Libye : Misrata bombardée par l’aviation loyaliste
Les forces libyennes progouvernementales dans Benghazi, le 28 décembre. | ESAM OMRAN AL-FETORI / REUTERS
Le face-à-face armé entre les autorités de Tobrouk et la coalition Aube de la Libye (« Fajr Libya »), dominée par les islamistes, a connu une nouvelle escalade ce week-end. L’armée libyenne a mené, dimanche 28 décembre, ses premiers raids aériens contre Misrata, cité portuaire de l’ouest du pays dont sont originaires les principales milices d’Aube de la Libye. Le gouvernement avait donné soixante-douze heures à ces milices pour cesser leur offensive contre les principaux terminaux pétroliers du nord du pays après une nouvelle attaque à la roquette, jeudi, qui a mis le feu au terminal d’Al-Sidra.
Le gouvernement, réfugié à Tobrouk, près de la frontière égyptienne, a lancé un appel à la communauté internationale pour aider à maîtriser l’incendie qui s’est, depuis, propagé à sept réservoirs. Cette fuite en avant militaire met à mal la reprise du dialogue politique, lancé le 29 septembre à Ghadamès (sud) sous l’égide de l’émissaire spécial de l’ONU en Libye, Bernardino Leon. En dépit des pressions internationales et de la menace de sanctions onusiennes, M. Leon n’est pas parvenu à ramener les deux camps, inflexibles, à la table des négociations.Soutenus par leurs alliés régionaux respectifs, ils campent sur leurs positions.
Les affrontements entre les deux camps sont en train de se généraliser à tout le pays
La coalition Aube de la Libye, qui a pris le contrôle de la capitale Tripoli en août, continue d’exiger la dissolution du Parlement siégeant à Tobrouk, qu’elle juge « illégitime », invoquant la décision prononcée en novembre par la Cour suprême d’invalider les élections de juin. Les autorités de Tobrouk, reconnues par la communauté internationale, refusent tout compromis avec les milices extrémistes présentes au sein d’Aube de la Libye – dont Ansar Al-Charia qui a été placée sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne – et qui se sont alliées avec les milices islamistes de Misrata.
Les affrontements entre les deux camps sont en train de se généraliser à tout le pays. A Benghazi, dans l’est, les forces gouvernementales menées par le général Khalifa Haftar affrontent les milices d’Aube de la Libye.
Les combats ont également gagné en intensité dans l’ouest et le Sud, faisant près de 800 morts en deux mois dans tout le pays. Les raids aériens contre Misrata et les combats dans le « croissant pétrolier » font peser la menace d’une « guerre totale », a estimé la mission de soutien des Nations unies à la Libye (Unsmil).
Contrôler la manne pétrolière
A Misrata, troisième ville du pays, les bombardements de l’armée de l’air ont visé l’Académie de l’aviation proche de l’aéroport, le port et l’aciérie, sans faire de victimes. Ils ont été menés en représailles à une nouvelle offensive, dimanche matin, d’Aube de la Libye contre le terminal pétrolier d’Al-Sidra. L’attaque, qui a ignoré l’ultimatum fixé par le gouvernement du premier ministre Abdullah Al-Thinni de cesser toute action dans le « croissant pétrolier ».
Les terminaux d’Al-Sidra, Ras Lanouf et Brega, les trois plus importants du pays, sont au cœur d’une lutte pour le contrôle de la manne pétrolière. Le gouvernement autoproclamé d’Omar Al-Hassi, qui siège à Tripoli et est soutenu par les islamistes, avait lancé le 13 décembre l’opération « Lever du soleil » pour reprendre ces ports aux hommes d’Ibrahim Jadran, un fédéraliste de Cyrénaïque (est) rallié au gouvernement du premier ministre Abdallah Al-Thinni. Ce dernier avait auparavant pris des mesures pour sécuriser les revenus du pétrole.
Après deux semaines d’offensive, les forces d’Aube de la Libye, embarquées sur des bateaux rapides, avaient attaqué, jeudi 26 décembre, le terminal d’Al-Sidra à la roquette, faisant au moins 22 morts et incendiant un réservoir.
Le feu, difficile à maîtriser, s’est propagé à sept des dix-neuf réservoirs, faisant partir en fumée 800 000 barils de brut sur les 6,2 millions contenus dans le terminal, a indiqué la Compagnie nationale du pétrole (CNP). « C’est un désastre qui menace des milliers de vies », a alerté le ministre du pétrole et du gaz sur son site Internet.
« Extrémistes »
Dimanche soir, l’incendie était maîtrisé sur quatre des sept terminaux en flammes, indiquait le porte-parole des gardes pétroliers. Depuis Le Caire, en Egypte, le ministre des affaires étrangères du gouvernement Al-Thinni, Mohammed Dairy, a appelé les puissances occidentales à l’aide pour venir à bout du sinistre et combattre les « extrémistes ».
Les combats dans le « croissant pétrolier » ont à nouveau fait plonger la production pétrolière libyenne, qui se remettait lentement après la fin d’un blocage d’un an de ses terminaux par les rebelles fédéralistes.
Estimée à 580 000 barils par jour en novembre, contre 1,59 million de barils par jour avant la chute du dictateur Mouammar Kadhafi en octobre 2011, la production est tombée à 352 000 barils par jour fin décembre, a indiqué Mohammed El-Harari, porte-parole de la CNP.
Premier pays africain en termes de réserves d’or noir, la Libye a vu ses réserves de devises chuter de 45 à 15 milliards de dollars (36,8 à 12,3 milliards d’euros), a indiqué en décembre la Banque centrale.
- Hélène Sallon
International
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