"Nous avons donc décidé d'amender le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour sortir les PEL, les PEA et l'épargne salariale de la mesure pour épargner les patrimoines moyens et modestes", a déclaré le ministre dans un entretien au Journal du dimanche. "Seule l'assurance-vie demeurera donc concernée, sachant que la plupart des petits contrats sont en euros et donc exclus de la mesure", a expliqué le ministre, après plusieurs jours de bronca.
Les services de Matignon avaient déjà annoncé samedi que des " améliorations "seraient apportées pour le PEL (plan d'épargne logement) et le CEL (compte épargne logement), alors que les députés ont déjà voté en première lecture cette semaine une hausse des prélèvements sociaux à 15,5% sur certains produits d'épargne pour financer la Sécurité sociale.
Mais devant le mécontentement d'associations d'épargnants, les critiques de l'opposition et les doutes de certains députés socialistes, le gouvernement a dû lâcher du lest sur ces trois placements d'épargne.
"Apaisement" et "clarté"
"Nous entendons donc les inquiétudes et nous voulons, en lien avec la majorité, y mettre un terme. La droite veut semer la peur. Nous, nous voulons l'apaisement et la clarté", a expliqué le ministre, qui précise par ailleurs qu'un "dispositif global, modernisé et stabilisé" de réforme de l'assurance-vie sera présenté en projet de loi de finances rectificative.
La décision de revenir sur le projet polémique a été décidé à des fins de "justice", "simplification", et "stabilisation de la fiscalité de l'épargne pour que les Français soient rassurés", a-t-il affirmé.
Un peu plus tôt, le ministre avait adressé une mise en garde en estimant qu'il y aurait un risque d'inconstitutionnalité si le PEL et l'épargne salariale étaient exemptés de la hausse à 15,5% de la fiscalité sur certains produits d'épargne. Dans la nouvelle mouture allégée "le principe d'égalité est ici respecté, compte tenu de la spécificité de chaque produit d'épargne", assure le ministre.
Il assure cependant que cette mesure, prévue pour rapporter 600 millions d'euros, ne correspond pas à une taxe nouvelle et que "la plupart des revenus de l'épargne et de l'immobilier contribuent déjà à la Sécurité sociale, par les prélèvements sociaux, au taux de 15,5%". Par ailleurs, il ne s'agit pas, selon lui, d'une augmentation de taux contrairement à la droite, "qui elle, l'a en revanche fait passer de 11% à 15,5% entre 2009 et 2012, ce qui correspond à une ponction de 6 milliards d'euros".
Moscovici a "entendu" les petits épargnants
La décision du gouvernement de reculer face à la grogne des épargnants sur l'alignement des prélèvements sociaux sur des produits d'épargne témoigne de la capacité d'écoute du gouvernement, qui est une "vertu", a estimé dimanche le ministre de l'Economie Pierre Moscovici.
"Nous avons entendu (l)es inquiétudes des petits épargnants" a déclaré de son côté Pierre Moscovici sur i-Télé et Europe 1 dimanche matin. "Quand on est capable d'écouter, d'entendre un pays aussi fragile, c'est aussi une vertu", a dit le ministre de l'Economie après avoir affirmer que l'exécutif pouvait "adapter ses décisions".
"Le gouvernement opte pour un rafistolage au fil de l'eau", a lui regretté Philippe Crevel, secrétaire général du cercle des épargnants, dans un communiqué, estimant qu'"en voulant traiter de manière différenciée les produits d'épargne, le gouvernement ajoute une nouvelle couche d'inégalité de traitement".
Selon Bruno Le Maire sur Europe 1 dimanche matin, "le gouvernement a commis une bévue supplémentaire". Pour lui, "cette taxation à 15.5%, c'était tout simplement du vol. Du vol vis-à-vis des épargnants qui avaient placé leur épargne en PEL en 1997 ou 1998 à un peu moins de 4%. (...) Donc le gouvernement n'avait pas d'autres choix."
La "pause" fiscale en avait rajouté une couche
L'épargne réglementée (Livret A, Livret de développement durable) n'a jamais été concernée par cette mesure, rappelle le ministre, sans faire mention du CEL. Le budget de la Sécurité sociale et son volet controversé sur l'épargne devaient être soumis au vote de l'Assemblée nationale mardi.
Plusieurs élus socialistes ont critiqué cette hausse de la fiscalité, considérant notamment que certains de ces placements, comme le PEL et l'épargne salariale, sont des produits d'épargne populaire pour les classes moyennes et les plus modestes. Dès vendredi, le député PS, Gérard Bapt, de manière inhabituelle s'agissant du rapporteur du texte, a fait volte-face en demandant au gouvernement d'écarter les PEL et l'épargne salariale de la mesure votée par les députés.
Ce revirement intervient sur fond de ressentiment croissant contre les hausses d'impôts, qu'avait reconnu lui-même en septembre Pierre Moscovici en évoquant un "ras-le-bol" fiscal dans le pays.
Contribuant au malaise, l'exécutif avait entretenu en septembre un certain flou sur la "pause" fiscale. Le président François Hollande l'avait promise dès 2014, et Jean-Marc Ayrault avait cependant précisé, quelques jours plus tard, qu'elle ne serait "effective" qu'en 2015.
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