Impôts : la crise d'angoisse guette le pouvoir
Le ras-le-bol fiscal pointé par le gouvernement est en train de virer à la révolte fiscale. Au risque de restreindre un peu plus les marges de manœuvre de l'exécutif.
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Une fois de plus, l'exécutif a été contraint de faire marche arrière. Après avoir reculé sur la taxe sur l'excédent brut d'exploitation, sur la taxe sur le diesel, sur la niche fiscale pour frais de scolarité, ou encore sur le taux réduit de TVA, le gouvernement a renoncé à alourdir l'imposition sur certains produits d'épargne, dimanche 27 octobre, face à la grogne suscitée par ce projet.
Dans les rangs de la majorité, si on s'en réjouit sur le fond, on s'en inquiète sur la forme."On ne peut plus rien toucher", se désespère un ministre cité dans Le Monde. "Si on ne peut plus faire passer la moindre mesure fiscale, cela veut dire qu'on ne peut plus gouverner", s'alarme un député proche de Jean-Marc Ayrault, interrogé par francetv info. Et les dangers, pour la majorité, sont de plusieurs ordres.
Un risque politique : l'amateurisme gouvernemental
D'abord, ces reculades en série donnent du grain à moudre à ceux qui, à droite comme à gauche, considèrent que le gouvernement fait preuve d'"amateurisme". Ce dernier, par la voix du ministre de l'Economie, a beau affirmer qu'"écouter est aussi une vertu", il donne malgré tout l'impression de ne pas toujours réfléchir avant d'agir. "Parfois, c'est vrai que je ne comprends pas tout", euphémise le socialiste Bertrand Delanoë, interrogé sur i-Télé.
Surtout, le risque pour l'exécutif est d'être pris dans un cycle infernal. "L'impopularité du chef de l'Etat donne le sentiment à la majorité qu'on peut facilement s'opposer au pouvoir", explique le politologue Bruno Jeanbart. Or, plus le gouvernement rétropédale, moins il donne le sentiment d'avoir un cap, plus il s'attire des critiques, moins il est populaire, et plus il rétropédale, etc.
Un risque économique : l'excès d'impôts
Sur le fond, certains pointent un autre risque, bien plus grave pour l'économie, celui-là :"Les Français n'en peuvent plus d'entendre l'annonce d'une nouvelle taxe tous les matins à la radio. C'est (...) antinomique avec un retour de la croissance", alerte l'économiste Elie Cohen, soutien de François Hollande en 2012, cité par Le JDD. Selon l'hebdomadaire, pas moins de 84 mesures fiscales, "principalement des hausses", ont été mises en œuvre en dix-huit mois.
"La moindre imposition supplémentaire dégrade la confiance", avertit, lui aussi, l'ancien ministre du Budget de Jean-Pierre Raffarin Alain Lambert, dans un entretien à francetv info.
Lorsque les prélèvements obligatoires atteignent un niveau trop élevé, les entreprises diminuent les investissements, et les ménages consomment moins en raison de l'impact sur leur pouvoir d'achat. "Nous circulons sur une ligne de crête", reconnaît le député PS Christian Eckert, rapporteur général du budget à l'Assemblée, interrogé par francetv info, tout en réaffirmant qu'il est "impératif d'afficher un déficit public et des dépenses publiques moins importants".
Un risque social : la révolte fiscale
Il n'empêche : dans les rangs de la majorité, on s'inquiète aujourd'hui de voir le "ras-le-bol fiscal" se transformer en "révolte fiscale". Dans Le Figaro, le porte-parole des députés socialistes Thierry Mandon se montre préoccupé par "une résistance de plus en plus forte face à l'impôt". D'autant que l'exécutif reconnaît maintenant que la "pause fiscale"promise à la sortie de l'été ne devrait pas être effective sur les feuilles d'impôts avant l'automne 2015.
"Actuellement, le principal problème est un problème fiscal, regrette le député PS Laurent Baumel, leader de la Gauche populaire. Notre politique ne rencontre pas l'assentiment des Français. Les problèmes de communication sont secondaires : ils sont liés au problème de produit."
Jets de pierres contre bombes lacrymogènes : les images du soulèvement breton contre l'écotaxe ont inquiété un certain nombre d'élus de la majorité. "Les révoltes ont ceci de particulier qu’on ne sait pas quand elles naissent ni comment les arrêter", met en garde le centriste Alain Lambert. "Le risque de contagion n'est pas nul. Entre le chômage et les impôts, les gens en ont marre. Contrairement à ce que François Hollande avait promis au Bourget [lors de son meeting de campagne en janvier 2012], ils n'ont pas le sentiment que les plus aisés sont les plus mis à contribution. Dans ce contexte, la moindre étincelle peut faire partir le pays en vrille", redoute l'un des leaders de l'aile gauche du PS, interrogé par francetv info. A cinq mois des élections municipales, la crise d'angoisse guette la majorité.
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