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samedi 4 août 2018

Les multinationales volent de record en record

4 août 2018.

Les multinationales volent de record en record

Au deuxième trimestre, les profits des grands groupes ont bondi de plus de 20  % aux Etats-Unis et de 9  % en Europe

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Jusqu'ici tout va bien, et même mieux que bien. Dix ans après la crise de 2007-2008 qui avait vu le capitalisme mondial perdre pied, les principales multinationales de la planète sont plus en forme que jamais. Increvables et rayonnantes. C'est ce que montre le succès d'Apple, devenu, jeudi 2 août, la première entreprise de l'histoire à valoir 1 000 milliards de dollars (soit 863 milliards d'euros) en Bourse après avoir publié, comme beaucoup d'autres, de brillants résultats.
En trois mois, la firme américaine a engrangé à lui seul un bénéfice net de 11,5  milliards de dollars. Le groupe à la pomme réalise ainsi un profit net représentant 22 % de ses ventes, une marge à faire pâlir d'envie la plupart des industriels – même les ténors du luxe n'arrivent pas à de tels sommets  ! Son rival coréen, Samsung, le plus gros vendeur de téléphones portables au monde, a lui aussi passé le cap des 10  milliards de dollars de profit trimestriel. Juste derrière, Microsoft, JPMorgan ou encore le suisse Novartis ont également annoncé des bénéfices colossaux.
Il y a un an, les professionnels redoutaient que l'économie mondiale ne rechute à court terme, mettant fin à une période en or pour les grands groupes. Pour l'heure, ils dégagent des profits toujours plus plantureux, même si l'inquiétude pour la suite s'accentue. Globalement, les 4 000 principaux groupes cotés à travers le monde pour lesquels les données sont disponibles affichent un bénéfice par action en hausse de près de 15  % par rapport au même trimestre de 2017, selon Bloomberg. "  C'est une situation paradoxale, souligne Eric Labbé, gérant de fonds chez CPR. Les résultats sont solides, et même stratosphériques pour certaines sociétés comme LVMH ou Kering. Pourtant, les investisseurs s'interrogent  : est-ce qu'on n'est pas à la fin d'un cycle  ? Ils craignent que les entreprises aient atteint le sommet ou s'en approchent, et que leurs résultats ne deviennent moins brillants. Si bien qu'ils préfèrent parfois vendre certaines belles valeurs, pour prendre leurs bénéfices avant une éventuelle retombée.  "
Croissance mondialeC'est aux Etats-Unis que la publication des résultats s'apparente le plus à un feu d'artifice. Les deux tiers des 500 leaders de Wall Street ont déjà dévoilé leurs comptes. Dans 80  % des cas, ils se sont révélés supérieurs aux attentes. En moyenne, les profits des poids lourds américains ont grimpé de 23 % par rapport à ceux, déjà très solides, du deuxième trimestre 2017, selon les pointages réalisés par Thomson Reuters.
A ce bond en avant, trois raisons clés. D'abord, le tonus de l'économie. La croissance mondiale pourrait atteindre 3,8  % en  2018. Au deuxième trimestre, elle a déjà dépassé les 4  % aux Etats-Unis, un terrain de jeu ainsi très favorable pour les groupes américains, d'autant que les taux d'intérêt restent bas.
Deuxième moteur de la hausse des profits, celle du pétrole. Une aubaine pour ExxonMobil, Chevron et les autres. La filière avait serré les coûts afin d'être compétitive même avec un baril à 50 dollars. Aujourd'hui qu'il fluctue autour de 75 dollars, ce sont autant de profits en plus pour toute la profession. Aux Etats-Unis, le secteur de l'énergie a ainsi plus que doublé ses bénéfices d'une année sur l'autre, sans que cela pénalise trop, à ce stade, les industries clientes.
Dernier facteur décisif  : la baisse des impôts sur les sociétés, instaurée en décembre  2017 par le président des Etats-Unis, Donald Trump. "  Ce dumping fiscal a donné un coup de fouet aux résultats des compagnies américaines  ", qui accumulent les liquidités, constate M. Labbé, de CPR.
Shell, Roche, Daimler, Total, Nestlé… En Europe aussi, les grandes entreprises vont de mieux en mieux. Mais elles ne disposent pas du même bonus fiscal, et le marché européen est moins porteur, si bien que l'amélioration des profits se révèle de moindre ampleur. Elle se limite à 9  % pour les 300 premiers groupes à avoir publié leurs comptes. La hausse des profits est néanmoins deux fois plus rapide que celle des ventes.
La saison a tout de même été marquée par quelques contre-performances notables. A commencer par l'énorme perte trimestrielle – 3,6  milliards d'euros – essuyée par l'espagnol Naturgy (ex-Gas Natural Fenosa) à la suite de dépréciations massives d'actifs. En France, Carrefour, en pleine réorganisation, a également présenté un déficit important, et Air France-KLM a été pénalisé par la grève des pilotes. Mais ce sont des exceptions.
Jusqu'à quand les étoiles vont-elles rester ainsi alignées pour les multinationales  ? C'est la grande question. Depuis la fin de la crise de 2007-2008, elles bénéficient déjà d'une des phases d'expansion économique les plus longues de l'histoire moderne. Le mouvement se poursuit malgré les barrières protectionnistes mises en place par les Etats-Unis, malgré la montée des coûts alimentée par la hausse du pétrole. Cependant, cette ère radieuse touche peut-être à sa fin. "  Il faut s'attendre à une récession d'ici à la fin de 2019 ou au début de 2020  ", avance Stephen Gallagher, de la Société générale.
Denis Cosnard
© Le Monde

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