RETRAITES - Rien n'aura été simple dans cette première réforme des retraites contraignante portée par un gouvernement socialiste. L'Assemblée nationale a finalement adopté ce mardi 26 novembre le texte défendu par la ministre Marisol Touraine après que les députés de la majorité ont multiplié les exceptions afin d'alléger le poids des économies réalisées.
Très discuté, le texte a finalement été adopté par 291 voix contre 243, le Parti socialiste se mobilisant pour s'assurer la majorité absolue sur ce projet de loi emblématique du quinquennat. La réforme passera par une ultime navette parlementaire avant d'être définitivement ratifiée.
C'est dans un climat de tension au sein même du Parti socialiste que le scrutin s'est déroulé, le gouvernement ayant décidé la semaine dernière d'opter pour la procédure du vote bloqué, très impopulaire chez les parlementaires. Ce dispositif prévu par la Constitution prévoit que les députés se prononcent par un seul vote sur tout ou partie du texte en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement. Un passage en force en bonne et due forme à moins qu'une majorité d'élus ne décide de ruer dans les brancards.
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Passage en force
Adoptée de justesse une première fois à l'Assemblée, rejetée au Sénat, la réforme n'a cessé d'être rafistolée par une majorité de circonstance au Parlement et contre la volonté du gouvernement. Dernier couac en date, les députés ont supprimé à la surprise générale le report de six mois de la revalorisation des retraites. Mesure d'économie qui cristallise l'opposition des écologistes, des communistes, du centre et de l'UMP.
Dans la foulée, l'annonce du vote bloqué, auquel le gouvernement Fillon avait déjà eu recours pour sa propre réforme des retraites de 2010, avait provoqué jeudi les protestations de cinq groupes parlementaires, François de Rugy, co-président du groupe EELV, critiquant une volonté de "passer par dessus la volonté de plusieurs groupes" . Le chef de file des députés FG André Chassaigne, opposés à la réforme, avait lui accusé le gouvernement de sombrer "dans l'indignité", avec un "exercice pitoyable pour la démocratie".
En 2010, le Parti socialiste avait critiqué dans les mêmes termes le choix du vote bloqué fait par François Fillon. "Après avoir braqué le pays en voulant lui imposer une réforme injuste, après l’avoir bloqué en refusant de reprendre les négociations, le président méprise le Sénat et la démocratie en coupant court aux débats. Avec M. Sarkozy, c’est le coup de force permanent", critiquait alors le PS.
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Cataclysme politique en cas d'échec
Ce faisant, l'exécutif avait pris un risque politique considérable. Car si une majorité des députés avaient voté contre la loi, déjà rejetée à l'unanimité au Sénat après avoir été vidée de son contenu, cela aurait mis fin à cette réforme timide mais symbolique des efforts promis par l'exécutif pour rétablir les comptes publics, toujours très lourdement déficitaires.
"Il suffit que les 47 députés de gauche abstentionnistes [lors de son premier passage à l'Assemblée] aillent jusqu’au bout de leur conviction en rejoignant ceux du Front de Gauche dans leur opposition à cette loi et elle ne passe pas", espéraitle bras droit de Jean-Luc Mélenchon, Eric Coquerel, sur son blog.
Afin d'éviter un désaveu magistral, sur lequel comptaient ardemment le Front de Gauche et les syndicats contestataires, le gouvernement avait opté pour la calinothérapie au prix de quelques aménagements parlementaires. Dans la nuit de lundi à mardi, la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, avait présenté toute une série de mesures compensatoires censées soulager les petites retraites du report de la revalorisation annuelle qui sera bel et bien maintenu.

L'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS) sera revalorisée d'une cinquantaine d'euros pour les plus de 60 ans et le minimum vieillesse sera revalorisé deux fois en 2014, a annoncé dans l'hémicycle la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine.
L'UMP, par la voie de Denis Jacquat, s'était empressée d'ironiser sur une ministre "obligée de jouer l'acrobate pour recoller les morceaux de la majorité" mais les députés rebelles de gauche ont salué ces "avancées", laissant espérer au gouvernement une éclaircie dans le bras de fer parlementaire.