Cahuzac, la triple déflagration
Mardi 2 Avril 2013 à 22:24
JOSEPH MACÉ-SCARON
Même attendu, même guetté, même redouté, même espéré, l’aveu de l’ancien ministre du Budget a provoqué un choc. Un de ses chocs telluriques dont on ne peut juger les conséquences que plusieurs mois, voire plusieurs années après la secousse provoquée.
La chute de Cahuzac est bien davantage que la chute de Cahuzac et chacun comprend bien, aujourd’hui, qu’aucun élément de langage, aucune contorsion sémantique, aucune habileté de congrès, aucune stratégie de crise ne parviendront à effacer cette annonce qui va demeurer comme une lettre écarlate sur le début du quinquennat de François Hollande. Cela est sans doute injuste, mais l’arbitraire n’est pas que le privilège des princes, elle est aussi le hochet de l’opinion publique.
Reprenons : la première déflagration est, sans conteste, la débâcle totale, absolue, brutale de la parole politique. On sait depuis longtemps que les politiques, tout comme les journalistes, mais avec des conséquences bien plus importantes, ont un discours démonétisé. Et ce, parce qu’ils sont à des années-lumière de la vie quotidienne des Français, parce qu’ils sont jugés impuissants à juguler la grande crise qui frappe nos sociétés industrielles depuis 2008, parce qu’ils ne mettent pas en accord leurs paroles et leurs actes et parce qu’ils paraissent incapables de tracer un chemin, de proposer des solutions qui ne soient pas des rustines techniques sorties d’une boîte à outils idéologique.
Or l’affaire Cahuzac porte à un point d’incandescence jamais égalé jusqu’à présent tous ces éléments. Celui qui fut ministre du Budget fut l’homme qui porta une des politiques d’austérité les plus drastiques de ces dernières années sans daigner se l’appliquer à lui-même. Celui qui prôna la rigueur fut celui qui l’appliqua le moins dans ses comptes propres. Celui qui parlait haut et fort à l’Assemblée nationale et assurait, droit dans ses bottes, qu’il était le champion de la vérité était celui qui cachait le mensonge le plus grossier. Celui qui enterra la révolution fiscale de Hollande d’un mot, fut celui qui, jadis, cajolait son évasion fiscale.
Et c’est là la deuxième déflagration après l’aveu de Cahuzac. Comment François Hollande et son premier ministre, Jean-Marc Ayrault, ont-ils pu prendre le risque de s’en remettre, pieds et poings liés, à un seul homme qui, en quelques mois, était devenu l’arbitre des élégances économiques ? Le président de la République que l’on décrit si habile a fait un pari insensé en faisant de Cahuzac le héraut de ce social libéralisme naissant. C’est bien lui qui affronta Jean-Luc Mélenchon dans un singulier combat à défaut d’être un combat singulier et traita le leader du Parti de gauche de « clown » et d’« homme seul ». Des attaques qui résonnent cruellement aujourd’hui.
Car il faut bien se rendre à l’évidence : ce n’est pas Cahuzac qui a seulement fait Cahuzac. C’est la faiblesse et l’indétermination de ceux qui l’entouraient, la pusillanimité des choix de ceux qui étaient censés le cadrer, le contrôler. Embarqué dans une stratégie de crise qui le pressait dans sa riposte à Mediapart d’aller toujours plus haut et plus fort, encouragé par des communicants qui, pour la seconde fois après l’affaire Strauss-Kahn, prouvent ici leurs limites, Cahuzac n’a rencontré en face de lui aucun obstacle ou même aucune personne pour tenter de le raisonner. Et c’est vrai que l’homme s’est trouvé, comme il le dit, lui-même prisonnier de son propre piège.
Car la troisième déflagration pour les humanistes que nous voulons être à Marianne n’est pas anecdotique : elle touche une personne. Dès la connaissance de cet aveu, Edwy Plenel a eu cette phrase juste : « Je me méfie des médias qui après avoir critiqué Mediapart chercheraient à piétiner Cahuzac »....
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