Il faut négocier avec Alexis Tsipras
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Alexis Tsipras, le leader de Syriza, fête sa victoire aux législatives, dimanche 25 janvier, à Athènes | ARIS MESSINIS / AFP
Edito du Monde. La colère d’une partie des Grecs contre « l’austérité » aurait pu faire le lit d’un parti d’extrême droite. Elle aurait pu nourrir la montée d’une formation ultra prônant le retrait de l’euro, de l’Union européenne et, pour faire bonne mesure, de l’OTAN (ce qui correspond au programme du Front national français). Elle a débouché, dimanche 25 janvier, sur une nette victoire du parti de gauche Syriza, qui défend le maintien de la Grèce dans l’OTAN, dans l’UE et désormais dans l’euro (plébiscité par les Grecs dans les sondages).
C’est une première leçon, qui devrait singulièrement tempérer la rhétorique de tremblement de terre volontiers entendue au lendemain de ce scrutin (« onde de choc en Europe », « l’euro à nouveau défié »), les uns pour exulter, les autres pour grogner. L’UE en a vu d’autres et l’euro aussi. A vrai dire, on ne sait encore trop comment qualifier le parti d’Alexis Tsipras – le futur premier ministre –, qui, pour se présenter comme la gauche radicale, accueille un très large éventail d’opinions. Mais sa victoire est nette : avec 36,3 % des voix, M. Tsipras manque de peu la majorité absolue en sièges.
S’il n’a pas promis de raser gratis,
il a promis de raser pas cher
il a promis de raser pas cher
Après six ans d’un programme de coupes budgétaires et de réformes de structure négocié avec ses créanciers – Fonds monétaire international, Banque centrale européenne et Commission de Bruxelles, la fameuse « troïka » –, la Grèce demande un changement de politique. Elle a échappé à la faillite financière grâce à l’Europe. Mais sa richesse a chuté de 26 % ; le chômage touche 27 % d’une population dont une partie vit dans la misère ; si ses finances publiques se sont redressées, sa dette nationale a augmenté (plus de 300 milliards d’euros, 175 % du produit intérieur brut).
Le FMI l’a reconnu : un programme d’austérité trop radical a engendré une récession plus grave que prévu, laquelle, amputant des recettes fiscales déjà anémiques, n’a fait qu’alourdir la dette du pays. Les malheurs de la Grèce – sous-productivité, corruption, absence de fiscalité adéquate – sont d’abord nationaux. Mais cette autre leçon du scrutin doit être entendue à Bruxelles et à Berlin : la zone euro a besoin d’un assouplissement intelligent des politiques budgétaires nationales pour accompagner la politique monétaire dynamique menée par la BCE, en contrepartie de réelles réformes de structure – qui doivent être poursuivies en Grèce.
Trouver des compromis
Les partenaires d’Athènes ont déjà dit qu’ils étaient prêts à une négociation pour alléger le fardeau des Grecs. Il faut trouver des compromis, il existe des marges de manœuvre. C’est là que commencent les difficultés pour M. Tsipras. Il a beaucoup promis, il a annoncé « la fin de l’austérité », « la fin de la “troïka” », il a tenu à Athènes des propos parfois différents de ceux qu’il confiait dans ses tribunes aux quotidiens européens. S’il n’a pas promis de raser gratis, il a promis de raser pas cher. Il va devoir atterrir, confronter une réalité qui se moque des discours de campagne et qui est la suivante : la Grèce dépend de l’UE, pas le contraire.
Il faut aider M. Tsipras, sans mesquinerie comptable, mais celui-ci va devoir procéder, à l’intérieur, à un ajustement politique au moins aussi difficile que l’ajustement budgétaire : passer d’un programme de campagne bien peu réaliste à un programme de gouvernement, plus ingrat et moins « glamour ». Pour ce tournant-là, il faut beaucoup de talent politique. Mais le futur premier ministre a montré que de cette qualité il était fort bien pourvu. Souhaitons-lui bonne chance : les Européens et les Grecs sont condamnés à trouver un accord.
http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/01/26/il-faut-aider-alexis-tsipras
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