En Bretagne, des déchets radioactifs en plein air ont été dispersés dans l’indifférence
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mardi 22 octobre 2013
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Entre 1956 et 1984, vingt-deux mines d’uranium ont été exploitées entre Guern et Le Faouët, dans le Morbihan. Les déchets ont été déposés sans grande attention de la Cogema ou des autorités, et les remblais radioactifs ont été dispersés. Mais la radioactivité est toujours là...
Photo : Ici, dans un chemin de randonnée près de Ty-Gallen, le scintillomètre de Patrick Boulé affiche 1 075 chocs par seconde... au lieu de 150.
Patrick Boulé, président de l’association Rozglas, sort du coffre de sa voiture un scintillomètre. Un compteur à scintillation, cousin du fameux compteur Geiger-Müller. Nous sommes dans la cour d’une ancienne ferme aujourd’hui inhabitée à quelques centaines de mètres de l’ancienne mine d’uranium de Ty-Gallen, entre Persquen et Bubry.
« C’est là », dit Patrick Boulé en montrant un tas de sable. Il y a encore un an, ce tas de sable devait avoisiner les 15 m3. Aujourd’hui, il en reste à peine un quart. « Presque tout a été volé. » Patrick Boulé met en marche le scintillomètre au-dessus de ce qui reste du tas de sable. L’appareil crépite et marque 1 337 chocs par seconde. « La normale, c’est 150 chocs par seconde. Mieux vaut ne pas s’attarder ici… » Quand bien même, ici tout est contaminé. Et le scintillomètre va aller de surprise en surprise.
A quelques dizaines de mètres du tas de sable, dans un bois, le compteur indique 2 200 chocs par seconde. Et ce n’est pas fini : près de l’ancien potager, au pied d’une source qui alimente le Blavet, c’est le record absolu : 8 000 chocs par seconde. Le compteur s’affole. Patrick Boulé, lui, ne s’éternise pas et s’éloigne illico.
Galeries comblées en 1993
Cette contamination aux particules radioactives trouve son origine de l’autre côté de la butte, à Ty-Gallen. Là, entre 1976 et 1981, une mine d’uranium a été exploitée par la société Simura (Société industrielle des minerais d’uranium). Des galeries ont été creusée sur trois niveaux, compris entre 15 et 50 mètres sous la surface du sol. 18 700 tonnes de minerais ont été extraits de la mine de Ty-Gallen, qui ont fourni 48,7 tonnes d’uranium métal.
Pour vider l’eau des galeries souterraines, des pompes ont été installées. Mais l’eau ainsi récupérée n’a jamais été stockée et encore moins traitée : elle a été tout simplement rejetée dans la nature, de l’autre côté de butte. Direction, la ferme au tas de sable…
La concession de Ty-Gallen a appartenu à la Simura jusqu’en 1991, puis elle est passée en 2001 dans le giron de la Cogema (Compagnie générale des matières nucléaires), devenue depuis Areva. En 1993, la Cogema a comblé les galeries souterraines. Aujourd’hui, à part un panneau de type tourisme industriel (seules quatre anciens sites sont équipés de ces panneaux), absolument rien ne prévient les promeneurs et les cueilleurs de champignons du danger qu’ils courent. Quant aux riverains…
Une aire de boules radioactive
Le tas de sable provient directement de la mine de Ty-Gallen. Pendant des années, les propriétaires de la ferme ont joué aux boules dessus. « On a découvert que ce sable était radioactif. Le propriétaire en a parlé à une personne d’Areva et ce dernier lui a dit d’en faire un tas et qu’Areva l’enlèverait lorsqu’ils décontamineront le sol. » Areva n’est pas repassé et le sable s’est envolé. « On a même volé la pancarte que j’avais installée pour prévenir du danger !, raconte Patrick Boulé. Plus sérieusement, cela signifie qu’il y a du sable radioactif dans la nature et que des gens s’en servent sans savoir que c’est dangereux pour leur santé. »
Dans les chemins, les cours…
Cette histoire de sable radioactif est l’arbre qui cache la forêt. Si les mines ont été fermées et rebouchées plusieurs années après, si les terrains sont aujourd’hui régulièrement débroussaillés afin de permettre aux techniciens d’Areva d’effectuer des mesures de radioactivité, le danger ne se cantonne pas aux 22 anciens sites miniers.
Pendant des années, les remblais issus de ces mines ont été dispersés ici et là. « On s’est servi de toute cette caillasse sous des routes, pour renforcer des chemins, on en a aussi mis dans des cours de ferme du secteur, comme à Lignol, à Guern ou encore à Bubry… On en retrouve dans des chemins de randonnée… Les exploitants des mines en distribuaient à qui voulait… »
D’où la campagne, en septembre 2010, du recensement de ces remblais effectué par hélicoptère. Areva aurait comptabilisé 87 zones, réparties sur douze communes, contaminées par ces anciens remblais. « Areva doit décontaminer. Mais, elle minimise les facteurs de contamination pour ne pas intervenir sur ces zones », accuse le président de Rozglas. Il y a pourtant urgence… Le scintillomètre de Patrick Boulé n’arrête pas de crépiter.
22 mines exploitées entre 1956 et 1984
Cette carte montre les sites des anciennes mines d’uranium -
L’exploitation des mines d’uranium dans le pays du Roi Morvan remonte à 1952. Le gouvernement Pinay adopte alors un plan quinquennal de développement de l’énergie atomique, avec la participation de l’industrie privée. Résultat : certaines parties du territoire français sont retirées du monopole de Commissariat à l’énergie atomique (CEA). La Bretagne en fait partie. Des prospecteurs privés se lancent dans la recherche et l’exploitation de l’uranium.
Les premiers travaux de prospection débutent en Bretagne en 1954 : Joseph Monpas, originaire de Lignol, découvre le premier gisement de la région, à Kersegalec.
Entre 1954 et 1962, les principaux gisements découverts en Bretagne aboutissent à l’exploitation de 22 sites miniers (vingt dans le Morbihan et deux dans le Finistère). De 1956 à 1984, les gisements bretons ont produit 1 108 tonnes d’uranium métal, à partir de 275 974 tonnes de minerai d’une teneur moyenne de 4,01 kg d’uranium par tonne.
Source et photos : Pontivy Journal
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