Ce que les politiques savent de l'immigration et ne disent pas
Rappeler la réalité statistique est le meilleur des contrepoisons pour lutter contre des perceptions erronées ou déformées. Il faut tenir compte de ces perceptions qui font aussi partie de la réalité politique, mais il ne faut pas leur donner systématiquement la priorité sur les faits.
Centre de rétention à Malte, le 22 octobre 2013. REUTERS/Darrin Zammit Lupi. -
Lampedusa et Leonarda. Deux noms, ceux d’une petite île de la Méditerranée et d’une jeune Kosovare de 15 ans, ont relancé le débat sur l’immigration en Europe, avec un paroxysme en France où tout le monde est obnubilé par la montée du Front national.
Le débat transporte plus de fantasmes que de réalités mais les dirigeants politiques ont tendance à ne l’aborder que du point de vue de ses effets sur l’opinion publique. Le débat est donc biaisé parce que politiquement les perceptions prennent plus d’importance que les faits.
Les faits, c’est d’abord que les migrations ont toujours existé dans l’histoire, à l’intérieur du même pays comme entre des Etats différents. Il n’est pas raisonnable de faire comme si l’Europe était brusquement confrontée à un phénomène nouveau sous la forme d’une vague migratoire sans précédent. D’autant plus que les chiffres montrent plutôt que cette immigration vers l’Europe est relativement faible.
Dans l’Union européenne, il y a environ 30 millions de résidents nés en dehors de l’UE, soit autour de 6% de la population totale. Le nombre des clandestins est estimé entre 4,5 et 8 millions. Sur plus de 500 millions de citoyens européens, les sans-papiers représentent ainsi entre 0,97% et 1,73% de la population européenne. Quand la question de l’intégration des Roms occupe le centre du débat politique, il faut rappeler qu’ils sont environ 20.000 en France.
Ces pourcentages sont à comparer avec la situation des Etats-Unis: 12 millions de clandestins sur 320 millions d’habitants. Les autorités américaines procèdent régulièrement à des régularisations de clandestins, avec l’accord des Démocrates comme des Républicains, notamment dans les Etats du sud où le vote des Latinos contribue au succès des élus locaux ou nationaux.
Les nouveaux visages de l'immigration
Pour autant, la politique migratoire des Etats-Unis n’est pas dépourvue de contradictions. La construction d’une barrière à la frontière avec le Mexique a pour but de freiner l’immigration illégale. Et dans le même temps, l’immigration est considérée par les Américains comme une preuve et une condition du dynamisme de leur économie. Les Européens ont une attitude plus frileuse, bien que certains Etats de l’Union comptent sur l’immigration pour suppléer une démographie défaillante, l’Allemagne par exemple.
Une autre idée reçue est que l’Europe risque d’être submergée par des hordes de pauvres hères venus du Sud. Or, selon le rapport du Programme pour le développement des Nations unies, 60% des migrations ont lieu entre pays riches et seulement 37% entre pays pauvres et pays riches. Ces chiffres relativisent la phrase souvent citée de Michel Rocard, selon laquelle la France et l’Europe «ne peuvent pas accueillir toute la misère du monde».
Pour laisser la «misère» à leurs portes, l’Europe a longtemps compté sur les régimes autoritaires et répressifs du sud de la Méditerranée. Ces remparts sont tombés avec le «Printemps arabe».
Mais les immigrés qui viennent du sud de la Méditerranée ne sont plus les ruraux illettrés que l’industrie automobile européenne a importés par centaines de milliers à partir des années 1960. Ce sont de plus en plus souvent des «diplômés-chômeurs» qui ne trouvent pas d’emplois qualifiés dans leur pays d’origine mais qui ont une formation et pratiquent une langue étrangère.
Pour la France, le regroupement familial ne joue plus un rôle important dans l’immigration. Seuls 5 à 6% sont des enfants parmi les immigrants légaux, qui représentent 200.000 personnes par an, dont 60.000 étudiants. A quoi s’ajoutent les sans-papiers, dont le nombre total est estimé à 300.000. Face à ces chiffres, il faut tenir compte de 100.000 sorties annuelles pour avoir une idée de la proportion de population étrangère.
Un autre problème est posé par les demandeurs d’asile: 62.000 par an en France, dont seuls 15% sont acceptés. Autrement dit, contrairement à une autre idée reçue, 85% des demandes d’asile sont refusées. La difficulté vient des délais de traitement des dossiers, qui peuvent durer plusieurs années. Pendant ce temps, quelques demandeurs d’asile disparaissent dans la nature et se retrouvent dans la catégorie des sans-papiers.
Ni laxisme ni surenchère
Ces statistiques peignent une réalité que les hommes politiques des partis de gouvernement seraient bien inspirés de rappeler au lieu de s’engouffrer dans les portes ouvertes par le Front national. Ce rappel est un contrepoison pour lutter contre des perceptions erronées ou déformées.....
Pour lire la suite de l'article cliquer ici --->politiques-immigration-europe-france-mensonges
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire