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lundi 27 août 2018

L'interminable exode des Vénézuéliens


25 août 2018

L'interminable exode des Vénézuéliens

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 Des milliers de personnes
fuient leur pays et traversent le continent, à la recherche " de trois repas par jour "
 Reportage à la frontière entre la Colombie et l'Equateur
Page 2
© Le Monde



25 août 2018.

L'exode du désespoir pour les Vénézuéliens

Fuyant la misère, des milliers de personnes traversent à pied la Colombie et l'Equateur pour rejoindre le Pérou

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Ils ne fuient pas la violence. Ils fuient l'hyperinflation et un pays en ruine. Les Vénézuéliens exténués qui se retrouvent sur le pont Rumichaca, à la frontière entre la Colombie et l'Equateur, veulent trouver du travail et une vie digne " avec trois repas par jour et des médicaments dans les hôpitaux ". Lundi 20  août au soir, ils étaient bien 500.
Beaucoup ont été chavistes – du nom du leader de la révolution -bolivarienne, Hugo Chavez –, certains ont voté pour le président Nicolas Maduro. Mais la politique est devenue le cadet de leurs soucis. " On veut survivre ", expliquent ces migrants emmitouflés dans de minces couvertures en acrylique. Même sous les tropiques, il fait frais à 2 800 mètres d'altitude. Les Vénézuéliens du pont de Rumichaca ont laissé derrière eux une terre de soleil, des vieux parents et, souvent, leurs enfants.
Pour arriver là, ils ont traversé la Colombie du nord-est au sud-est, soit 1 440  km de route. Ceux qui en avaient les moyens ont pris le bus. Les autres ont fait le trajet à pied, en stop et en camion. " Nous avons marché pendant onze jours ", dit Laydi, en montrant ses pieds meurtris. Au Venezuela, elle était masseuse. Elle n'a plus un sou.
Lourdement chargés, plus de trois cents marcheurs ont emprunté la route panaméricaine qui traverse le continent du nord au sud. La plupart veulent atteindre le Pérou, les plus aisés visent le Chili ou l'Argentine." En Colombie et en Equateur, il y a déjà trop de Vénézuéliens ",expliquent-ils. " Les marcheurs sont un phénomène nouveau, significatif de la dégradation de la situation au Venezuela ", souligne Felipe Munoz, qui a occupé le poste de gérant de frontière créé par Bogota pour faire face à l'afflux de migrants vénézuéliens.
Passeport exigé par QuitoGiovanna Tipan, directrice du département de mobilité humaine à la préfecture de Pichincha en Equateur, confirme cette évolution. " Il y a encore un an, c'était des gens diplômés qui arrivaient. Ils avaient quelques économies pour s'installer et pouvaient trouver du travail assez facilement, dit-elle. Maintenant, ce sont des Vénézuéliens extrêmement démunis qui émigrent. " Les enfants arrivent en état de dénutrition. Le ministère de la santé publique équatorien tente de dépister les cas de rougeole, de diphtérie et autres pathologies réapparues au Venezuela.
Laydi et ses camarades d'infortune étaient en chemin quand la nouvelle est tombée : Quito exige désormais un passeport pour les citoyens vénézuéliens. La décision annoncée le 16  août est entrée en vigueur le 18  à minuit. Elle viole la Constitution équatorienne et les accords régionaux en vigueur. Les Vénézuéliens qui s'apprêtent à passer la nuit sur le pont ont la rage contre le président équatorien, Lenin Moreno. Le passeport vénézuélien, impossible à obtenir sans soudoyer un fonctionnaire, est devenu un objet de luxe. " Qui peut sortir 1 200  dollars quand le salaire minimum est de 3  dollars au prix du marché noir ? ", interroge Antony Linares, 26 ans. C'est lui qui, après trois jours d'attente, a convaincu les migrants sans passeport de passer " en force ". Une façon de parler, puisqu'il n'y a pas de contrôle et que la police laisse faire. Mais les exilés craignent à tout moment d'être arrêtés. " Le président Moreno nous contraint à l'illégalité ", soupire Antony.
A son tour, Lima entend fermer sa frontière aux exilés sans passeport, à partir du 25  août. " Cette mesure ne freinera pas la migration, elle obligera juste les Vénézuéliens à emprunter les sentiers illégaux ", explique Gina Benavides, défenseuse des droits en Equateur.
" C'est une mesure injuste, dit, sur le pont Rumichaca, une jeune migrante arrivée mercredi.Tous les autres Latino-Américains passent sans passeport. " Un jeune pasteur évangélique s'emporte : " Nous avons tout pour être une puissance, du pétrole, de l'or, des diamants, du fer, du bronze, du charbon. Et regardez où nous en sommes maintenant. On nous traite comme des voleurs, des déchets, comme des riens. Nous sommes devenus des rats. " La voix se casse.
" Opposants frustrés "L'humiliation est d'autant plus forte que le Venezuela, détenteur d'immenses ressources en hydrocarbures, a longtemps été le pays le plus développé d'Amérique latine.Le riche Venezuela a accueilli des milliers de réfugiés au cours du XXe  siècle. Pourquoi le pays s'est-il effondré ? Personne, ici, n'accuse Washington d'avoir mené une guerre économique sans merci contre le pays, comme le fait Nicolas Maduro. Tous jugent que l'héritier® d'Hugo Chavez est seul responsable de la débâcle. Personne ne croit que les mesures économiques annoncées le 20  août vont venir à bout de l'hyper-inflation. La monnaie nationale a perdu cinq zéros et 96  % de sa valeur. César, 46 ans, raconte : " Avant de partir, j'ai laissé 30  millions de bolivars à ma famille. Elle aurait pu s'acheter quinze sacs de riz. Aujourd'hui, elle a tout juste de quoi en payer deux. "
Selon les statistiques, plus de 900 000 Vénézuéliens vivent en Colombie, 250 000 en Equateur. Mais une grande partie des migrants sont en situation irrégulière et ne sont pas enregistrés,rappelle Mme Tipan. Les frontières sont incontrôlables et les statistiques, précaires partout. Selon l'ONU, 2,3  millions de Vénézuéliens – sur un total de 32  millions – ont quitté leur pays depuis 2015.
Caracas, évidemment, minimise le phénomène migratoire. En février, l'ancienne ministre du service pénitentiaire, Iris Varela, accusait les migrants de n'être que des " opposants frustrés "." Pourvu qu'ils ne reviennent jamais ", lançait cette chaviste convaincue à la télévision.Le 15  août, Nicolas Maduro affirmait que les Vénézuéliens, trompés par la propagande de la droite," quittaient le pays pour jouir du miel de la vie et terminaient mendiants et esclaves ".
Mais le Venezuela se vide. Manuela, une lycéenne de 16 ans raconte : " Dans ma classe, nous étions 34 en début d'année, 20 à la fin. " Giovani, un journaliste, renchérit : " 70  % des jeunes de mon entourage ont déjà quitté le pays. " Le Venezuela en crise est-il menacé d'explosion sociale ? " Non, rétorque-t-il. Il n'y a plus personne dans le pays pour protester. "
Marie Delcas
© Le Monde

