Translate

jeudi 2 août 2018

Surchauffe ou hausse durable de la croissance : le diagnostic délicat de la Fed


1er août 2018

Surchauffe ou hausse durable de la croissance : le diagnostic délicat de la Fed

La banque centrale américaine ne devrait pas remonter ses taux directeurs dans l'immédiat

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
La Réserve fédérale américaine (Fed) ne devrait pas remonter ses taux d'intérêt, compris entre 1,75  % et 2  %, mercredi 1er  août, mais se poser une question décisive alors que l'économie américaine tourne à pleine vapeur. Avec une croissance de 4,1  % au deuxième trimestre, un chômage limité à 4  % et une hausse des prix hors énergie et alimentation pile à 2  %, soit l'objectif que s'est fixé la Fed, les Etats-Unis connaissent-ils une surchauffe et un risque inflationniste ?
Comme à son habitude, Jerome Powell, le président de la Fed, s'est montré très prudent mi-juillet. " Il est difficile de prévoir l'économie… Ce n'est pas factuel, comme l'eau qui bout à 100 degrés. L'économie ne bout pas à 4  % de chômage. " La Fed prévoit de remonter ses taux à deux reprises d'ici à la fin de l'année, notamment en septembre. Elle cherche à atteindre une politique monétaire -neutre, qui ne favorise ni ne freine la croissance. Cette perspective exaspère Donald Trump, qui a critiqué pour la première fois la banque centrale : " Je n'aime pas voir tout ce travail qu'on fait pour l'économie et ensuite voir les taux monter ", a-t-il déclaré le 20  juillet sur la chaîne CNBC.
Au-delà de la rupture avec la tradition qui veut que le président des Etats-Unis ne commente pas la politique monétaire, cette phrase pose une vraie question : la politique économique de la Maison Blanche permet-elle de remonter le potentiel de croissance des Etats-Unis, qui pourrait continuer sur sa lancée sans qu'il soit nécessaire de relever les taux ? " C'est le pari pris par -Donald Trump ", fait observer Thomas Julien, économiste à New York pour Natixis. L'augmen-tation du potentiel de croissance passe par la hausse de l'emploi et de la productivité.
Côté emploi, la progression du chômage en juin de 3,8  % à 4  % était un bon signal : elle s'explique par le retour d'une partie de la population sur le marché du travail. En parallèle, le taux de partici-pation à l'emploi est remonté de 62,7  % à 62,9  %, tandis que les salaires restent modérés, avec un rythme de croissance de 2,7  %. Il y aurait donc encore de la main-d'œuvre mobilisable, à supposer que la politique de M. Trump n'entrave pas trop l'immigration.
Sur la productivité, l'idée du- -président américain était de provoquer, avec sa réforme fiscale, le rapatriement des profits des -multinationales, et, avec sa guerre commerciale et ses mesures de dérégulation, un choc d'investissement qui augmente la productivité (en petite hausse de 1,3  % en  2017). Sur ce point, l'investissement des entreprises a été important, de 11,5  % au premier trimestre et de 7,3  % au second, mais il est largement dû au dynamisme du marché domestique pétrolier américain. Il n'y a donc pas de miracle en vue.
La crainte d'un emballementSi le scénario de la Maison Blanche ne se déroule pas comme prévu, l'avenir risque d'être douloureux. Selon le Congrès, réforme fiscale non financée oblige, le déficit budgétaire sera de 4,4  % du produit intérieur brut (PIB) en  2018 et 5,1  % en  2019. Une aberration après neuf  ans de croissance qui privera le Trésor de marge de manœuvre en cas de récession. C'est dans ce contexte que la Fed est soupçonnée de vouloir augmenter ses taux le plus possible – au lieu d'être " neutre ", M.  Powell pourrait être un " faucon " masqué – afin de -disposer de plus de latitude pour les baisser ensuite.
Une récession se prépare-t-elle ? Nul ne peut exclure que la guerre commerciale provoque un choc de défiance, mais cette crainte n'apparaît pas massivement dans les indices de confiance, alors que M. Trump a signé un armistice avec les Européens. Autre signal, la courbe des taux est quasiment plate. L'écart entre les taux à dix ans (3  %) et ceux à deux ans (2,67  %) est au plus bas depuis une décennie. Les taux courts plus élevés que les taux longs sont souvent le signe avant-coureur d'une récession (le présent est plus risqué que le long terme). Mais, selon Wall Street, il manquerait d'autres signaux récessifs, comme la remontée du chômage et la baisse des profits des entreprises. Face à ce casse-tête d'interprétation, M.  Powell, lui, sait qu'il n'a pas droit à l'erreur.
Arnaud Leparmentier
© Le Monde

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire