Elections départementales: le FN en position de force, la gauche à la peine
Par Thierry MASURE | AFPAFP/AFP/Archives - La présidente du Front national Marine Le Pen à Seloncourt (Doubs), le 23 janvier 2015
Les élections départementales, fin mars, s'annoncent comme une défaite de plus du PS et de la gauche et une nouvelle étape de la marche en avant du Front national, de l'avis des politologues.
Pour la première fois, l'ensemble des cantons (2054) seront renouvelés en même temps les 22 et 29 mars et non plus par moitié, accentuant la dimension de test national de ce scrutin qui désignera pour six ans 4.108 conseillers départementaux.
L'élection législative partielle de Montbéliard (Doubs) donnera dès dimanche de précieuses indications sur l'humeur des Français, moins d'un mois après les sanglants attentats de début janvier, dont l'onde de choc a mis quatre millions de manifestants dans les rues le 11 janvier.
Si ces événements ont provoqué un redressement spectaculaire de la popularité de François Hollande et Manuel Valls, le climat politique a déjà changé. "La période d'apesanteur" s'achève, selon Jérôme Sainte-Marie (PollingVox), "l'actualité est en train de reprendre ses droits" avec des passes d'armes gauche-droite selon Jérôme Fourquet (Ifop).
Que restera-t-il du 11 janvier dans deux mois ? S'il devait y avoir un surcroît de mobilisation dans les urnes, ce sera "à la marge", estime M. Fourquet. Pour son confrère de PollingVox, "tous les facteurs sont là pour que l'abstention massive" des cantonales de 2011 (55,7% au 1er tour) "soit dépassée": les élections cantonales changent de nom, de mode de scrutin et de circonscriptions. Chaque canton devant désormais élire un binôme homme-femme au nom de la parité, leur taille est en gros deux fois plus grande qu'avant.
Le niveau de participation sera une donnée-clé du scrutin. Pour pouvoir se maintenir au second tour, il faut en effet soit être arrivé parmi les deux premiers, soit obtenir au moins 12,5% des inscrits. Une abstention de 50% implique que celui arrivé troisième recueille au moins 25% des voix pour se qualifier. "L'obsession de tous les élus que je rencontre, c'est d'être dans les deux premiers" le 22 mars, raconte M. Sainte-Marie.
Difficile à franchir, cette barre risque d'être fatale à la gauche - et surtout au PS -, qui partira à la bataille souvent en ordre dispersé. En l'absence d'accord national, on verra les écologistes d'EELV tantôt avec le PS, tantôt avec le Front de gauche. Celui-ci veut constituer des "majorités anti-austérité", sans les forces soutenant le gouvernement.
- Les attentats, climat porteur pour le FN -
A la tête de 61 départements sur 101, la gauche pourrait donc subir une Bérézina, après celle des municipales et des européennes. "Au moins la moitié" de ces départements vont être perdus, redoutait un ministre au mois de décembre.
Certes, l'image de l'exécutif s'est redressée entretemps, "mais il ne faut pas s'attendre à des miracles", considère Jérôme Fourquet. Jérôme Sainte-Marie parie sur "un vote-sanction d'une violence terrible pour le pouvoir en place". Les enjeux locaux pèseront d'autant moins, selon lui, que "la pérennité de l'institution départementale" a été mise à mal par des déclarations contradictoires des deux têtes de l'exécutif.
En outre, malgré les distances prises par ses dirigeants avec l'attitude d'unité nationale qui a prévalu un temps entre le PS et l'UMP, les événements de janvier n'ont nullement entamé la crédibilité du Front national, à en croire deux sondages (Ifop et CSA) plaçant Marine Le Pen nettement en tête des intentions de vote pour la présidentielle, autour de 30%, entre six et dix points devant tous les autres.
Les attentats, juge M. Fourquet, "vont permettre au FN de consolider ses "prises de guerre"" des européennes, "par coagulation entre son électorat traditionnel et un électorat plus récent" car "le rapport à l'immigration, surtout arabo-musulmane, reste le déterminant fondamental du vote FN". En scrutant les marches républicaines "pour Charlie", le chercheur a observé que c'est dans les zones de force du FN, le long de la Méditerranée et dans le Nord-Est, qu'on a le moins participé à "ce moment de communion nationale" du 11 janvier.
Les politologues prennent au sérieux l'hypothèse de conseils généraux tombant dans l'escarcelle du parti frontiste. Le Var, le Vaucluse, voire l'Aisne sont de ceux-là.
D'autant, relève Jérôme Fourquet, que l'UMP, qui sera alliée aux centristes de l'UDI, "a des difficultés à exister", handicapée par "une guerre des chefs plus ou moins larvée". De ce côté, estime-t-il, "on ne rejouera pas les municipales" qui avaient vu des dizaines de villes tomber de gauche à droite, et non pas à l'extrême droite.
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