25 août 2018

L'afflux de migrants au Brésil suscite la xénophobie

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Pour assurer sa réélection en octobre, mise en péril par l'afflux au Brésil de Vénézuéliens fuyant la misère dans leur pays, Suely Campos, gouverneure de l'Etat du Roraima, a opté pour la surenchère. Après l'agression, samedi 18  août, de migrants dans la ville frontalière de Pacaraima, l'élue a, de nouveau, exigé la fermeture de la frontière terrestre par laquelle 800 Vénézuéliens transiteraient quotidiennement. " La fermeture des frontières est impossible. Avec ce discours à visée électorale, la gouverneure ne fait que stimuler la xénophobie locale ", s'alarme Paulo Baia, professeur à l'université fédérale de Rio de Janeiro.
La demande, comme les précédentes, sera sans doute jugée inconstitutionnelle par la Cour suprême. Reste que cette exigence, mêlée à un racisme inhabituel au Brésil, -trahit le désarroi d'une région submergée. " Ceux qui pensent que Suely Campos n'agit qu'à des fins électorales n'ont rien compris. La crise dure depuis 2015 et le Roraima est seul à la gérer. Nous sommes abandonnés ", décrit une proche de la gouverneure.
Des militaires épaulés par l'ONUAu cours des trois dernières années, plus de 50 000 Vénézuéliens se sont installés dans cet Etat parmi les plus pauvres du Brésil. Avant d'avoir brûlé les camps de réfugiés, comme samedi, obligeant la police à raccompagner plus de 1 200 personnes vers leur pays, la population s'était montrée accueillante. Mais la présence de plus en plus massive de migrants (10 % de la population locale) parfois réduits à fouiller les poubelles pour survivre, a eu raison de la cordialité brésilienne. Accusés d'augmenter la criminalité, de voler des emplois, de surcharger hôpitaux et écoles ou de véhiculer des maladies comme la rougeole, les Vénézuéliens sont devenus persona non grata.
Longtemps sourd aux appels du Roraima, le président Michel Temer a fini, en mars, par débloquer 200  millions de reais (42,4 millions d'euros) et un contingent de militaires épaulés par l'ONU pour la construction d'abris et la relocalisation d'une partie des migrants. 820 Vénézuéliens ont été transférés vers Sao Paulo ou Manaus. A la suite des incidents de Pacaraima, ces opérations devraient être amplifiées. Mais selon Mme Campos, les mesures restent insuffisantes et les budgets, bien trop chiches.
Claire Gatinois, (Sao Paulo, correspondante)
© Le Monde

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