Amnistie sociale : la gauche de la gauche, seule contre tous
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Par Louis Morice
Alors que la Commission des lois de l'Assemblée vient de rejeter le texte, le PCF et le Front de gauche attendent la niche parlementaire du 16 mai pour relancer le débat.
Mots-clés : mouvements sociaux, amnistie sociale, Olivier Dartigolles
Que vont devenir les délits commis lors des mouvements sociaux ? Après le rejet du texte mercredi 24 avril par l'Assemblée nationale, le Front de gauche et le PCF comptent bien profiter de la "niche parlementaire" du 16 juin pour revenir sur le sujet. Pas gagné. Jusqu'ici, la ministre de la Justice, Christiane Taubira, avait laissé la porte ouverte, estimant qu'il s'agissait avec ce texte "de faire œuvre de justice". Mais le vent a tourné au sein du gouvernement. Par la voix du ministre des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, il s'est déclaré mercredi 24 avril défavorable à l'amnistie : "La position du gouvernement dans ce débat sera non, nous ne sommes pas favorables à cette amnistie, ni à aucune autre".
"Le gouvernement trahit aujourd'hui les engagements de sa ministre de la Justice. Il est en plein rétropédalage après les mouvements de la 'Manif pour tous'", estime Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF. "Il ne respecte pas le parlement, y compris le groupe socialiste au Sénat, qui a voté ce texte."
Que dit la proposition de loi
La proposition de loi présentée par les communistes prévoit de blanchir les délits passibles de cinq ans d'emprisonnement commis lors des mouvements sociaux entre le 1er janvier 2007 et le 1er février 2013. Il a été adopté – de justesse - au Sénat, par 174 voix contre 171, le 27 février dernier. D'où vient cette nouvelle "amnistie sociale" ? Selon Olivier Dartigolles, elle est destinée à combler le vide provoqué par l'abandon de "la tradition républicaine" de l'amnistie présidentielle, par Nicolas Sarkozy en 2007.
La proposition de loi a été portée avec force par Jean-Luc Mélenchon, qui semble y avoir vu l'occasion de revenir sur le devant de la scène. Le coprésident Parti de gauche a tout fait pour forcer la main du chef de l'Etat, parlant de "lui tordre le bras". Il n'a pas hésité à déclarer : "Ceux qui ne votent pas la loi ne sont pas de gauche mais des suppôts du Comité des forges, du Medef et du CAC 40". Le refus annoncé ce mercredi par Alain Vidalies est reçu par le Parti de gauche et le PC comme "un coup de poignard" du gouvernement.
"Droit de casser" contre "salariés en lutte"
A droite, l'UMP n'a pas tardé à s'emparer à son tour du sujet. Dès le 1er mars, Xavier Bertrand se disait "profondément choqué". L'ancien ministre du Travail accusant le gouvernement de "faire plaisir à l'extrême gauche" en accordant un "droit de casser dans les entreprises."
Le "droit de casser" ? Ce n'est évidemment pas l'avis du Parti communiste. Olivier Dartigolles s'insurge : "Les personnes concernées ne sont pas des casseurs, ce sont des salariés en lutte. Ce sont, par exemple, des syndicalistes condamnés pour non présentation pour un prélèvement d'ADN. Il n'y a pas d'acte gravissime", explique-t-il.
Exemple ? Le PCF évoque celui de Sébastien Migliore, militant CGT, récemment condamné à deux mois de prison avec sursis par la cour d'appel de Nîmes pour avoir jeté un œuf sur des policiers au cours d'une manifestation contre la réforme des retraites en 2010. "On a le sentiment que le gouvernement plie face à la pression exercée par la droite et le Medef", estime Olivier Dartigolles.
"Même pas 200 personnes concernées"
Au Parti socialiste, le texte n'a jamais fait l'unanimité. Dès le vote au Sénat, le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, s'est dit "sceptique" : "Je reste sceptique sur le principe de l'amnistie", a-t-il expliqué sur RTL, contredisant alors Benoît Hamon qui saluait, lui, "un message de paix et de dialogue". Lors du vote au Sénat, des amendements PS avaient déjà sérieusement réduit le cadre du texte, qui proposait une amnistie beaucoup plus large, concernant notamment les infractions passibles de dix ans de prison.
Aujourd'hui, que reste-t-il dans la proposition de loi ? "Au final, le texte ne concernait même plus 200 personnes !", estime Olivier Dartigolles. L'Assemblée nationale a pourtant rejeté un à un ce mercredi tous les articles de la proposition de loi. Tous les espoirs se portent désormais sur la "niche parlementaire" du 16 mai : "Ce sera l'occasion de montrer qu'il ne s'agit pas de casseurs. Il faut réhabiliter ces femmes et ces hommes", veut croire le porte-parole du PCF.
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