Retraite chapeau chez PSA: un scandale politique et social vieux comme la crise
Le HuffPost | Par Geoffroy ClavelPublication: 27/11/2013 12h37 CET | Mis à jour: 27/11/2013 13h32 CET
RETRAITE CHAPEAU - "Irresponsable", "folie", "choc", "excessif", "petits arrangements entre amis"... Comme en 2009, la litanie des indignations politiques n'a pas manqué de resurgir dès l'annonce d'une éventuelle retraite chapeau de 21 millions d'euros pour le futur ex-patron de PSA Peugeot-Citroën.
Si cette somme ne devrait pas être versée d'un seul trait et ne serait qu'une provision destinée à financer la retraite complémentaire de 310.000 € annuels de Philippe Varin, le contexte politique et sociale est propice à l'emballement. Sans parler du profil du dirigeant de PSA. Après seulement quatre ans à la tête du constructeur automobile, celui-ci abandonne une entreprise exsangue et en pleine restructuration. Pour couronner le tout, Peugeot-Citroën n'a eu de cesse depuis deux ans de réclamer des aides publiques à l'Etat et des efforts de compétitivité (dont une grande partie pèse sur la masse salariale) à ses salariés.
Symbole qui tache alors que l'Assemblée vient tout juste d'adopter sa réforme des retraites: cette provision de 21 millions, versée mensuellement à la seule charge de l'entreprise, constituerait l'équivalent de plus de 200 emplois rémunérés au Smic.
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Indignation transpartisane
Autant dire que les critiques ont immédiatement volé d'un bout à l'autre de l'échiquier politique. "Nous disons non avec fermeté", a tranché le ministre de l'Economie Pierre Moscovici à la sortie du conseil des ministres. Le patron de Bercy s'exprimait au côté de son confrère Arnaud Montebourg, qui n'a jamais été tendre avec le PDG de PSA, qui a qualifié de "inappropriée" la somme évoquée par les syndicats du groupe.
Les responsables politiques de tous bords ont eux aussi réagi tous azimuts, sans d'ailleurs connaître le détail de cette somme exhorbitante. "Pourquoi on ferait souffrir les petits vieux, les anciens combattants, les associations, tout un petit peuple français qui se serre la ceinture et on offrirait 21 millions à ce Monsieur ?", s'est indigné le député socialiste Malek Boutih.
"Partir avec une retraite de cette importance-là quand on a échoué à la tête de Peugeot, quand on n'a pas été capable de sauver un certain nombre d'emplois, quand on demande des efforts aux salariés, je trouve ça tout simplement indécent", s'est étranglé l'ancien ministre UMP Bruno Le Maire.
'C'est un exemple déplorable, un très mauvais signal envoyé à la France tout entière et en particulier aux salariés à qui on demande des efforts", a renchéri le patron du Parti radical de Gauche Jean-Michel Baylet.
Quand Sarkozy préférait s'en remettre à la "déontologie" d'entreprise
Une mélodie qui vous semble familière? En 2009, en pleine crise des subprimes, la question des parachutes dorés et des retraites chapeaux des hauts dirigeants avait durablement agité le gouvernement de Nicolas Sarkozy, poussant la majorité de l'époque à légiférer sur le sujet.
Décision symbolique: le décret du 20 avril 2009 interdisait purement et simplement les retraites chapeaux pour les dirigeants d'entreprises qui ont bénéficié de l'aide de l'Etat. Problème: cette disposition n'était valable que jusqu'à la fin de l'année 2010. Et celle-ci n'ayant pas d'effet rétroactif, elle n'avait pas servi à grand chose.
Entre 2009 et 2010, le feuilleton des retraites chapeaux n'a cessé de rebondir, les députés UMP poussant pour un encadrement de ces pratiques très mal vécues par les Français. En octobre 2009, le ministre du Budget, Eric Woerth, s'était opposé à tout encadrement du système, privilégiant un code de déontologie arrêté par le patronat.
Mais devant l'obstination des parlementaires, majorité et opposition comprises, les retraites chapeaux étaient finalement encadrées: impossible de dépasser 30% de la rémunération de la dernière année d'exercice et surtaxe fiscale. Les parlementaires avaient notamment durci le barème en instaurant trois tranches progressives (7%, 14% et 21%) contre deux auparavant (6% ou 12%).
Vers une interdiction pure et simple?
Si le gouvernement de Jean-Marc Ayrault n'a pas encore réagi à l'annonce de la retraite de Philippe Varin, la question est d'ores et déjà sur la table: faut-il encore légiférer pour interdire ces pratiques ou compter davantage sur l'autorégulation?
Pendant sa campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy, qui surfait alors sur le thème des "patrons voyous", s'était engagé à interdire les retraites chapeaux pour les hauts dirigeants. "Il y a une partie des dirigeants qui ne veulent pas comprendre que le monde d'aujourd'hui est différent. Il y a des choses qui choquent, et qu'on ne peut pas accepter", dénonçait-il alors.
Pourtant, à droite comme au centre, c'est bien l'éthique personnelle qui doit l'emporter. "C'est aux actionnaires d'en décider. C'est déjà arrivé que des dirigeants y renoncent, c'est arrivé en Suisse, en Allemagne, en France. Je n'ai pas à lui donner de leçon mais ça me parait excessif", a temporisé le patron de l'UDI, Jean-Louis Borloo.
L'instance déontologique du Medef, le Haut comité de gouvernement d'entreprise, s'est d'ailleurs auto-saisie ce mercredi du cas Philippe Varin.
Mais à gauche, la pression devrait monter dans les heures qui viennent. Pendant sa campagne présidentielle, François Hollande s'était contenté d'annoncer un durcissement de la fiscalité sur les retraites chapeau et avait concentré son attention sur la suppression des stock-options. Une position qui pourrait sensiblement évoluer dans les jours à venir.
AU FAIT, C'EST QUOI UNE RETRAITE CHAPEAU?Une retraite chapeau est un régime de retraite additionnel et optionnel, censé compléter la retraite de base et la retraite complémentaire. Proposée par l'entreprise afin de fidéliser ses cadres et hauts dirigeants, la retraite chapeau ne peut être touchée tant que le salarié n'a pas fait jouer ses droits à la retraite.Contrairement à une indemnité de départ, cette retraite additionnelle ne peut être versée sous forme de capital. Elle prend la forme d'une rente régulière, proportionnelle au salaire ou de la perte de salaire et, en théorie, à l'ancienneté du salarié de la société. Pour en savoir plus, cliquez ici