MONDE - le 2 Avril 2013
Forum social mondial: "En Tunisie, l’ébullition sociale est permanente"
Lors du Forum Social Mondial, à Tunis, Annick Coupé, de Solidaires, a livré à l'Humanité.fr son regard sur la situation en Tunisie et les débats qui traversé le forum, notamment la question de la dette.
Ce FSM se déroule en Tunisie, deux ans après la révolution. Est-ce un message d’espoir ?
Annick Coupé. Je le crois. La motivation de beaucoup de participants qui viennent d’Europe était notamment d’aller se ressourcer auprès de tous ces mouvements sociaux, ces jeunes, ces organisations qui se sont battus pour faire tomber la dictature et ont fait la révolution. C’est un message de solidarité dans les deux sens : aller soutenir ceux qui se battent, et continuent de le faire, et ont voulu que ce forum ait lieu ici, et aussi de solidarité envers les mouvements sociaux du monde entier, notamment européen.
Les Européens ont-ils à apprendre de la lutte qu’ont menée les Tunisiens ?
Annick Coupé. En Tunisie, il y a une forme de « révolution permanente », même si le mot est connoté. De fait, il existe des mouvements sociaux permanents, quasiment tous les jours, qui concernent la démocratie mais aussi aux questions sociales – le chômage est très fort ici, les salaires sont bas... Il y a eu le changement politique, la chute de Ben Ali : c’était les conditions nécessaires pour que s’ouvre une nouvelle période pour la Tunisie mais chacun et chacune savait que ça ne suffirait pas. Dans les débats, notamment au FSM, nous avons bien vu qu’il s’agissait aussi des questions économiques, sociales, de l’avenir économique du pays, et donc des relations avec les autres pays, notamment la France et l’Union Européenne. Tout cela continue à se vivre au quotidien. Ce ne sera pas réglé en quelques mois. L’ébullition sociale est permanente. Je ne sais pas si nous avons à apprendre des choses mais en tout cas, dans des situations qui étaient aussi difficiles – et le mot est insuffisant – que sous le régime de Ben Ali, les luttes sociales, celles pour exiger la démocratie ont eu lieu ; et toutes les résistances difficiles et dures sous Ben Ali nourrissent ce qui se passe aujourd’hui. Se greffe la question des générations : de nombreux jeunes n’étaient pas dans les syndicats, mais ils ont largement participé. Ces questions se posent aussi dans les pays européens où il y a les mouvements sociaux, le syndicalisme qui a une grande légitimé, d’autres structures qui sont à côté ou en articulation. Je crois que, de ce point de vue, ce qui se passe ici a à voir avec ce qui se passe en Europe.
Une question traverse les débats : celle de la dette tunisienne. Un moratoire est-il nécessaire et le gouvernement français doit-il pousser dans ce sens ?
Annick Coupé. Ça me semble évident. D’abord, cette question de ladette, que l’on connaît comme chantage permanent en France et en Europe, produit des dégâts avec les politiques d’austérité. En fait, les Tunisiens nous rappellent que cette question de la dette s’est d’abord posée dans les pays du Sud. Ils ont donc une expérience en la matière. Mais la question première est bien celle d’un moratoire : comment envisager un autre avenir économique et social fait de justice et de droits sociaux en Tunisie comme dans les autres pays de la région sans moratoire sur la dette et sans remettre en cause cette dette, surtout quand on sait que cette dette a servi à remplir les poches de Ben Ali et de son entourage. Elle est donc illégitime. Le gouvernement français, compte tenu de l’histoire de la France et de ses liens économiques avec la Tunisie, a une responsabilité à agir pour ce moratoire.
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