Julien Dray : «Soyons plus collectifs»
Ancien député PS de l’Essonne, Julien Dray, qui est un proche du président de la République, lui suggère de modifier sa façon de gouverner.
Paris, jeudi. Julien Dray affirme ne pas être surpris par la polémique autour des déclarations de Marine Le Pen sur les otages du Sahel récemment libérés : « C’est comme dans un conte de Perrault, la farine sur la patte du loup finit par tomber. » | (LP/Frédéric Dugit.)
Julien Dray, membre du Parti socialiste, est vice-président de la région Ile-de-France et un soutien de longue date de François Hollande.
Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas vu venir les problèmes de l’écotaxe ?
JULIEN DRAY. C’est une question qu’on est en droit de se poser! D’autant qu’on découvre a posteriori le caractère pour le moins singulier de la mise en place de ce contrat, les pénalités prévues, la date de sa signature, etc.
Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas vu venir les problèmes de l’écotaxe ?
JULIEN DRAY. C’est une question qu’on est en droit de se poser! D’autant qu’on découvre a posteriori le caractère pour le moins singulier de la mise en place de ce contrat, les pénalités prévues, la date de sa signature, etc.
Est-ce que l’écotaxe n’exprime pas un malaise plus profond ?
Si on donne le sentiment aux salariés et aux classes moyennes qu’ils ne sont là que pour payer des impôts, forcément cela conduit à la colère ou à la révolte. Il faut redonner du sens à l’effort demandé, faire qu’il soit juste et partagé équitablement par tous. On s’est éloignés de cette démarche avec ces va-et-vient contradictoires. Par ailleurs, le capital financier et spéculatif reste trop peu contributif par rapport aux efforts que la communauté fournit. On doit être plus déterminés.
L’exécutif n’essaye-t-il pas de se donner une image de fermeté sur le dos des clubs de football pour la taxe à 75% ?
Les clubs sont indéfendables : ils se sont laissé entraîner dans une fuite en avant avec une masse salariale démesurée; près de 75% du budget pour les clubs français de la Ligue 1 contre 50% en Bundesliga. Mais les ligues sont aussi responsables de ne pas avoir fait de péréquation entre les gros et les moyens et petits clubs.
A Bercy, les ministres ne s’entendent plus…
L’émulation entre ministres est saine si elle vise à faire gagner le collectif. Elle devient gênante si c’est le chacun pour soi. Ce qui me surprend depuis plusieurs semaines, c’est la solitude du ministre qui porte son projet et parfois même du président de la République. Il faut mettre chacun devant ses responsabilités : personne ne s’en sortira tout seul. Alors soyons plus collectifs et solidaires.
Est-ce que François Hollande ne doit pas lui aussi repenser sa manière de fonctionner ?
Le président est tout sauf quelqu’un de dogmatique. Il se rend compte qu’il y a des corrections à apporter et peut être aussi des remises en cause personnelles à opérer dans sa manière de faire vivre tout cela.
Mais le président n’a-t-il pas tendance à croire qu’il peut tout faire tout seul ?
Il faut dire que cela lui a souvent réussi. Aujourd’hui il est trop systématiquement en première ligne.
Hollande peut-il encore rebondir avec des sondages aussi bas ?
Si ça s’installait dans le temps, cela pourrait compliquer son acti on. Mais pas d’affolement : il y a encore beaucoup de temps de jeu et de marges de manœuvre.
La radicalisation d’une partie de la société française vous inquiète-t-elle ?
Oui, d’autant qu’on assiste à la droitisation extrême d’une partie de l’opposition qui vacille sur ses fondamentaux républicains. Il y a des choses qui sont aujourd’hui tolérées qu’on n’aurait jamais admises avant : qu’un ministre de la République soit assimilé à une guenon, cela me révolte viscéralement.
La situation politique ne rend-elle pas obligatoire de changer le gouvernement pour éviter un désastre aux municipales ?
La question, ce n’est pas tellement le remaniement, c’est de savoir comment on va recréer ce collectif, cette envie, cette histoire commune. Si on fait un remaniement pour faire un jeu de chaises musicales, cela n’a aucun intérêt. Si au contraire on fait un remaniement qui permette de recréer un pacte majoritaire entre les différents partenaires de la majorité, avec une feuille de route et des objectifs partagés, cela peut être utile.
Harlem Désir à la tête du PS, erreur de casting ?
Pas du tout, je n’aime pas ce « Harlem bashing ». Il a été un formidable leader générationnel et je ne crois pas qu’il soit devenu un sombre apparatchik. Il faut juste que maintenant il se lâche et soit lui-même. Le parti avec lui doit retrouver un optimisme révolutionnaire. Faire vivre la notion de progrès contre toutes les peurs.
Marine Le Pen a-t-elle dérapé en évoquant son « trouble » lors de la libération des otages du Sahel ?
Non, c’est comme dans un conte de Perrault, la farine sur la patte du loup finit par tomber et laisse apparaître la réalité…
La colère des lycéens autour de l’affaire Leonarda est-elle, selon vous, retombée ?
Attention, il faut dialoguer. Il y a encore des cas qui peuvent susciter de l’émotion. Il faut faire vivre la règle de la protection de l’institution scolaire.
La proposition de loi visant à pénaliser les clients de la prostitution arrive à l’Assemblée au milieu du tumulte provoqué par la pétition des « 343 salauds »… Qu’en pensez-vous ?La lutte contre l’esclavagisme sexuel est essentielle. C’est un combat contre les réseaux mafieux et, là, on n’a pas besoin de loi mais de moyens, de détermination et de volonté. Quant au manifeste des « 343 », c’est évidemment une imbécillité faussement libertaire.
Le Parisien
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