La
CGT sermonne le chef de l’Etat et l’appelle à changer de cap
«Le Monde» dévoile la lettre ouverte adressée à M.Hollande
par Thierry Lepaon
Il
n’est pas trop tard pour changer de cap. Tel est le sens de la démarche solennelle
et inédite qu’entreprend Thierry Lepaon en adressant, vendredi 26 avril, une lettre
ouverte à François Hollande. «Ce n’est pas une
démarche hostile,pas du tout, a précisé au Monde le secrétaire général de la CGT
qui, depuis son élection le 22 mars, a rendu une visite de courtoisie au chef
de l’Etat. C’est une démarche de responsabilité.»
«Il y a maintenant un an, écrit M. Lepaon, les Françaises et les Français vous élisaient président de la
République. Ils affirmaient ainsi le besoin d’une rupture avec la politique économique et sociale menée précédemment. De ce
besoin, vous en avez fait votre slogan: “Le changement
,c’est maintenant” . La CGT s’était clairement exprimée pour un changement de majorité dans l’intérêt des
salariés. Or, nous sommes contraints de constater l’écart grandissant entre vos
engagements et les actes. Le décalage est immense entre les attentes des
salariés et les réponses
politiques apportées. Pour les salariés, rien n’a changé
positivement dans leur vie au travail et dans leurs conditions sociales.»
«Ma crainte,
c’est que le FN mobilise plus que les syndicats de salariés le 1er-Mai»
Thierry
Lepaon secrétaire général de la CGT
M.
Lepaon rappelle que lors de la conférence sociale de juillet 2012, M.Hollande
avait présenté une feuille de route.«Une feuille de route ,en
particulier en matière sociale,ne peut pas être continuellement remise en cause
ou déchirée pendant le parcours», souligne le dirigeant de la
CGT. Il demande que la prochaine conférence sociale, les 20 et 21 juin, porte
sur «l’augmentation des salaires et du pouvoir d’achat,l’emploi,la
politique industrielle,les services publics, une protection sociale de haut
niveau, les droits à la retraite ». Dans son texte, M. Lepaon revient
sur la transcription dans la loi de ’accord sur l’emploi qui «divise les Français, les salariés, les organisations syndicales
et les parlementaires, y compris ceux de la majorité .Comment dans ces conditions
le texte de l’accord du 11 janvier pourrait-il devenir loi de la République?» Critiquant
le refus de l’amnistie syndicale, M .Lepaon s’insurge: «Derrière
la loi d’amnistie se joue aussi la condamnation de la politique de votre
prédécesseur dont la brutalité a contraint nombre de salariés à se mobiliser et
à agir. Beaucoup ont voté pour vous et vous les rejetez. La poursuite de cette attitude
serait incompréhensible.»
A la fin
de cette lettre qui relève plus de l’avertissement que de la déclaration de
guerre, M. Lepaon martèle:«La rupture avec les politiques d’austérité
et de rigueur budgétaire doit être à l’ordre du jour en France et en Europe.»
«On pense que la situation est grave et qu’il faut que le président se
ressaisisse, explique au Monde M .Lepaon.
Je pense que s’il a bien conscience de cette situation,
il doit prendre les décisions
qui visent à faire en sorte que le cap soit changé. Il n’est pas trop tard pour
bien faire. Le président est au pied du mur:ou c’est un changement de cap ou il
renonce à la feuille de route, celle du changement».Avec la
loi sur l’emploi, dit ’ il, «une
partie de la France va s’opposer à une autre partie de la France.
Le
rôle du président de la République, c’est de rassembler. C’est sa mission
première. On ne sort pas d’une crise avec un pays divisé». Fustigeant
«l’absence de stratégie industrielle» et
réclamant un débat national pour savoir si «le travail est
un coût ou une richesse», M. Lepaon souligne que «le
problème n’est pas de dire au président “vous êtes comme le précédent”. Mais il
est trop sensible aux arguments du
Medef».
Sur le
refus de l’amnistie, il évoque «une faute politique»–«on
ne crache pas sur ceux qui vous ont fait élire » – et
affirme : «On est plus doux avec les opposants au
mariage
pour tous qu’avec les syndicalistes ouvriers, la seule catégorie qui est
toujours ciblée.»
M.Lepaon
espère retisser des liens avec la CFDT.«Notre syndicalisme n’a pas d’avenir
si on n’avance pas de manière unitaire.» L’image du syndicalisme français,qui va défiler
de façon divisée le 1er-Mai,«est triste à mourir».«Ma crainte,ajoute-t-il,
c’est que le Front national mobilise plus que les syndicats de salariés le 1er-Mai
et ça, c’est terrible».
La CGT et
la CFDT manifesteront, dans la semaine du 7 au 14 juin, avec les yndicats
européens sur le slogan «changer de cap contre les
politiques d’austérité», et M.Lepaon se montre optimiste sur la présentation
à la conférence sociale d’un «tronc commun de propositions» avec la
CFDT.
M.Lepaon
confirme son refus de manifester avec le Front de gauche le 5mai:
«C’est
un homme politique respectable qui a appelé à une manifestation politique. Dans
ses repères revendicatifs, la CGT ne propose pas une Vie République. Et ce
n’est pas une confédération qu’on siffle et qui vient.» M.Hollande
n’est pas le seul visé par le sermon du dirigeant cégétiste.
Michel
Noblecourt
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire