Je suis très bien au Parti socialiste. " Comme s'il avait besoin de se justifier, Boris Vallaud précise d'emblée qu'il ne va pas " faire allégeance " à La France insoumise en participant à une table ronde intitulée " Qu'est-ce que le peuple aujourd'hui ? " lors des universités d'été du mouvement de Jean-Luc Mélenchon, vendredi 24 août, mais bien " montrer - ses - désaccords ".
A 43 ans, le député socialiste des Landes est l'une des figures montantes de ce qu'il reste de la gauche à l'Assemblée nationale. Héritier de la circonscription historique d'Henri Emmanuelli, figure du PS et de son aile gauche, il avait mis plus de deux ans à accepter la proposition de l'ancien secrétaire d'Etat de François -Mitterrand, qui le repère lors de son passage à la préfecture de Mont-de-Marsan (2006-2008) et le désigne comme son successeur en 2013.
" Je suis loyal "
" Je n'ai pas cédé à une envie, mon envie serait d'être cuisinier, peut-être que je le ferai un jour d'ailleurs, mais, quand on peut être utile, il faut le faire ", détaille Boris Vallaud, qui concourait au suffrage universel pour la première fois en juin 2017. Passé par le cabinet du ministère du redressement productif d'Arnaud Montebourg (2012-2014) et par l'Elysée comme secrétaire général adjoint (2014-2016) sous François Hollande, le député Nouvelle Gauche l'emporte de justesse (50,75 %) et se fait très vite classer par la presse parmi
" les députés qui vont compter ".
Il vote " contre " la confiance à Edouard Philippe quand la plupart des membres de son groupe s'abstiennent, et émerge dès le mois de septembre en s'opposant aux ordonnances visant à réformer le code du travail.
" J'ai tout de suite vu quelqu'un qui, malgré ses fonctions à l'Elysée, était très politique avec des idées clairement à gauche ", loue le député de la Loire et ex-frondeur Régis Juanico. Beaucoup se demandent comment il a pu succéder à son camarade de la fameuse promotion Senghor de l'ENA, Emmanuel Macron, au poste de secrétaire général adjoint de l'Elysée, en pleine loi travail.
" Je suis loyal ", répond-il, sans s'attarder sur la période.
Au moment de l'affaire Benalla, c'est lui encore qui déniche, dans l'Hémicycle, la solution juridique pour créer une commission d'enquête à l'Assemblée.
" Il bosse beaucoup, connaît ses dossiers et a un réseau très important dont il fait profiter le groupe ", poursuit M. Juanico, admiratif de sa capacité à obtenir les arbitrages budgétaires ou les projets de loi en avant-première grâce à ses -contacts dans l'administration, les ministères ou auprès des partenaires sociaux.
Tous au PS ne partagent pas cet enthousiasme.
" Il est très solitaire dans son comportement ", regrette un membre du bureau national.
" Il a perdu tous les rapports de force : il n'a même pas pu être candidat au groupe ", rappelle cette source, en référence à la tentative avortée de candidature de Boris Vallaud à la tête du groupe Nouvelle Gauche à l'Assemblée, face à Valérie Rabault. Une heure avant le vote, constatant qu'il n'aurait pas les suffrages nécessaires, il s'était retiré.
Mais ce qui lui est le plus reproché, c'est son attitude distancée vis-à-vis du parti, dont il est devenu porte-parole et secrétaire national en charge de l'Europe, après l'élection d'Olivier Faure à sa tête. Pendant le congrès d'Aubervilliers, en avril 2018, plusieurs socialistes s'étonnent de le voir aussi en retrait.
" Pourquoi tu n'es pas allé sauver le parti ? ", lui demande-t-on.
" Parce qu'il n'y a rien à sauver ", répond l'époux de Najat Vallaud-Belkacem.
" Boris est à son compte ", estime un poids lourd du PS. L'ambitieux soigne son image et ne veut pas pâtir de celle, désastreuse, du parti à la rose. Ainsi, lors de la manifestation du 22 mai, où Olivier Faure se fait une nouvelle fois siffler, il " perd le cortège " et n'apparaît pas sur les images. Habile.
" Je sais qu'il manie l'humour potache derrière mon dos, mais je le connais et je lui fais entièrement confiance ", assure le patron du PS, qui pense sûrement à cette petite phrase qu'on prête au député landais à son propos :
" Lui, c'est Savary, et moi je suis Mitterrand. "Une référence à la prise de pouvoir par le futur chef de l'Etat, en 1971, du PS alors dirigé par Alain Savary. Comme si, près de cinq décennies plus tard, Boris Vallaud attendait que le parti soit reconstruit, avant d'en récupérer les lauriers. Lui jure n'avoir jamais eu cette formule.
" On travaille en très bonne intelligence, explique M. Faure,
la question de la loyauté ne se pose pas : si on se plante, on se plante tous ensemble. "
Loin de la vie partisane à laquelle il prête peu d'importance, ce fils d'historien préfère le
" débat d'idées ". Avec son épouse, devenue directrice de collection chez Fayard, ils reçoivent régulièrement à leur domicile parisien des chercheurs, des sociologues, des philosophes ou des économistes.
" Chacun apporte quelque chose et on se fait passer des idées ", raconte le député, qui réunit également une dizaine d'intellectuels chaque mois dans un restaurant proche de l'Assemblée nationale.
" L'idée, c'est que ces cercles fusionnent le moment venu ", commente Christophe Prochasson, directeur de l'EHESS, pilier des deux rendez-vous.
Activisme personnel
" On en est encore au stade de la conversation parce que tout est par terre, mais on cherche un débouché dans la sphère publique, un lieu physique où on se retrouve et où chacun peut s'exprimer sans sectarisme ", poursuit le chercheur. Exactement ce qu'entend faire le PS avec son nouveau siège d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne).
Pour l'historien, le député landais
" est astreint à une discipline de parti qu'il respecte, mais, comme beaucoup, il pense qu'il faut regarder ailleurs ". Un activisme personnel qui fait grincer certaines dents socialistes.
" C'est un énarque qui a lu des bouquins. Il essaie d'imposer l'idée d'un -Macron de gauche, mais il fait des moulinets. Dans le niveau de marée basse actuelle, il surnage ", estime un jeune cadre du PS.
Jusqu'où les yeux clairs de Boris Vallaud regardent-ils ?
" C'est un ambitieux ", répètent ceux qui le jalousent.
" On ne sait jamais de quoi l'avenir est fait ", répond le quadragénaire, prudent, avant de prendre ses distances avec toute ambition présidentielle. "
Il faut être un peu atteint pour formuler ça, et moi, je ne suis pas assez atteint. "
Astrid de Villaines
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