ÉCONOMIE - La majorité va-t-elle revenir sur ses pas en matière de fiscalité sur l'épargne? Après la levée de boucliers déclenchée par le vote mercredi 23 octobre d'une uniformisation par le haut du taux de prélèvements sociaux, à 15,5%, pour certains contrats d'assurance-vie, plans d'épargne en actions (PEA) et plans d'épargne-logement (PEL), Matignon tente de calmer le jeu.
Les services du premier ministre ont en effet annoncé samedi 26 octobre que des "améliorations pouvaient être apportées" sur la fiscalité du PEL dont la remise en question a fini par être attaquée au sein même de la majorité gouvernementale. Mais comment en est-on arrivé à ce revirement de situation moins de 72 heures après le premier vote de la mesure?
La réforme en question
Jusqu'à maintenant, une règle particulière s'appliquait à plusieurs produits de placement, comme certains contrats d'assurance-vie, PEA et PEL. Ces produits bénéficiaient d'un mode de calcul alternatif et les profits qu'ils engendraient étaient assujettis au taux de prélèvement en vigueur à la date de versement des gains. Un taux dans une fourchette comprise entre 0,5 et 15,5%.
La réforme qui doit être définitivement votée mardi 29 octobre prévoit que tous les revenus issus de l'épargne seront désormais soumis au taux unique de prélèvement social de 15,5%.
Sont concernés les gains issus des PEA de plus de cinq ans; les primes versées avant le 26 septembre 1997 dans le cadre de contrats d'assurance-vie multi-supports; les produits de l'épargne salariale; les primes versées dans le cadre des comptes et plans épargne logement; et les intérêts acquis sur des PEL de moins de 10 ans souscrits avant le 1er mars 2011.
Toutefois, ces taux revus à la hausse ne concernent pas les produits d'épargne qui ont été liquidés avant le 26 septembre 2013. La mesure ne s'appliquant que lorsque l'épargnant récupère son gain, l'ajustement à la hausse n'est pas rétroactif.
Levée de boucliers dans l'opposition
Cette réforme doit rapporter 600 millions d'euros, dont 450 millions affectés à la Sécu. Présentée publiquement le 26 septembre 2013, la mesure n'avait alors pas fait grand bruit.
Mais lorsqu'elle a été débattue puis votée en première lecture à l'Assemblée nationale plus d'un mois plus tard, le 23 octobre, l'opposition s'est alors indignée et a proposé, en vain, de la supprimer, d'en exclure certains placements ou encore de ne l'appliquer qu'aux nouveaux contrats conclus à partir du 1er janvier 2014.
Les députés UMP se sont succédés pour dénoncer "l'acharnement" de la majorité "à vouloir détruire l'épargne des classes moyennes". Le FN, de son côté, s'est aussi alarmé par la voix de Gilbert Collard d'une "suppression des petits épargnants". La mesure a par ailleurs été épinglée par l'UDI qui a considéré qu'elle ne toucherait pas "les nantis" et a reproché au gouvernement de "gratter les fonds de tiroirs".
Le gouvernement se défend
Jugeant la droite mal placée pour "donner des leçons", le ministre délégué au Budget Bernard Cazeneuve a riposté: "si nous prenons ces mesures-là, ce n'est pas par appétence particulière pour l'impôt, mais parce que nous sommes confrontés à des déficits sociaux qui ont pris une dimension abyssale".
Mais rien n'y fait. Nouveau Centre, UMP, ou encore UDI-UC: beaucoup dénoncent la soi-disant "rétroactivité" de la mesure. "En prévoyant de taxer uniformément et rétroactivement (jusqu'à l'année 1997) l'épargne populaire à un taux unique de 15,5% lorsque ce taux était bien inférieur précédemment, les socialistes portent donc un nouveau coup aux classes moyennes", assure notamment Franck Riester, UMP.
Du côté de Bercy, on avance que les règles du jeu n'ont pas été changées. Il ne s'agit que d'une modification de l'impôt, explique-t-on, puisque la mesure ne s'applique que lorsque l'épargnant réalise son gain. "Si on avait dit: on a changé la règle pour des gains passés, ça, ce serait rétroactif", a justifié le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici.
Les constitutionnalistes s'accordent également à dire que l'ajustement des prélèvements sociaux n'est pas rétroactif en tant que tel, même si "moralement", il pourrait être considéré ainsi puisqu'il concerne des contrats ouverts à une époque où l'environnement fiscal était plus clément.
Volte-face de la majorité
Malgré ces précisions, la contestation a fini par atteindre les rangs de la majorité. Dans un revirement inattendu, le rapporteur du budget de la Sécu, Gérard Bapt (PS), a estimé vendredi 25 octobre que le gouvernement devait revenir, pour les PEL et l'épargne salariale, sur son projet de relever les taux de prélèvements.
Une déclaration qui n'a pas manqué de faire réagir du côté UMP. Les services du premier ministre cherchent donc maintenant à apaiser la polémique tant que possible et ont "demandé à Pierre Moscovici et Bernard Cazeneuve de stabiliser les règles en matière de fiscalité de l'épargne". "Des améliorations peuvent être apportées pour le PEL et le CEL", a précisé Matignon samedi 26 octobre.
De son côté, Bernard Cazeneuve a cependant mis en garde les socialistes réticents, estimant qu'il y avait un risque d'anti-constitutionnalité si l'on exemptait le PEL et l'épargne salariale du dispositif.
Un imbroglio qui intervient sur fond de ressentiment croissant contre les hausses d'impôts, qu'avait reconnu lui-même en septembre Pierre Moscovici en évoquant un "ras-le-bol" fiscal dans le pays.
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