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samedi 1 novembre 2014

HISTOIRE et MEMOIRE : Il y a soixante ans, la Toussaint Rouge ouvrait le bal des mensonges par Alain Vincenot

HISTOIRE et MEMOIRE 

Le Huffington Post



Alain Vincenot Headshot



Il y a soixante ans, la Toussaint Rouge ouvrait le bal des mensonges
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Et les Pieds noirs seraient chassés de cette terre d'Algérie où ils croyaient être chez eux. Il y a soixante ans, dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, une trentaine d'explosions et de mitraillages ébranlent Alger, Tizi-Ouzou, Batna, Tigzirt, Boufarik, Biskra... Les morts et les dégâts matériels de la "Toussaint Rouge" signent le début des "événements d'Algérie" qui allaient devenir la "guerre d'Algérie". Huit ans plus tard, celle-ci s'achèverait, pour les Pieds noirs,  par un sentiment d'abandon de la part de cette France, dont, à l'école, ils avaient appris à chérir les icônes: Vercingétorix, le chevalier Bayard, le bon roi Henri IV, la courageuse Jeanne d'Arc, Emile Zola, Victor Hugo, Jules Ferry... La mère patrie, où certains n'avaient jamais mis les pieds, se transformerait en marâtre insensible.
Au XIXe siècle, elle avait peuplé cette nouvelle colonie de ses ressortissants les plus turbulents ou les plus miséreux, mais aussi d'Espagnols, d'Italiens, de Maltais, ainsi que d'Allemands, d'Autrichiens, de Suisses, de Polonais, de Roumains, de Bulgares, de Grecs, de Serbes, de Belges, de Scandinaves, d'Irlandais...: les ancêtres des Pieds noirs. Ils avaient succédé aux Numides, aux Phéniciens, aux Vandales, aux Romains, aux Byzantins, aux Arabes et aux Ottomans. Malgré les bandes armées arabes, l'insalubrité, la malnutrition, les épidémies, les maladies et le manque de soins qui avaient rempli les cimetières, ils avaient défriché des landes, asséché des marais, creusé des puits, irrigué des vallées, fertilisé des champs, planté des arbres, bâti des villes, des hôpitaux et des dispensaires, des écoles, des lycées et des universités, des usines et des aérodromes, tracé des routes et des lignes de chemin de fer, tendu des ponts, érigé des barrages, dragué des ports, développé une administration, ouvert des commerces... Avant de n'avoir le choix qu'entre "la valise ou le cercueil".
Un attentat va particulièrement marquer la Toussaint 1954. Au petit matin, sur l'étroite RN 31, reliant Biskra à Arris, dans les gorges de Tighanimine, un vieil autobus Berliet GLC vert amande, bondé de paysans qui se rendent au marché, est stoppé par une dizaine d'individus armés. Un homme monte et désigne trois voyageurs : un notable musulman en gandoura, le caïd du douar M'chounèche, Hadj Sadok, ancien capitaine de l'armée française, et un jeune couple, Guy et Jeannine Monnerot, 23 et 21 ans, des Limougeauds, en Algérie depuis moins d'un mois. Instituteurs, ils ont été affectés à Tifelfel, une mechta isolée entre Arris et Batna. Rafale de mitraillette. Seule, Jeannine Monnerot, grièvement blessée à la hanche, survivra.
Quelques heures plus tard, au Caire, communiqué triomphant de « La voix des Arabes », radio d'Etat égyptienne créée, l'année précédente, par Gamal Abdel Nasser : « La lutte grandiose pour la liberté, l'arabisme et l'islam a commencé en Algérie. » Dans une proclamation revendiquant « l'indépendance nationale par la restauration d'un Etat algérien souverain démocratique et social dans le cadre des principes islamiques», le FLN promet « le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions ».
Outre qu'il n'y avait jamais eu auparavant d'Etat algérien, il ne s'agira donc pas d'une « restauration », l'Algérie indépendante ne sera pas une démocratie respectant les « libertés fondamentales. » En 1963, l'article 4 de la Constitution stipulera : « L'islam est la religion de l'Etat ». Et l'article 23: « Le Front de libération nationale est le parti unique d'avant-garde en Algérie. »
En métropole, la « Toussaint Rouge » se heurte à la fermeté gouvernementale. Le 12 novembre 1954, à l'Assemblée nationale, le président du Conseil, Pierre Mendes France martèle : Les départements d'Algérie constituent une partie de la République française. Ils sont français depuis longtemps et de manière irrévocable (...) Jamais la France, jamais aucun Parlement, jamais aucun gouvernement ne cèdera sur ce principe fondamental. Questionné par des députés au cours de cette séance, le ministre de l'Intérieur, François Mitterrand, partage cette fermeté : L'Algérie, c'est la France. 
En fait, les déclarations rassurantes ne manqueront pas. Pas plus que les atrocités et les tergiversations de la classe politique de métropole. Instable, la IVème République n'y résistera pas. Porté au pouvoir par les militaires, les Pieds noirs et la population arabe que perturbe le manque de détermination du gouvernement, le général de Gaulle va, en 1958, les couvrir de promesse. « Je vous ai compris », à Alger. « La France est ici pour toujours ! » à Oran. « Vive l'Algérie française ! » à Mostaganem. L'année suivante à Saïda : « Moi vivant, jamais le drapeau du FLN ne flottera sur l'Algérie ! »
Cependant, au fil des ans, « l'homme providentiel » va n'avoir d'autre objectif que d'en finir avec «la boîte à chagrins » algérienne. Et, passant de l'Algérie française à l'Algérie dans la France, à l'Algérie indépendante et à l'Algérie FLN, de zigzaguer d'engagement en renoncement. Ainsi, le 29 janvier 1960, après la semaine des barricades : « Français d'Algérie, comment pouvez-vous écouter les menteurs et les conspirateurs qui vous disent qu'en accordant le libre choix aux Algériens, la France et de Gaulle veulent vous abandonner, se retirer d'Algérie et la livrer à la rébellion ? » Le 3 novembre 1961, Robert Buron, ministre des Travaux publics, des transports et du tourisme, inaugurant le nouvel aéroport de la Sénia, à Oran : « Si nous avons investi des milliards pour la réalisation de cette œuvre magnifique, c'est pour vous démontrer que la France est décidée à rester ici pour longtemps. »
Pour finir, les accords d'Evian, le 18 mars 1962, assurent les Pieds noirs d'un chapelet de garanties. Elles ne seront jamais respectées. Les Pieds noirs, n'auront plus d'avenir dans ces villes, ces campagnes qu'ils aimaient passionnément, au point, pour certains, de se lancer dans des actes désespérés. Bientôt, leur pays n'existera plus. Même les noms seront changés. Tandis que, sur place, après avoir été désarmés par l'armée française, les harkis et leurs familles, seront massacrés, hommes, femmes et enfants, en métropole, les Pieds noirs ne seront plus, selon la thèse officielle, que des « vacanciers qui ne devraient pas tarder pas à rentrer chez eux », puis des « rapatriés » qui dérangent, suscitant au mieux l'indifférence, au pire l'agressivité. Stigmatisés par la gauche anticolonialiste et la droite gaulliste, ils se verront affublés clichés caricaturaux : racistes, fascistes, exploiteurs d'arabes, colons bouffis de suffisance pour lesquels les bidasses français n'avaient pas à « aller se faire trouer la peau ». Bref, ce sont les bernés de Histoire.
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