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dimanche 26 août 2018

Politiquement affaibli, Alexis Tsipras célèbre à Ithaque la fin des plans d'aide à la Grèce


23 août 2018

Politiquement affaibli, Alexis Tsipras célèbre à Ithaque la fin des plans d'aide à la Grèce

Le premier ministre est critiqué pour sa gestion des incendies qui ont fait 97 morts cet été à Mati

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L'Odyssée moderne que notre pays a traversée depuis 2010 a pris fin ", a déclaré mardi 21  août le premier ministre grec, Alexis Tsipras, devant la baie d'Ithaque, l'île d'Ulysse qui, après un tumultueux périple de dix ans, est arrivé à bon port. La veille, lundi, le troisième et dernier plan d'aide européen, signé en  2015 à la suite de négociations tendues entre Athènes et ses créanciers, a pris officiellement fin.
Le président du Conseil européen Donald Tusk, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron se réjouissaient la veille de cette sortie des programmes dont le montant total s'est élevé à 289  milliards d'euros depuis 2010. Alexis Tsipras, lui, n'est sorti de son silence que mardi avec une allocution télévisée de dix minutes. Le premier ministre a souligné qu'il s'agissait d'un " jour historique, celui de la fin des politiques d'austérité et de la récession ".
Mais l'heure n'était pas vraiment à la célébration. Les Grecs, après huit années de sacrifices, voient d'un mauvais œil les partenaires européens se féliciter de la fin des plans d'aide. " Ils veulent nous faire croire que la crise est finie, que nous devons nous réjouir d'avoir vu -notre pouvoir d'achat diminuer, d'avoir vu nos enfants s'exiler ! ", s'exclame exaspéré Kostas, kiosquier au centre d'Athènes. " La croissance, je ne la ressens pas au quotidien, je peine toujours autant à payer mes factures à la fin du mois ! ", ajoute le quinquagénaire dont les deux fils sont partis travailler au Royaume-Uni.
" La démocratie a été menacée "Dans un discours métaphorique où le navire " Grèce " a dû affronter de nombreux orages, Alexis Tsipras a constaté les effets néfastes de la rigueur imposée par les créanciers du pays : " En cinq ans, sont survenus des événements sans précédent : 25  % du PIB a été perdu, trois Grecs sur dix se sont retrouvés au chômage, des mesures d'austérité d'une hauteur de 65  milliards d'euros ont été prises (…) La démocratie a été menacée ", tout en assurant qu'une " nouvelle époque " s'ouvrait en Grèce.
Ce dernier point est difficile à croire pour la majorité des Grecs. " Le gouvernement voulait capitaliser sur la sortie des plans d'aide mais les citoyens grecs ne perçoivent pas la fin de la crise, ils continuent au quotidien à subir toutes les mesures d'austérité prises ces dernières années et ils ne sont plus dupes des promesses de la classe politique, estime Manos Papazoglou, professeur de sciences politiques à l'Université du Péloponnèse. Des allocations distribuées à certaines catégories ne résoudront pas les problèmes, toute la société a été touchée par la crise ! S'il n'y a pas un plan précis pour soutenir la relance et résoudre la question de la dette colossale du pays, la population n'aura aucun espoir d'un avenir serein. " La dette de la Grèce représente toujours 180  % de son produit intérieur brut.
Les incendies à Mati, qui ont fait au moins 97 morts mi-juillet, ont écorné un peu plus l'image du gouvernement de M. Tsipras, perçu comme incapable de gérer une situation d'urgence, et dont les administrations locales semblent désorganisées. " Finalement, les Grecs ont, malgré les réformes et les mesures d'austérité, toujours la sensation que l'Etat est inefficace et inexistant ", note Manos Papazoglou. D'après les sondages, plus de dix points d'écart séparent Syriza, le parti du premier ministre, et la Nouvelle Démocratie (droite), qui fait la course en tête.
A près d'un an des législatives, prévues à l'automne 2019 précédées par les européennes de mai, M. Tsipras a peu de temps pour convaincre les électeurs. Le ministre adjoint à la réforme administrative, Christos Vernardakis, a annoncé mardi que, dès septembre, des lois seront présentées au parlement pour la hausse du salaire minimum et le retour des conventions collectives. Mais l'essentiel du nouveau programme sera dévoilé à la Foire internationale de Thessalonique début septembre.
Selon le politologue Georges -Sefertzis, " Alexis Tsipras se retrouvera face à un nouveau dilemme : soit prendre des mesures sociales mais qui risquent de déplaire aux marchés internationaux, soit aller dans leur sens et démontrer ainsi que la fin des mémorandum n'est que symbolique ". " Ithaque n'est que le commencement ", a lancé mardi Alexis Tsipras.
Marina Rafenberg
© Le Monde



