Translate

dimanche 30 novembre 2014

"Les deux combats de Sarkozy", l'édito d'Anne Sinclair

Le Huffington Post



WEEK-END DE DROITE 
"Les deux combats de Sarkozy", l'édito d'Anne Sinclair

                                            


Anne Sinclair Headshot



Les deux combats de Nicolas Sarkozy

Publication: 

Un week-end de droite. Coïncidence symbolique d'assister, en même temps, à l'élection des présidents des deux formations qui ambitionnent d'être face à face au deuxième tour de 2017.
100% des voix. Pas de candidat(e) face à elle. Pour Marine Le Pen, son élection fut une promenade de santé, et quelle santé! Acclamée ce dimanche à Lyon par des militants énamourés, elle communique à la salle son optimisme - "Nous n'imaginions pas que nous irions aussi vite et aussi loin" - et malgré un discours moins éloquent que d'habitude, affiche un organigramme du parti à sa main.
A l'UMP, ce fut moins unanime et moins triomphal pour le nouveau-ancien président. Hortefeux enthousiaste sur le "score exceptionnel" de Nicolas Sarkozy, Le Maire heureux, Juppé souriant, Fillon sur ses gardes, Sarkozy discret : les mines et les paroles en disaient beaucoup samedi soir. Si l'élection de Nicolas Sarkozy était certaine, son score de 64,5%, bien que très net, est cependant une déception pour celui qui fut élu il y a dix ans avec vingt points de plus.
Mais sa victoire est incontestable, il se retrouvera dès lundi en position de "shadow président", et devient clairement le chef de l'opposition. On ne se rappellera plus son score, il tient la maison, l'argent, la procédure et va réinvestir les médias : à ses concurrents, il laissera peu de place au soleil, et occupera l'essentiel du temps de parole réservé à son parti. Alain Juppé a-t-il eu tort de ne pas lui disputer la place? Il n'y a pas deux chefs dans un parti.
Cela dit, quoique claire, le résultat de l'élection de samedi fut quand même une surprise, si on se rappelle de la rentrée de Nicolas Sarkozy dans l'atmosphère, qui devait tout balayer sur son passage.
On a retrouvé un Sarkozy intact, avec les travers qu'on lui connaissait, accentués. Agité il le reste, impulsif tout autant, revanchard, il demeure. Désinvolte ajouteront ceux qui ont été sidérés de le voir avec légèreté donner raison à ceux qui demandaient l'abrogation de la loi Taubira. "Bonimenteur" aussi comme jamais, titrait Libérationvendredi, en relevant toutes les approximations qu'il ressasse depuis bien longtemps.
Ce Sarkozy-là fut une surprise. Ce Sarkozy-là n'a pas réfléchi au-delà de sa volonté de vengeance. Sa vraie fausse retraite ne lui a pas servi à grand-chose. Ni à se retourner sur son mandat et en tirer un bilan honnête, ni à élaborer des propositions nouvelles qu'il aurait pu sérieusement travailler, ni à corriger la ligne Buisson, de fracture et d'imprécations. Oui, Nicolas Sarkozy a étonné par son retour en caricature de lui-même.
Mais est-ce vraiment important ? Je pense qu'il s'en moque. Il ne faut jamais sous estimer Nicolas Sarkozy. Usé, disent certains? Mais il s'est usé déjà tant et tant de fois qu'il sait comment mettre des rustines pour cacher l'érosion, quitte à prendre le contre pied de ce qu'il vient de défendre. Son image serait dégradée? Qu'importe, pourvu qu'il arrive au second tour, et se fasse élire par défaut, fût-ce avec un score bien plus faible que celui de Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen.
Mais si Nicolas Sarkozy veut étouffer Alain Juppé et rassembler ensuite des suffrages venus d'ailleurs que des rangs UMP, il va falloir qu'il se démarque d'un FN qui se banalise alors que sa droite à lui se radicalise. Sur l'immigration, sur l'insécurité, sur l'identité heureuse ou malheureuse de la France, sur le vivre ensemble, les deux discours tendent à se ressembler. Et même sur l'Europe : Nicolas Sarkozy est certes opposé à la sortie de l'euro que réclame comme une panacée sa concurrente d'extrême droite. Mais ses coups de boutoir contre l'Europe passoire ressemblent de plus en plus à ceux de la présidente du FN.
Il a donc deux combats à mener dans l'année qui vient : bondir sur les plates-bandes plus centristes de Juppé et le faire apparaître comme un homme du passé. Convaincre un électorat centriste, de plus en plus sceptique, que voter Sarko ou voter Le Pen, ne sont pas des choix similaires, et que cela vaudra la peine, encore une fois, de se déranger.
Mais rien n'est impossible à cet homme caméléon, la plasticité idéologique est son arme. En 2007, il fit campagne sur une positive énergie pour réformer la France. En 2012, sur le repli frileux vers une identité française menacée. S'il parvient à sauter à pieds joints de la dénonciation à la proposition, de la vindicte à la bonhomie, de la revanche à l'union, pour prouver que les idées du FN ne passeront pas par lui, il nous surprendrait vraiment.
Et la gauche dans tout ça? Elle gouverne dans l'indifférence, et s'interroge sur le futur congrès du PS. Les 'frondeurs' disent "vive la gauche". Vivre ou survivre? Au terme de ce week-end, elle était aux abonnés absents.
Lire aussi :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire