Un article publié dans le journal le MONDE du 3/01/2013
2013, année charnière pour le syndicalisme Français
Analyse
Michel
Noblecourt
Editorialiste
Sur
fond de climat social déprimé, où l’inquiétude prend le pas sur la combativité,
l’année
2013 va changer, peut-être profondément , le paysage syndical français, avec
relèves et déclassements en perspective.
Aux changements de dirigeants dans les principales centrales
syndicales va s’ajouter, à l’été 2013, une nouvelle liste des confédérations
représentatives au niveau national interprofessionnel.
Sauf
coup de théâtre, Thierry Lepaon devrait succéder à Bernard Thibault comme secrétaire
général de la CGT, le 22mars, à l’issue du congrès de Toulouse.
A
la tête de la CFDT, François Chérèque a laissé la place, le 28novembre 2012, à
Laurent Berger.
A
la CFE-CGC ,Carole Couvert va disputer la présidence à Bernard Van Craeynest au
congrès de Saint-Malo en avril.
La CFTC s’est dotée, en novembre2011, avec
Philippe Louis, d’un nouveau président.
A
FO, Jean-Claude Mailly a renvoyé la question de sa succession en 2015 ,en reportant
d’un an son congrès.
Enfin, Laurence Parisot achève son mandat à la présidence du Medef le
1er juillet.
A
la CFDT ,la transition s’est faite en douceur. M.Berger,qui a choisi comme numéro deux
Véronique Descacq, est sur la même ligne réformiste que M.Chérèque.
Mais
il a commencé à imprimer sa marque en envoyant des signaux. Il a averti le Medef
que,dans la négociation sur la sécurisation de l’emploi, qui devrait s’achever les
10 et 11 janvier, la signature de la CFDT n’aurait rien d’automatique, en
faisant de l’adoption de mesures contre la précarité un préalable .Dans CFDT-Magazine de janvier, M.Berger souligne
que sa centrale «doit s’interroger sur
la société et le monde du travail qu’elle souhaite construire demain» et
«instaurer un nouveau pacte social». A l’égard du gouvernement socialiste dont il est
le partenaire syndical privilégié, il prévient qu’il refusera toute « instrumentalisation »: « Notre rôle est d’être au coeur de la mêlée sociale et non dans la mêlée politique.»
A
la CGT, c’est au terme d’une guerre de succession
de neuf mois que M.Lepaon a été
choisi, le 6 novembre 2012 , par le comité confédéral national, pour être le
seul prétendant
à la succession de M.Thibault en mars . Depuis1999, le secrétaire général sortant a
poursuivi la mutation réformiste de la CGT, avec l’objectif, tenu partiellement, de renforcer son implantation
dans le secteur privé. Il a coupé les derniers liens avec le Parti communiste,
réhabilité la pratique de la négociation et même du compromis, résisté au
jusqu’au-boutisme dans le conflit sur les retraites en 2010. Mais ce bilan
positif a été entaché par l’échec du processus de sa succession,qu’il voulait
transparent et démocratique. Aux changements de dirigeants va s’ajouter, à l’été,une
nouvelle liste des confédérations représentatives M.Thibault n’a pas réussi à imposer
une femme–Nadine Prigent –, et il s’est opposé au favori de l’appareil, Eric
Aubin, qui, venu du privé, offrait l’avantage d’incarner de manière très
ouverte–notamment dans ses rapports avec la CFDT – la ligne moderniste. Résultat: M.Thibault est perdant-perdant. Mis
en minorité par deux fois dans ses instances, il a dû se résigner au choix par
défaut de M.Lepaon, lequel prévenait, le 31mai,à propos de cette «crise
de direction » : « Je pense que nous enclenchons une
politique du pire.»
Obligé de
cohabiter jusqu’en mars avec un successeur qu’il n’a pas choisi, .Thibault est en
train de l’enfermer dans une ligne dure, comme si la radicalité était le seul
moyen de refaire l’unité de la CGT. Le 28 décembre 2012, il a redit que son
syndicat serait «très
mobilisé pour empêcher tout accord générant plus de flexibilité dans le marché
du travail», comme si les autres étaient déjà résignés à ratifier un accroissement
de la précarité… Il impose à M. Lepaon, ancien salarié de Moulinex, chef de
file de la CGT au Conseil économique, social et environnemental, réputé pragmatique
et ouvert au dialogue, un rôle à contre-emploi. La CGT risque surtout d’être en
porte-à-faux vis-à-vis des salariés qui, selon un sondage Harris Interactive pour Le
Peuple, l’organe officiel de la CGT, attendent d’elle à 48%plus de
réalisme
dans les
négociations, à 43%, plus d’«écoute des travailleurs», à 39%, «de
nouvelles solutions à la crise économique» et seulement à 27% qu’elle
soit «plus combative»…
Depuis la réforme
de la représentativité introduite par la loi du 20 août 2008, la CFE-CGC
est en proie à de sérieux déchirements. La centrale des cadres a pourtant conservé
son privilège de «confédération catégorielle
interprofessionnelle», ce qui lui
garantit en 2013 sa représentativité nationale,en obtenant 8% des voix auprès du seul
personnel d’encadrement. Dans un premier temps,M.Van Craeynest avait envisagé de
faire de la CFE-CGC une centrale généraliste ouverte à tous les salariés, quitte
à la marier avec l’UNSA. Ces velléités ont fait long feu. La CFE-CGC restera catégorielle
mais la guerre est ouverte entre son président
et sa secrétaire générale, Carole Couvert, 39ans, qui, soutenue par plusieurs fédérations,
et sur fond d’imbroglio financier, brigue sa place.
Dans la
bataille de la représentativité qui se jouera en 2013, la CGT fait grand cas de sa «victoire»
aux élections dans les très petites entreprises, où elle a emporté 29,54% des
voix, ce qui est surtout dû au fait que les 4,6millions de salariés de ces TPE
n’évoquent que la CGT quand ils citent un syndicat. Même si la CFTC (6,53%)
s’en sort mal et l’UNSA (7,35 %) bien, un scrutin où seuls 10,38%des électeurs
votent ne
peut en aucun cas augurer du verdict qui
sera rendu , pour quatre ans, à l’été 2013..
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