23 août 2018

Euro : l'amère odyssée de la Grèce

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Alexis Tsipras a choisi l'île d'Ithaque pour saluer, mardi 21 août, la " libération " de la Grèce du douloureux programme d'assistance financière dont elle dépendait depuis huit ans. Tel Ulysse regagnant son île après la guerre de Troie au terme d'une décennie de périples en mer, le premier ministre grec a tenté de donner une tonalité victorieuse à cette " odyssée des temps modernes "" Aujourd'hui, la Grèce reprend son destin en main ", a poursuivi M. Tsipras : " une nouvelle ère " s'est ouverte.
Le dirigeant grec a quelque raison de vouloir marquer cette étape. Elus en 2015 sur un programme de gauche radicale et la promesse de mettre fin à l'aide financière extérieure, Alexis Tsipras et son parti, Syriza, durent rapidement faire volte-face et accepter un troisième plan d'assistance draconien pour éviter la faillite du pays et sa sortie de l'euro. Après trois plans d'aide, 289 milliards d'euros de prêts, huit ans de tutelle de ses créanciers et d'austérité imposée, Athènes va de nouveau pouvoir se financer sur les marchés. Laminée par des années de récession, l'économie grecque se porte aujourd'hui un peu mieux. La croissance, avec laquelle elle a renoué en 2017, devrait frôler les 2  % cette année. Le chômage, qui culminait à 27  %, est repassé sous la barre des 20  %.
Loin d'Ithaque, les dirigeants de l'Union européenne se sont aussi, bien que plus prosaïquement, félicités de l'émancipation de la Grèce de son étroite tutelle financière. Pour la zone euro, qui n'avait jamais été confrontée à une crise d'une telle gravité et n'y était absolument pas préparée, le pire a été évité : la banqueroute et le chaos qui aurait suivi ont été épargnés à la Grèce et à ses créanciers, l'euro ne s'est pas effondré et les Grecs ont pu se maintenir au sein de l'UE, comme ils le souhaitaient. Jamais l'Europe n'avait engagé de telles sommes pour sauver l'économie d'un Etat membre. Le " Grexit " n'a pas eu lieu.
Pour autant, l'humeur n'est festive ni à Athènes ni à Bruxelles. Comment le pourrait-elle ? Le coût de l'opération pour les Grecs a été terrible. Rarement un pays se sera appauvri en si peu de temps. Le PIB a fondu de 25  %. Le chômage a poussé près d'un demi-million de personnes, pour la plupart jeunes, à l'émigration. Quelque 250 000 PME ont fait faillite. L'administration reste défaillante, le système de santé délabré. Pour les Grecs, l'argument selon lequel l'alternative aurait été pire est une maigre consolation.
Malgré la mise en œuvre des réformes, les problèmes qui sont à l'origine de la catastrophe financière grecque n'ont pas été résolus. La corruption reste un fléau, la dette disproportionnée. La question du modèle économique de la Grèce demeure posée. L'horizon politique n'est pas éclairci : si l'Europe salue le pragmatisme d'Alexis Tsipras, celui-ci sort fragilisé de la gestion calamiteuse des incendies autour d'Athènes, qui ont tué près de 100  personnes en juillet. Enfin, la fin de la tutelle est assez symbolique : la Grèce restera soumise à une " surveillance renforcée ".
Quant à l'UE, cette nouvelle étape grecque doit être pour elle l'occasion d'un -sérieux examen de conscience. La Grèce a fait les frais des failles d'une union monétaire incomplète. Les dirigeants européens n'ont pas tous la même lecture de cette tragique épreuve. Ils feraient bien, pourtant, d'en tirer les leçons une fois pour toutes, afin de ne pas être de nouveau surpris par la prochaine crise, au moment où l'Italie s'apprête à défier les règles budgétaires.
© Le Monde

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