ÉCONOMIE - Chopin, Liszt, Debussy ou encore Saint-Saëns y ont joué leurs plus belles partitions: les prestigieux pianos Pleyel ne seront bientôt plus fabriqués après la fermeture annoncée en fin d'année de la manufacture de Saint-Denis, 200 ans après la création de la marque. La société Pleyel, fondée en 1807, n'a pas pu résister à la concurrence venue de Chine et de Corée du Sud, en dépit d'un recentrage stratégique opéré en 2007 vers le piano haut de gamme.
"L'entreprise Pleyel confirme la fermeture de l'atelier de production de Saint-Denis, qui emploie 14 salariés, compte tenu de la situation de pertes récurrentes et du très faible niveau d'activité", a déclaré le président de la manufacture Bernard Roques. "Une première solution permettant d'assurer la poursuite d'une certaine partie de la production n'a pas abouti. Compte tenu du niveau des stocks des produits finis, le maintien de l'activité commerciale est assuré. Des solutions alternatives seront recherchées", a-t-il ajouté.
A la sortie de la manufacture, non loin du Stade de France, Eric Auburtin, délégué du personnel et employé depuis 1989, ne cachait pas son amertume: "c'est une énorme déception pour tous les employés, qui se sont donnés pour les ateliers pendant plusieurs années". Fabrice Perret, directeur adjoint des ateliers, regrette lui la fin "d'un savoir faire unique" pour la confection de ces instruments, parfois qualifiés de la "Ferrari du piano". "On les livrait dans des yachts, aux Emirats, en Australie... Maintenant, Pleyel c'est fini."

Manufacture Pleyel: visite à l'Atelier 1 par beethovenof

Une manufacture ouverte depuis 1865
La manufacture Pleyel de Saint-Denis avait ouvert ses portes en 1865, dans un vaste atelier de 50.000 m2. En 1961, la production avait été délocalisée en Allemagne, puis rapatriée en France, à Alès (Gard), de 1996 à 2007. Le groupe était revenu s'implanter à Saint-Denis, au nord de Paris, à l'occasion du bicentenaire de la marque. Le nouvel atelier était tourné vers le luxe (pianos à queue, de designers, d'artistes, commandes spéciales...) et fabriquait également des meubles design.
Conséquence de ce repositionnement, lié à la concurrence féroce des fabricants asiatiques: la société ne produisait plus ces dernières années que deux pianos par mois, contre près de 140 au début des années 2000. La disparition de ce fleuron musical français, qui a conçu et fabriqué durant deux siècles près de 250.000 pianos et acquis une réputation internationale, sonne le glas d'une longue tradition manufacturière française dans le domaine musical.
"Cette disparition est symptomatique du plan social de grande ampleur actuellement à l'oeuvre dans le secteur des métiers d'art", estime la Confédération française des métiers d'art (CFMA). La présidente du Conservatoire international de musique de Paris, Françoise Levéchin, évoque elle "une grande catastrophe pour l'école du piano français".

"Préserver le savoir-faire exceptionnel français"
"C'est impensable qu'on ne puisse pas la soutenir, qu'on ne puisse pas sauver cette maison très ancienne qui est une grande manufacture française et qui fait partie de l'histoire du piano", déplore-t-elle. Dans un communiqué, le président des pianos Klein, autre fabriquant historique de pianos en France, a lancé un appel pour "préserver le savoir-faire exceptionnel français dans la conception de pianos de qualité, facteur de rayonnement culturel essentiel pour la France à l'étranger".
La construction d'un piano Pleyel nécessite 5000 pièces, entre 500 et 1500 heures de travail, regroupant 20 métiers différents (luthiers, ébénistes, vernisseurs, laqueurs...), indique le constructeur sur son site. Le nom des Pleyel est également lié à de nombreux lieux parisiens et de la petite couronne, comme la station de métro Carrefour Pleyel (ligne 13), la tour Pleyel (la plus haute de Seine-Saint-Denis avec 140 mètres) et la salle de concert Pleyel, située non loin de l'Elysée.
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