorité, bien au-delà de l'aile gauche du PS, sur François Hollande ?
Par la panique. Le réflexe habituel dans ces cas-là, c'est de ressouder la gauche. Mais compte tenu de ce qu'est Jean-Luc Mélenchon, se fixer comme objectif de ressouder la gauche me paraît stupéfiant. Les auteurs de cette initiative peuvent bien plaider qu'ils aident M. Hollande à installer un rapport de force avec l'Allemagne, il est douteux que cette manoeuvre soit payante : elle installe le trouble sur la politique menée.
Le chef de l'Etat n'est-il pas en train de perdre la main sur sa majorité ?
N'ayant ni la volonté ni l'autorité pour imposer sa politique au parti et à la majorité, il est, de fait, en train de perdre la main. Il y a dans le parti et au groupe une volonté de contourner l'autorité du premier secrétaire, Harlem Désir, pour prendre la direction du parti. C'est une véritable offensive. Cela me paraît grave car les socialistes peuvent contraindre Hollande à un immobilisme absolu en matière de réformes.
Pourra-t-il résister ?
Il a probablement le dessein de rester fidèle à sa ligne. Il a pour lui les institutions de la Ve République. Mais vu la situation, on peut arriver à une crise politique grave. Il est affaibli. Et pour des raisons de popularité, de tempérament et désormais d'assise politique, je le vois difficilement renverser la table et imposer clairement sa ligne à son parti.
Quelle correspondance historique peut-on trouver dans l'histoire de la gauche au pouvoir ?
La période 1982-1983. L'époque où les partis de gouvernement voulaient sortir du système monétaire européen et où l'on parlait, déjà, d'Europe germano américaine ! L'idée dominante, c'était qu'on réglerait mieux nos problèmes tout seuls... Il a fallu un an pour que Mitterrand y mette fin avec le tournant de la rigueur. Mais lui avait de l'autorité sur le parti.

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